Ce soir-là, comme tous les soirs
de cet été pluvieux, Joseph vaquait à
ses dernières occupations, conclusion immuable d’une
dure journée de labeur. Il était donc tout
naturellement en train de rentrer ses blancs moutons lorsqu’il
entendit, au loin, le mélodieux vagissement de ce
qui ressemblait à s’y méprendre à
un agnelage intempestif. Il se méprenait effectivement
car, s’il y eût bien mise bas, ce ne fut point
celle envisagée un court instant. Quelle ne fut pas
sa surprise lorsqu’il pénétra, encore
tout essoufflé, dans l’étable avoisinant
son charmant logis ! Là, serré dans les bras
audacieux de sa femme Marie, se tortillait un charmant poupin
au minois cependant vaguement déformé par
une colère bien naturelle.
« C’est bizarre, j’ai l’impression
d’avoir déjà vu cette image quelque
part…. Faut qu’j’arrête la gnole.
» se dit le bon Joseph tout en poussant l’âne
et le bœuf pour se frayer un passage : le petit David
était né.
Très rapidement, on s’aperçut que l’enfant
était armé d’un fort bel organe... vocal
qu’il ne se priva pas d’utiliser pour faire
connaître ses premières doléances. Aux
premiers rangs de celles-ci on décrypta rapidement
l’inventaire suivant :
1. Ma ration de lait rapidos tu me fileras.
2. Ta totoche tu te garderas & crier tu
me laisseras.
3. Les guili-guili immédiatement tu stopperas
4. Fissa tu feras
Forts
de ces précieuses recommandations, Marie et
Joseph apprirent ainsi à composer avec le caractère
un poil directif de leur rejeton. Doté d’un
physique qui n’était pas sans rappeler
celui d’un bûcheron canadien, le précieux
bambin se distingua rapidement par sa propension à
foncer tête baissée, quand bien même
serait-ce dans le mur le plus proche. Le temps ne
fit rien à l’affaire, se chargeant de
transformer l’inoffensif poupin hurleur en un
vigoureux jeune homme aux capacités vocales
toujours aussi redoutables. |
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Pratiquant le football à ses heures perdues, le
jeune homme se retrouva un beau jour relégué
dans les cages de son équipe, envoyé là-bas
par son entraîneur désireux de reposer ses
oreilles un brin irritées. Là, n’y allons
pas par quatre chemins, ce fut le coup de foudre. L’Amour
fou avec un grand A. Pas le petit coup de feu qu’on
oublie sitôt consommé, non l’Amouuuuuuuuuur.
De boulet braillard le grand David se mua aussitôt
en un dernier rempart tout aussi braillard, mais craint
et respecté cette fois. Rasséréné
par sa brillante reconversion, on aurait pu croire alors
que notre ami allait mettre son délicieux organe...
vocal en veilleuse. Que nenni. Peau d’balle. Pouic.
La Jonelière s’habitua donc petit à
petit à ce nouvel environnement sonore tandis que
l’industrie des boule quies connaissait un essor inattendu
dans la région.
De fil en aiguille, notre gardien à nous fit son
petit bonhomme de chemin au sein de l’équipe
première des canaris au point de se retrouver inamovible
gardien du temple. S’il faut bien avouer que peu se
risquèrent à le déboulonner, certains
ont cependant accepté de témoigner sous couvert
d’un anonymat bien compréhensible. En exclusivité
pour toi, ami lecteur, voici donc leur témoignage
terrorisé :
Marcel D. :
« Oh vous savez, moi j’étais déjà
au top de ma forme à l’époque (vive
SFR) donc je ne me souciais que très peu des autres
joueurs (vive SFR). Maintenant que vous me le dites je me
souviens d’un gars costaud derrière moi qui
parlait fort, effectivement. J’avais toujours cru
que c’était un supporter avec un mégaphone
(vive SFR).
Fabien D. :
« C’est lui qui m’a appelé Cuisse
de mouche pour la première fois. Ca l’amusait
beaucoup et, très vite, c’est devenu un jeu
pour toute l’équipe d’être le premier
à me crier dessus : « Cours Cuisse de mouche
! Cours ! ». Sinon, il était sympa. »
Jean-Jacques E. :
« C’est lui qui m’a conseillé ma
fameuse coupe de cheveux qui fera fureur ensuite grâce
à Chris Waddle et Tony Vairelles. Vous comprenez
donc que David a toujours été un frère
pour moi, j’ai toujours suivi ses conseils avisés.
D’ailleurs c’est lui qui m’a conseillé
d’aller jouer à Marseille. »
Didier D. :
« C’est certain que l’aspect technico-tactique
n’était pas son point fort. A partir de là,
il préférait comment dirais-je prendre les
matchs comme ils viennent les uns après les autres.
A partir de là c’est certain qu’il était
très fort comment dirais-je dans sa tête et
dans son mental. A partir de là il ne vendait jamais
comment dirais-je la peau avant d’avoir acheté
l’ours. »
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