Le Supporter est un animal à poil
dur et à l’œil humide dès que l’on
évoque, de près ou de loin, son Club de cœur.
Attention, il est très important de ne pas froisser
le supporter lors d’un premier contact. Par exemple,
ne dites pas tout de go "le péhésegé
c’est rien que des tocards" mais plutôt
"As-tu vu le dernier match de Paris ?". Bien sûr
que le péhésegé est un club éminemment
rigolo mais, tout de même, restons poli. Pour déterminer
avec certitude le nom du club fétiche d’un
supporter, il existe quelques moyens simples et néanmoins
efficaces :
1. Arrangez-vous pour citer avec désinvolture quelques
noms de villes au hasard au cœur d’une conversation.
A l’évocation de la ville élue par ledit
supporter, vous le verrez immanquablement tressaillir, des
filets de bave se formeront à la commissure de ses
lèvres et s’il vous demande négligemment
si vous connaissez bien la ville en question, alors vous
le tenez.
2. Si la tactique évoquée ci-dessus a lamentablement
échoué et que vous n’avez obtenu qu’une
moue apathique à chacune des villes évoquées
(et Dieu sait que vous êtes pourtant allés
jusqu’à citer Ajaccio, c’est dire…),
alors il vous reste la tactique dite du Kamikaze : Fixez-le
droit dans les yeux et, sans ciller, balancez-lui tout de
go : "Marseille ça sent le poisson". Normalement,
vous aurez très vite l’information recherchée.
Notez bien que, dans ce cas, quelques dégâts
collatéraux ne sont pas à exclure. Cependant,
qu’est-ce qu’une légère boursouflure
à l’œil en comparaison du plaisir que
vous aurez à établir ainsi un lien fort et
franc avec votre nouveau camarade ?
Bien sûr, vous avez toujours la possibilité
de lui demander poliment quel club il supporte, mais avouez
que ça manque de sel.
Par ailleurs, notre objet d’étude se singularise
par une tendance assez affirmée pour ce que les experts
nomment le “Retournage de veste“. Contrairement
à ce que l’expression elle-même pourrait
laisser entendre, l’exercice du “Retournage
de veste“ est un concept à la fois simple et
compliqué à mettre en œuvre. Il demande
en tous les cas une rigueur de tous les instants, certains
l’ayant même élevé au rang d’œuvre
d’art. Mais trêve de discours, étudions
plutôt ensemble un cas d’école :
Eugène est un supporter comme tant d’autres,
court sur pattes et le verbe haut perché, sa vie
entière est centrée autour de sa passion pour
le futchebol. Est-ce pour cette raison ? Est-ce parce que
sa prime jeunesse ne fut que brimades et railleries ? Toujours
est-il que notre ami, non content de détruire notre
conduit auditif à intervalle régulier, est
passé Maître es Retournage de veste. Nous lui
avons donc demandé quels étaient, selon lui,
les points essentiels à respecter pour un bon Retournage
de veste :
1. Affirmez une idée force d’entrée
de jeu, sans fioriture ni gri-gri inutile. Evitez, par exemple
les phrases du type "Le football français souffre
manifestement d’un manque de compétitivité
par rapport à ses voisins européens".
C’est vrai quoi, c’est chiant. Balancez plutôt
"La ligue1 c’est comme le beaujolpif ça
file mal au crâne". C’est plus court et
le message est aussi clair.
2. Otez toute nuance superflue qui risquerait de diluer
cette idée. Ne dites pas "Le fond de jeu strasbourgeois
semble manquer de liant ces temps-ci", préférez
"Strasbourg est la capitale de la saucisse et c’est
pas un hasard".
3. Laissez reposer, point trop longtemps, une semaine suffit
largement.
4. Revenez une semaine plus tard donc, et balancez tout
de go, comme ça, sans préambule, l’inverse
de ce que vous balançâtes une semaine auparavant.
Là encore pas de quartiers, laissez de côté
ce style ampoulé qui vous titille, genre "Il
devient tout à fait envisageable d’imaginer
qu’un club français remporte un jour prochain
la Ligue des Champions". Franchement ça donne
pas envie. Gueulez plutôt "Qu’est-ce qu’on
leur a mis aux rosbeefs ! Je vous l’avait bien dit
que Monaco pouvait se qualifier !".
5. Vous le savez, ce qui vous tuera ce sont vos scrupules.
S’ils vous honorent, sachez qu’il n’est
pas de bon supporter qui ne soit capable de s’asseoir
proprement sur ceux-ci. Prenez-en bonne note et devenez,
vous aussi, un expert en retournage de veste !
Merci Eugène.
Continuons donc notre exploration et attardons nous un
moment sur ce qui constitue un moment de détente
et de poilade privilégié pour tout supporter
qui se respecte : la confection des banderoles. Ahhhh les
banderoles… Fut un temps où elles consistaient
en un seul et navrant "Thierry & Jean-Mimi on vous
aime !". Heureusement ce temps-là est révolu,
ou presque, et dorénavant elles constituent un bon
moyen de laisser libre cours à la poésie qui
habite tout un chacun. Voici quelques règles qui
vous permettront de gagner un temps fou :
1. Mettez le plus grand soin à la confection des
banderoles dites "permanentes". Celles-ci vous
serviront chaque samedi donc c’est pas le moment d’oublier
une faute d’orthographe. Par exemple, Gripond prend
bien un “D“ à la fin et démission
un seul "M".
2. Les banderoles dites de "circonstance". Celles-ci
voient le jour au gré des décisions présidentielles,
d’un transfert inattendu, d’une série
de matchs ratés, ou tout simplement d’un déjeuner
mal encaissé le jour du match. Quoi qu’il en
soit, vous devez dans ce cas précis privilégier
la clarté du message. Si vous trouvez, par exemple,
que Fabrice Fiorèse ne s’adapte que modérément
correctement au paysage socio-footballistique marseillais,
un simple "Fiorèse casse-toi" fera l’affaire.
Maintenant que vous connaissez quelques principes de base
vous pouvez vous lancer dans la fosse aux lions, vous y
apprendre alors les derniers rudiments manquant à
votre panoplie : slogans à la gloire du monsieur
habillé en noir, chants facétieux réservés
au visiteur du jour, gambades diverses et variées
avec quelques agents de sécurité fripons,
etc.
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