Le prix d'une
leçon de football
On ne peut plus reprocher à notre bon Président
de trop s’occuper actuellement du domaine sportif,
il ne rate d’ailleurs plus une occasion de le rappeler
: « aujourd’hui l’important c’est
le terrain » (on entendrait presque les mauvaises
langues traduire par « laissez-moi maintenant faire
mes petites affaires »), depuis que le désaveu
général a coûté la tête
de Loïc Amisse, victime autant de sa mésalliance
que de ses piètres résultats sportifs. Son
successeur, Serge Le Dizet, a décidé de s'occuper
de l’avenir du terrain. Comme Jean-Luc Gripond, il
se projette dans trois ans. Mais son plan triennal n’est
pas aussi glissant (repoussé chaque année)
que celui de son Président. Il sait en outre qu’il
n’a pas grand chose à attendre du cacique de
la Socpresse, lequel, à l’inverse, saura faire
fructifier à son avantage tout éventuel redressement
sportif. Il faut d’ailleurs bien que Jean-Luc Gripond
croit en ses jeunes pousses (Toulalan, Faé et Keserü
en tête) pour convaincre que l’argent investi
par les nouveaux actionnaires rapportent plus que ne leur
coûte leur « leçon de football ».
Gripond et la Socpresse encore à Nantes
pour au minimum 3 ans ?
On nous livre donc deux dates en pâture. Jean-Luc
Gripond est encore là pour 6 mois. Ce qui signifie
déjà qu’il ne compte pas partir durant
l’intersaison, à moins que les « nouveaux
minoritaires » ne se bousculent au portillon. Dans
ce cas, on imagine Serge Dassault le remercier d’avoir
parfaitement rempli sa mission en lui proposant de rempiler
pour en trouver d’autres et ainsi de suite. D’autre
part, le désengagement effectif de la Socpresse s’étalerait
sur 3 à 5 ans. Bigre, au total ça ferait donc
10 ans de Socpresse. Pour un groupe qui vient de subir un
sérieux désaveu de la part de Serge Dassault,
sous la forme d’un revirement stratégique au
sujet de Presse Océan et Nantes 7 (vente à
Ouest-France), ce serait de l’acharnement. On doute
en passant que l’avionneur attende si longtemps pour
voir « le pousse ballon » sortir de son giron,
à moins évidemment, car il n’y a que
ça qui l’intéresse, que cette opération
soit suffisamment rémunératrice.
Où et combien la Socpresse a-t-elle investi
?
Aujourd’hui, le Capital du FC Nantes est communément
estimé à 25 millions d’euros. Jean-Luc
Gripond aurait déjà 5 actionnaires intéressés
à hauteur de 10 %. Difficile dans ces conditions
de demander un projet d’investissement pour le bien
du club à des sociétés qui n’auraient
aucun pouvoir (pas de minorité de blocage). La manœuvre
n’est évidemment qu’une opération
financière visant à renflouer les caisses
de la Socpresse et servir les desseins de Jean-Luc Gripond.
De là à flouer encore un peu plus le FC Nantes,
il n’y a qu’un pas. On rappellera que les versements
effectués pour le rachat du club sont toujours restés
assez opaques. Pour rappel, en juin 2000, le plan de reprise
s’échelonnait ainsi : le groupe de presse s'apprêtait
à investir 153 millions de francs sur 4 ans répartis
ainsi : 26 millions pour l'achat des actions auprès
de l'association, 37 millions de francs pour le recrutement
et la prolongation des contrats et 90 millions de francs
répartis sur trois ans. Les sommes et les échéances
ne furent pas celles initialement annoncées mais
surtout, France Bleu Loire Océan révéla
d’autres pratiques (fin août 2004) dans le communiqué
suivant :
« Il faut d'abord souligner qu'en arrivant à
Nantes la Socpresse avait pris deux engagements financiers
:
le premier consistait à verser 25 M de francs pour
devenir majoritaire, ce qui a été fait. ensuite
la Socpresse devait apporter de l'argent frais. Il avait
été convenu de 4 versements de 22 M de francs
au FC Nantes à raison d'un virement par an. Le dernier
a effectivement été payé en juin dernier.
En théorie l'actionnaire a apporté 88 M de
francs dans les caisses du club. Mais la réalité
est un petit peu plus complexe. En fait la Socpresse a déposé
l'argent sur un compte courant associé. Pour faire
simple, si la Socpresse a mis cet argent à disposition
du club il s'agit d'avantage d'un prêt car un contrat
stipule que l'actionnaire pourra reprendre cet argent à
partir du premier janvier 2005. En attendant le FC Nantes
paye des intérêts sur cette somme. Autant dire
que a contribution de la Socpresse est provisoire pour ne
pas dire virtuelle. Cet argent n'est d'ailleurs pas intégré
dans les comptes courants du club. Que va faire la Socpresse
en janvier prochain ? mystère
A cette interrogation s'en ajoute une autre: en droit le
propriétaire du club n'est pas la Socpresse mais
une société nommé SCPI : société
dont on sait peut de chose, qui ne publie pas ses comptes
et qui semble être une filiale de la Socpresse. Pourquoi
cette société est-elle venue s'interposer
entre le FC Nantes et la Socpresse ? »
La Socpresse s’était évidemment empressée
d’infirmer ces allégations, en provenance d’une
source (interne ?) certainement bien intentionnée.
Quant aux journalistes de Presse Océan, ils avaient
été invités à ne plus participer
à l’émission hebdomadaire « Lundi
c’est Canari » de la radio incriminée.
Pour qui roule Gripond ?
Dans son communiqué, Jean-Luc Gripond indique qu’un
seul projet sérieux lui est parvenu (le projet Comareg).
Mais le groupe de presse éditant des « gratuits
» n’a pas donné suite bien qu’il
prévoyait de maintenir le Président à
son poste. Dans son édition du 24 février,
l’hebdomadaire But! Nantes titrait « Le projet
secret de Gripond » ou encore « Et si Gripond
reprenait le FCNA ? ». La rumeur provenait peut-être
du projet dévoilé jeudi. Il faut avouer qu’entre
un Président à la recherche d’actionnaires
et un Président salarié prêt au rachat,
donc forcément à la recherche de partenaires,
la frontière est ténue. Un Président
qui trouve lui-même ses nouveaux actionnaires est
forcément, pour un temps, en position de force. De
là à penser que Dassault cèderait volontiers
le FC Nantes à Jean-Luc Gripond et ses partenaires-actionnaires…
il n’y a qu’un pas. Pour un peu, on soufflerait
à But ! (lequel recopie allègrement nos contenus,
sans nous prévenir et sans notre accord), son prochain
titre : « Pour qui roule Gripond ? ». Cette
annonce coupe en tout cas l’herbe sous le pied d’un
autre projet qui se voulait plus avancé (l’annonce
officielle devait avoir lieu avant la fin du mois). Mais
la cacophonie qui a accompagné l’intérêt
de L’Impact de Montréal de Joey Saputo pour
le FC Nantes, n’a pas aidé le projet d’Alain
Flores, lequel aurait pourtant la bénédiction
de la mairie. S’il l’ignorait encore, l’ancien
directeur général du FC Nantes (parti chez
le sponsor Synergie en juin 1999) sait qu’il a en
Jean-Luc Gripond, un adversaire de poids. Il reste donc
une question en suspens, que ne manqueront pas de se poser
les supporters fidèles au chant le plus souvent entonné
cette saison « Gripond démission » :
mais que faut-il donc faire pour qu'il s'en aille enfin
?
Entre Le Graët et Aulas son cœur balance.
Peut-être peut-on trouver un élément
de réponse dans la comparaison énoncée
d’un FC Nantes entre Guingamp et l’Olympique
Lyonnais. Jean-Luc Gripond se verrait-il comme une créature
hybride entre Le Graët et Aulas ? Le grand écart
est risqué, et les résultats sportifs des
deux formations ne prêtent pas non plus à adoucir
cette impression. Si à Guingamp, une partie de l’actionnariat
est issu du tissu économique régional, il
est beaucoup plus diversifié à Lyon. Jean-Michel
Aulas peut en outre compter sur le groupe Pathé.
Par contre les deux clubs n’ont pas cédé
la majorité à leurs actionnaires « externes
». Les ex-propriétaires de Paris, Bordeaux,
Strasbourg, Lille ou Rennes ont été moins
bien avisés. La Mairie de Nantes qui avait donné
son aval à la Socpresse pour la reprise du FC Nantes
puis pour la Télévision Locale (quand les
intérêts l’emportent sur les sympathies
politiques), aurait été bien inspirée
d’en faire de même avec la SAOS. Mais il était
à l’époque déjà difficile
de trouver un acquéreur, alors un actionnaire non
majoritaire, vous pensez… D’autres mairies de
gauche ont agi ainsi (Strasbourg, Lille). Il faut reconnaître
que la gestion d’un club de football n’entre
pas forcément dans les attributions municipales,
surtout quand les clubs en question vous attirent des ennuis
comme ce fut notamment le cas à Strasbourg. Mais
les municipalités ne sont pas non plus bonnes vendeuses.
Ainsi à Lille, Dayan et Graille ont racheté
le LOSC pour une bouchée de pain, ce que regrette
à posteriori Martine Aubry. Les deux acheteurs ne
s’en plaignent pas, Dayan s’est même pris
au jeu pour faire fortune. Autre avantage de la manœuvre
de Jean-Luc Gripond : la Mairie de Nantes propriétaire
du Stade et du Centre de Formation peut refuser son aval
à un futur repreneur, mais ne peut pas s’opposer
à l’entrée d’actionnaires minoritaires…
|