Nous avons fouillé dans tous les tiroirs de notre mémoire, feuilleté une à une les pages des livres d'histoire. Nous n'avons pas trouvé. Il est vrai que, pour dire vrai, nous ne cherchions rien.
Nous savons trop bien en effet que jamais le FC Nantes, au matin d'un match, n'avait été aussi dangereusement perché sur le fil d'un rasoir qui a déjà méchamment entaillé l'essentiel des convictions forgées par ses grands maîtres, Arribas, Suaudeau et Denoueix. Il n'y en eut pas d'autres, n'en déplaise à un président dont le domicile est, paraît-il, désormais aussi bien gardé que les abords des buts d'un gardien d'une équipe d'Italie. Encore que, sur le sujet, Liverpool ait montré mercredi que nulle montagne n'est vraiment inaccessible et que Serge Le Dizet ait essayé de prendre cet exemple pour en faire la source des derniers espoirs des Canaris.
Un pied dans le précipice
Reste que le FC Nantes, tout obligé de gagner qu'il est, n'a plus son destin entre ses pieds, ses têtes et les mains de Mickaël Landreau. Il doit se rebeller, enfin, ne pas calculer ni ergoter, mais il lui faudra aussi miser sur les événements qui se trameront ailleurs, à Istres, Strasbourg, Ajaccio et Bordeaux, en espérant que deux scénarios au moins serviront ses intérêts. L'équation n'est pas simple.
La glissade a été lente mais, hélas, atrocement sûre, le FC Nantes n'a trouvé aucune branche à laquelle s'accrocher, à part celle de Serge Le Dizet qui a tendu celle d'un jeu parfois retrouvé, par séquences. Elle n'a pas été salvatrice, pas encore du moins, puisque voici le club au bord de l'enfer, un pied déjà dans le précipice, un autre qui dérape sur une glaise humide. Cette situation précaire est la conséquence de nombreuses lacunes dont les plus criardes ont éclaté durant l'automne, pendant ces deux interminables mois, novembre et décembre, où jouer contre les Canaris constituait pour l'adversaire la quasi-promesse de prendre trois points.
Noire malchance
Elle est également la conséquence de la noire malchance qui frappe ces dernières semaines. Une malchance qui, d'ailleurs, a plusieurs visages. C'est la réussite des rivaux directs lesquels, le feu au derrière, cavalent au grand galop et gagnent même quand on ne s'y attend pas. Ce sont les arbitres qui n'en finissent pas de se tromper, sifflent des coups francs lorsqu'il n'y a pas faute et accordent aux Lillois un but marqué du bras. Ce sont les blessures qui frappent au pire moment, Landreau hier, Toulalan aujourd'hui. Sans parler de Quint et de Keseru.
Tout à l'heure, Toulalan, Dimitrijevic et Keseru prendront place encore dans les tribunes et on voudrait croire que ce sont là les derniers avatars de la saison. Que ce qui suivra ne sera que bonheur. Que Strasbourg, Sochaux, Istres et Marseille joueront le jeu, Sochaux surtout qui a fait tant de mal aux Canaris il y a huit jours. Que surtout Nantes saura forcer le sort, débrider sa mécanique, retrouver ses valeurs ancestrales.
Tout n'a pas été gris
Car il ne faudrait pas oublier que tout n'a pas été gris depuis janvier. Que certains matches apportèrent même du bonheur. Nantes – Rennes par exemple. Et puis Nantes – Marseille durant une bonne heure. Ce Nantes-là, ce Nantes du printemps, ne mérite pas le sort qui le menace. Il a simplement été trop souvent et trop mal payé de ses efforts. Trop étourdi aussi, parfois. Contre Marseille donc. Mais aussi face à Monaco et Lyon. A Paris et même, un peu, à Auxerre. On peut toujours penser que la tendance va finir pas s'inverser et que le ballon va enfin rebondir de la bonne façon. On peut même aller jusqu'à dire qu'il ne serait que grand temps.
Répondre à la question de Fernandez
L'union sacrée a été décrétée. Tout le personnel du club, sauf peut-être le plus haut placé qui a en tête d'autres soucis, ayant trait à sa carrière personnelle, a fait part aux joueurs de son soutien. Les supporters, inspirés par FCNantes.com ont lancé l'opération mégaphone. Même Jean Fernandez, l'entraîneur de Metz, a involontairement apporté sa contribution en lançant : « ils sont où les révolutionnaires de décembre ? ». On espère que Landreau, Savinaud et leurs copains ont bien entendu sa question et qu'ils sauront lui répondre de la meilleure façon.
Les Nantais ont déjà trop raté de rendez-vous cette saison pour avoir le droit de s'offrir des regrets supplémentaires. Gagner et apprendre que ce succès n'a servi à rien, parce qu'Ajaccio, Caen et Bastia en auraient fait de même, serait déjà terrible. Mais perdre ou concéder le nul alors que les résultats venus des autres stades enseigneraient qu'une victoire aurait été suffisante, constituerait un manquement quasi-inexcusable et décuplerait les remords. Ce serait le dernier crève-cœur à faire subir à des supporters déjà si malmenés cette année.
Questions pour demain
L'incertitude sportive est donc grande. Elle se double d'une incertitude au niveau des structures puisque le sort de Gripond alimente de plus en plus les rumeurs. Va-t-il vraiment partir ? Dassault s'apprête-t-il à expédier un Gripond-bis ? L'avionneur veut-il réellement revendre un club qui l'intéresse peu ou au contraire essayer de le désosser jusqu'à la moelle en essayant d'en tirer encore quelque argent ? Et que valent les repreneurs qui frappent plus ou moins à la porte ? Qui a lancé, comme présidentiable, le nom de Biétry, lequel a fait ses preuves, si on ose dire, durant les six mois qu'il a passés à la tête du Paris Saint-Germain ? Qui colporte celui de Praud dont les prestations télévisuelles n'ont pas laissé transparaître franchement une grande science footbalistique ?
Allons, laissons ses interrogations en suspens pour au moins quelques heures, il sera temps d'en reparler demain. D'ailleurs au fond, le sort de tous ces gens-là, certains plus ou moins profiteurs, est assez secondaire. Le seul destin qui compte est celui du FC Nantes. Ce soir, c'est uniquement sur le terrain qu'il faut jouer. Gagner. Puis attendre. Et espérer.
La page d'histoire qui s'annonce sera inédite, on est sûr, quoi qu'il advienne, qu'elle restera gravée dans les mémoires et dans les livres, alors autant qu'elle soit belle.
B.V.
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