Le point sur les i du "jeu
à la Nantaise"
A ce niveau là on ne devrait d’ailleurs plus
parler de chapeau mais plutôt de parasol… Vahirua
transféré, Ahamada désertant à
sa suite, il était bien entendu que le peuple jaune
et vert n’aurait toléré bien longtemps
de se retrouver ainsi privé de tête de turc.
Puisqu’il en fallait une ce serait donc celui qu’on
avait annoncé un peu vite comme le détenteur
des clefs de ce fameux jeu à la nantaise. Soit dit
en passant, il va bien falloir admettre un jour ou l’autre
que ce jeu à la nantaise n’existe plus que
par intermittence depuis bientôt dix ans. Trois passes
réussies, quelques enchaînements fluides et
du mouvement par instant ne font pas pour autant du jeu
à la nantaise. Tant que le jeu sans ballon sera aussi
pauvre, la chorégraphie nantaise sera durablement
plus proche de la marche militaire que du ballet. Ceci est
dit sans préjuger du travail de Serge Le Dizet dont
nous pressentons déjà qu’il sera de
meilleur facture que celui de ses prédécesseurs,
dès lors que l’atmosphère se sera durablement
assainie du côté de la Jonelière.
Siffler n'est pas jouer.
Mais revenons donc à nos moutons, ou plutôt
à notre bouc émissaire. Si le public nantais
se défoule sur le meneur de jeu ivoirien c’est
bien sûr pour une bonne raison : Dieu que c’est
bon de pouvoir déverser toute sa frustration sur
un joueur ! N’oubliez pas, cher ami, que le sifflet
est autorisé, non répréhensible légalement
et gratuit en plus ! Ce serait ballot de se priver, on va
lui montrer à ce gars qui gagne des millions ce que
ça fait de se moquer ostensiblement des supporters.
Yapi porté trop tôt trop haut.
Il est incontestable que le petit meneur de jeu n’a,
pour le moment, que trop rarement répondu aux (nombreux)
espoirs qu’il a suscité. C’est un fait
indéniable mais là n’est pas le propos.
Il n’est pas question non plus de demander aux supporters
de ne pas manifester leur mécontentement. Bien au
contraire. Mais quel est l’intérêt de
s’acharner sur un joueur ? Siffler une équipe
pour sa piètre prestation collective est une chose,
conspuer un joueur pour une passe ratée, un rendement
insuffisant en est une autre, beaucoup plus tendancieuse
et pernicieuse. Certains joueurs, rares, trouveront dans
ces sifflets la source d’un surcroît de motivation,
d’autres, beaucoup plus nombreux, continueront de
plus belle à jouer à l’envers, à
contre-temps, redoutant l’erreur fatale qui arrivera
immanquablement. Forcément. Outre que ces sifflets
sont totalement contre-productifs, on peut s’interroger
sur leur légitimité. Yapi est un joueur respirant
le jeu à la nantaise (© Fred Porcher), comme
on a pu s’en rendre compte lors de quelques trop rares
fulgurances.
Dans l'ombre de l'ombre de Japhet N'Doram.
Dès lors, il semble évident que les conditions
de son éclosion sont loin d’être réunies.
Bien sûr que ce joueur a sa part de responsabilité
mais ni plus ni moins que ses coéquipiers, tous payant
(entre autres) la piètre qualité du travail
fourni à l’entraînement ces dernières
années, ainsi que l’absence totale de projet
de jeu ambitieux (si tant est qu’il y en ait eu un
sous l’ère Marcos-Amisse). Nous serions curieux
de voir le rendement qu’aurait Japhet N’Doram
dans l’équipe actuelle, probablement pas beaucoup
plus glorieux en tous les cas. Peut-être Gilles Yapi
n’a-t-il pas le dixième du talent d’un
N’Doram, peut-être ne réussira-t-il jamais
à Nantes ou ailleurs. Il est cependant indiscutable
que ce joueur est pétri de qualité techniques
et de vision de jeu au-dessus de la moyenne. Son grand tort
est de se retrouver titulaire indiscutable faute de solution
de rechange viable, dans une équipe à la dérive
de surcroît. Ce joueur n’est pas de ceux pouvant
faire basculer un match à eux seuls mais nous avons
la faiblesse de croire qu’il est tout à fait
capable d’être la plaque tournante d’une
équipe jouant au ballon, du gardien à l’attaquant.
Et l'on reparle de Ziani...
Comble d’ironie, il est même de bon ton aujourd’hui
de pleurer le départ de Ziani, génie incompris
en exil sur l’île de beauté. On ne s’attardera
surtout pas sur le fait que ceux qui regrettent son départ
sont probablement ceux qui le disaient totalement cramé
l’an passé. Non, simplement il faut avoir la
mémoire bien courte pour oublier les matchs calamiteux
ou tout simplement transparents qu’il proposait il
y a quelques mois. Qu’il brille à Bastia est
une évidence, d’un éclat qui n’a
d’égal que la médiocrité de ses
dernières prestations nantaises, cela ne signifie
surtout pas qu’il en serait ainsi dans l’équipe
de Serge Le Dizet. Briller dans son nouveau club est aussi
fréquent que de rater ses débuts, tout est
histoire d’intégration réussie ou non,
de motivation, de système de jeu adéquat,
etc. Le Ziani version 2003-2004 n'était pas non plus
le meneur de jeu attendu. IL tournait sur lui-même
plus que de raison, oubliait la première intention
et multipliait les mauvaix choix. Yapi même moyen
vaut mieux que le Ziani d'alors. N'Doram a mis du temps
à s'acclimater, Halilhodzic ressemblait à
un fantôme perdu sur le terrain lors de sa première
saison nantaise. Ouedec n’était pas brillant
lors de ses premières apparitions, ne parlons pas
de Da Rocha, aujourd’hui magnifié par les supporters,
qui a reçu plus que son lot de quolibets lors de
ses premières saisons. Mais rassurez-vous, touché
par une limite d'âge anticipée, il sera bientôt
vouez aux gémonies pour services rendus.
Quand le public soutiendra-t-il enfin les joueurs
qui en ont le plus besoin ?
Il est évident que Yapi paye aujourd’hui le
prix fort d’un jeu anémique et stéréotypé,
comme Da Rocha subissait les conséquences d’un
placement hasardeux sur le terrain. Laissons le temps à
Serge Le Dizet de bâtir une équipe en rapport
avec ses prometteuses conceptions du jeu, souhaitons à
Yapi de repartir sur de nouvelles bases via, par exemple,
l’éclosion attendue d’un Dimitrijevic
qui lui permettrait de se faire un peu oublier du public.
Car si le FC Nantes se remet à jouer et à
gagner, il retrouvera comme par enchantement, un public
un peu plus digne. Assurément, cela fonctionne dans
ce sens. Il est simplement dommage que lorsque les Canaris
se perdent à se chercher, les spectateurs ne les
aident pas, par leurs encouragements, à retrouver
le droit chemin des filets d'en face.
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