Ce fut longtemps l’une des caractéristiques
du FC Nantes de s'appliquer à former des footballeurs
qui soient aussi des hommes. Et de s'en honorer, à
juste titre. Quand, dans d’autres centres de formation,
on serinait aux joueurs des formules toutes faites pour
qu’il les répètent à
profusion quand se tendent les micros, le genre : «
je suis content d’avoir gagné », «
je suis déçu d’avoir perdu »,
« on a bien respecté les consignes »,
« on va faire le maximum », « on va travailler
», on essayait au FCNA de les amener à davantage
de réflexion. Arribas comme Suaudeau puis Denoueix
les invitaient même à analyser le jeu et à
chercher à déceler les plus sûres recettes
pour imposer leur style et parvenir à harmoniser
le plaisir individuel dans l’expression collective.
Mais son président d'alors avait répilqué
à Raynald Denoueix : "le jeu c'est du pipeau"
(L'Equipe 03/01/05). Oui c'est bien une phrase de Jean-Luc
Gripond, le « cerveau » qui, alors qu’il
venait de participer à la faillite d’une écurie
de Formule 1, a pris la présidence d’un club
de foot et s’est cru autorisé, deux mois après
son arrivée, à limoger un entraîneur
qui aimait suffisamment ses couleurs pour y être demeuré
fidèle pendant 35 ans et connaissait si bien le jeu
qu’il les avait portées au titre de champion
de France.
Mais revenons, non pas à nos moutons, puisque Landreau
a prouvé qu’il n’en est pas un, mais
à nos footballeurs. Mickaël, au fond, représente
l’un des produits les plus brillants de « la
formation à la nantaise ». Il est à
l’aise sur le terrain, il l’est aussi en dehors,
il se singularise par un charisme et un sens de la réflexion
qui en ont fait un leader naturel et le porte-parole privilégié
de ses coéquipiers. Or, il a suffi qu’il élève
la voix pour proférer d’autres déclarations
que les banalités d’usage pour que les dirigeants
et les entraîneurs, soucieux de préserver leurs
privilèges et leurs prérogatives, lui tombent
dessus. Une tête qui sort des rangs, il faut la couper,
décrètent-ils.
Les uns apportent leur vigoureux soutien à Jean-Luc
Gripond, les autres plaignent le pauvre Loïc Amisse.
Mais en est-il un seul parmi ces censeurs qui ait pensé
aux intérêts du FC Nantes ? On en doute. On
pense même que c’est le contraire qui les amène
à prendre position. Ils défendent leurs pairs,
ils se moquent du sort du FCNA, ils n’ont même
qu’un souhait : qu’il s’enfonce un peu
plus.
Regardez Gervais Martel qui s’indigne de la «
révolution » de Nantes. On comprend aisément
pourquoi il souhaitait que la situation reste en l’état
: cela aurait fait un club qui, à coup sûr,
aurait terminé derrière le RC Lens. Un Nantes
qui va mal et qui agonise, cela lui convenait. Mais de quoi
se mêle-t-il, sinon prendre parti pour un homme de
sa caste ? Landreau, lui, était resté muet
lorsque Martel avait eu la « géniale »
idée d’embaucher Rolland Courbis. Pour le licencier
huit mois plus tard. Le truculent Gervais, pourtant, n’avait-il
pas, à l’époque, mis en danger son club
beaucoup plus que le gardien nantais aujourd’hui ?
Le président lensois se trompe fréquemment
dans le choix de ses entraîneurs, c’est à
dire dans son boulot, on dit d’ailleurs qu’il
attend avec impatience le terme du contrat de Joël
Muller. Le gardien canari, lui, profère des critiques
qui se veulent avant tout constructives et qui sont partagés
par tous ceux qui aiment le foot et le FC Nantes.
Ecoutez Vahid Halilhodzic qui défend Amisse, son
ancien ailier gauche préféré, celui
qui lui a permis tant de buts. S’il s’indigne,
n’est-ce pas parce qu’il redoute qu’un
jour ou l’autre ses joueurs le contestent à
son tour. Après tout, l’exemple de Mickaël
pourrait leur donner des idées, lesquelles leur manque
tant sur le terrain. C’est uniquement son intérêt
personnel qui pousse Coach Vahid à réagir.
C’est aussi, sans doute, son goût prononcé
pour des méthodes proches de la dictature. Avec lui,
on ne discute pas, on obéit.
Quant à Guy Roux, sauf le respect qu’on lui
doit pour tout ce qu’il a réalisé à
Auxerre, on se permettra de ne pas accorder grosse importance
à ses jérémiades. Il les répète
à chaque fois qu’un entraîneur est invité
à quitter son poste et s’il admet, à
la rigueur, un licenciement lorsqu’il a été
décrété par le président, il
s’en offusque profondément quand il est impulsé
par les joueurs. Et puis, on sait qu’entre Landreau
(et Da Rocha) et le sachem bourguignon, les relations ont
parfois été tendues, leur notion du fair-play
étant assez différentes. Roux est prêt
à tout pour gagner, même parfois à tricher.
Landreau se montre davantage respectueux des règles
et des adversaires. Souci qui ne fait d’ailleurs qu’accroître
la force du message qu’il a délivré
la semaine dernière.
Il joue, il ne se tait pas. On aurait même tendance
à dire qu’il ne joue pas dans la même
cour que les petits « penseurs » qui le condamnent
et voudraient le mettre au bûcher. En fait, sans doute
faut-il remonter à Raymond Kopa pour retrouver trace
d’un footballeur qui se soit élevé aussi
vigoureusement contre le pouvoir en place et qui ait provoqué
une telle levée de boucliers de la part de ceux qui
le détiennent. Parce qu’il disait la vérité.
C’est plutôt une référence.
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