On ignore si vous avez écouté et, surtout, si vous avez apprécié les commentaires de Guy Roux au cours du match Paris – Nantes. Ils méritent pourtant qu'on y prête les oreilles, tant ils sont empreints à la fois de conformisme et d'hypocrisie. Le sachem bourguignon nous sert son morceau le plus choisi à l'occasion de l'ouverture du score par Mario Yepes. D'abord, il fait comme tout le monde, il voit les trois Parisiens hors-jeu sur la chandelle de Dhorasoo, et il a tendance à mettre en doute la validité du but. Ensuite, il réfléchit.
Il nous parle des nouvelles règles, lesquelles, remarquez bien, accordent une large part à l'interprétation de l'arbitre. Autant dire qu'elles ne nous disent pas si Stéphane Moulin a correctement interprété toutes les composantes de l'action. On l'a même déjà écrit : on pense que 80 pour cent des arbitres et de leurs assistants n'auraient pas validé ce but.
Il a changé son fusil d'épaule
Seulement, Guy Roux qui, en son temps d'entraîneur, fut l'un des plus virulents pourfendeurs d'arbitres a changé radicalement son fusil d'épaule depuis qu'il est devant un micro. Il leur sert la soupe et leur donne raison de manière aussi constante que parfois dérangeante.
On sait bien qu'un commentateur doit éviter de trop critiquer un homme qui a déjà beaucoup à faire avec les joueurs, les entraîneurs et le public et qui ne dispose pas d'images au ralenti pour se faire une opinion. On ne demande pas à Guy Roux de faire du Thierry Rolland dont, franchement, on ne regrette absolument pas les talents, ils étaient si lumineux qu'ils finissaient par l'aveugler lui-même. Il reste qu'un commentateur a le droit et même le devoir, quand c'est l'évidence, de dire qu'un arbitre s'est trompé. De même, il n'est pas obligé d'estimer qu'un match est de qualité si son niveau vole désespérément bas, ce qui fut le cas lors d'un récent Bordeaux- Monaco qu'il avait été le seul à trouver intéressant. « Mais n'oubliez pas que je suis là pour vendre un spectacle », note-t-il, non sans raison d'ailleurs.
Il n'oublie pas qu'il est aussi salarié à l'AJ Auxerre
Alors pourquoi Guy Roux reste-t-il obstinément sur la réserve, lui qui naguère était le premier à monter au créneau ? La raison est simple : l'ex-entraîneur d'Auxerre dispose de plusieurs casquettes. Il est encore salarié de l'AJA, il compte même toujours parmi les mieux payés du club icaunais, et à ce titre il essaie de lui rendre service.
Rusé jusqu'au bout des ongles, il a tout compris du système. Et il sait que dire du bien d'un arbitre, même quand il se trompe, c'est le mettre dans de bonnes dispositions par rapport à son club qu'un jour ou l'autre il sera amené à diriger. Comme dirait l'autre, ça ne mange pas de pain.
La reconnaissance du ventre
Et bien sûr ça ne gêne pas Canal Plus. D'autant que Guy Roux est suffisamment malin pour avoir aussi la reconnaissance du ventre. C'est à dire qu'il prend soin d'abonder constamment dans le sens des avis et des intérêts d'un employeur qui ne le paie pas aussi bien que l'AJA mais lui verse tout de même de substantiels revenus. Et surtout assure sa promotion, laquelle est ensuite bien utile quand il s'agit de négocier de juteux contrats de publicité. Or, dire du bien du Paris-Saint-Germain, légitimer ses succès, apporter sa caution quand il peut exister débat c'est forcément plaire à Canal Plus. Et c'est s'assurer qu'on reviendra souvent sur l'antenne.
Un ancien Auxerrois ne triche pas
En une poignée de secondes, Guy Roux a tout compris samedi dernier : il fallait qu'il dise que ce but était valable. Pour lui, c'était prendre l'assurance de gagner sur tous les tableaux.
Le coude de Kalou ? Aucune importance ! D'ailleurs l'Ivoirien est un ancien Auxerrois et à partir de là, n'est-ce pas, il ne saurait être suspecté de la moindre tentative de tricherie. Tous ceux qui connaissent le fair play à l'auxerroise, notamment lorsqu'il s'agit de « rendre » le ballon à l'adversaire à la suite d'un arrêt de jeu, ne sauraient qu'en être persuadés. C'est donc bien, foi de Guy Roux, le ballon qui est allé à la main de ce pauvre Kalou, lequel ne pouvait absolument pas l'éviter et aurait été injustement pénalisé si Stéphane Moulin y avait trouvé à redire. Et l'arbitre a eu totalement raison de ne pas priver le grand PSG d'un but aussi « limpide », puisque l'ancien coach d'Auxerre l'a dit.
Une dent contre les Nantais
On imagine aisément quelle aurait été sa réaction, il y a encore six mois, si sa chère ancienne équipe avait été victime d'un semblable jugement, aussi « arbitraire » que contraire. Stéphane Moulin, le « héros » du Parc aurait été carrément menacé d'être brûlé vif sur la grande place qui jouxte le stade de l'Abbé-Deschamps ! Longtemps d'ailleurs, le vieux sioux auxerrois ne se contentait pas de dire leur fait aux arbitres qui ne lui avaient pas plu uniquement après les matches : il prenait soin de leur rendre une petite visite « de courtoisie » avant le coup d'envoi. « Je ne le fais plus, » se laissa-t-il aller à reconnaître voilà deux ans…
Quant à l'obstruction de Yepes sur Landreau lors du but de Pauleta, pas question non plus de la dénoncer. Les caméras ne s'y sont pas trop attardées et l'arbitre n'a rien dit. Donc…
On s'étonnera d'autant moins du manque de réactivité de Guy Roux qu'il ne porte pas dans son cœur les Nantais en général et Da Rocha et Landreau en particulier. Tous deux avaient eu « l'audace » de mettre en doute sa sportivité lors d'un match entre les deux équipes à Auxerre. Alors que Da Rocha était blessé, le coach de l'AJA avait donné l'ordre à ses joueurs d'effectuer rapidement une remise en touche et c'est ainsi qu'ils avaient marqué, par Gonzales, le but de la victoire. « Je ne me suis pas aperçu que Da Rocha était touché » avait ensuite prétendu Guy Roux qui avait évidemment trouvé nombre de médias, surtout ceux auxquels il collabore, pour approuver sa mauvaise foi. Or, Da Rocha était si près de son banc de touche qu'il ne pouvait pas ne pas l'avoir vu.
Samedi, il n'a pas vu la faute de Yepes. Ni la main de Kalou. Ni les Parisiens hors-jeu. Tout est en ordre, non ? En fait, ce n'est pas seulement Guy Roux qui est répréhensible dans ce genre d'affaire mais bien tout le système autour duquel s'articule le foot pro. Système de connivences et d'intérêts qui se croisent et s'enchevêtrent. Lui, il ne fait qu'en profiter. Et c'est un exercice où, depuis longtemps, il fait figure d'expert.
B.V. le 11 octobre 2005
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