Juillet 2004
Loïc Amisse avait dit : « Nous avons
un groupe de 29 joueurs, nous souhaitons en réduire
le nombre et en améliorer le potentiel
». Gripond avait ajouté : « L’Europe
est un objectif légitime pour Nantes et nous pouvons
renforcer l’équipe ». Il y a bien
eu des départs. Beaucoup. Mais l’équipe
n’a visiblement pas été renforcée.
Yepes et Armand ont été vendus. Moldovan,
Ateba et Gillet ont quitté les bords de l’Erdre.
Vahirua aussi. Puis Ziani. Puis Berson que Gripond avait
pourtant déclaré quasi-intransférable…
Loïc Amisse n’a pas su s’opposer à
son président. Il a subi la saignée sans s’insurger.
Surtout, il n’a pas contrôlé la valeur
des soi-disant renforts. Une fois encore, une fois de plus,
Nantes a voulu jouer la carte du tout nouveau tout beau.
De l’exotique. Gripond veut s’occuper de tout
et les imprésarios sans scrupules ont vite compris
qu’il représente le parfait pigeon. Arrivent
donc Caceres, Viveros, Bratu, Bagayoko et Capoue. Excepté
Bagayoko, ce sont tous de parfaits inconnus. Seul Capoue
ne peut décevoir : avec lui, la couleur est annoncée,
il vient de Romorantin et il ne peut que progresser. «
Caceres est une idole au Paraguay » certifie
pourtant Gripond. On se demande qui a pu lui raconter pareille
sornette. La famille et les voisins de Caceres peut-être
! Et puis, le niveau du football paraguayen n’est
pas réputé pour atteindre des hauteurs himalayesques.
Amisse, de nouveau, ne bronche pas. Il a tort, bien sûr,
mais a-t-il vraiment droit à la parole ? Quand le
patron décide et qu’il croit posséder
la science infuse qui peut s’opposer à lui
sans risquer la disgrâce ? L’entraîneur
devrait pourtant lui poser la question : qui marquera des
buts ?
Septembre 2004
La saison est partie de façon cahoteuse. La Coupe
Intertoto n’a rien apporté. Caceres peine.
Viveros est trop gros. Bratu loupe des occasions immanquables.
On est revenu au 3-4-1-2. Mais Yapi perd ses repères.
Quint joue les fantômes et Amisse a tort de le maintenir
dans l’équipe tant il n’apporte rien.
Il ne se bat même pas. Ahamada multiplie les maladresses
, il est pris en grippe par le public. Avec lui, Amisse
se trouve dans une situation embarrassante et humainement
très difficile à gérer. Même
le grand José Arribas, en son temps, avait connu
des problèmes de conscience avec son fils, Claude,
auquel il ne passait aucune erreur. « J’aurais
dû partir, » concède Hassan. Son
beau-père a pensé qu’il pouvait réussir.
Nantes glisse ainsi sur une pente savonneuse. Il suffirait
pourtant de presque rien pour redresser la barre. Ainsi
par exemple à Monaco ce sont les Canaris qui font
le jeu. Mais ils n’ont pas de buteur. Alors, c’est
Monaco qui gagne.
16 octobre 2004
A la dernière minute du match contre Paris-Saint-Germain,
le parisien Pierre-Fanfan charge Bagayoko dans le dos. Pénalty.
Nicolas Savinaud le transforme, Nantes gagne 1-0. Evoluant
dorénavant en 4-4-2, il confirme ainsi la victoire
obtenue une semaine plus tôt à Strasbourg.Il
s’installe dans la première partie du tableau,
les optimistes effectuent même des projections qui,
pensent-ils, l’amèneront bientôt dans
la zone européenne. On oublie que Paris se traîne
dans les profondeurs du classement, on ne met pas l’accent
sur la qualité du jeu qui n’est pas revenue.
Le succès a été obtenu à l’arraché,
davantage avec les tripes qu’avec le talent. C’est
bien, ce n’est pas suffisant.
20 Novembre 2004
La situation se détériore. La manière
n’est toujours pas là. Mais les résultats
maintenant sont franchement mauvais. Le ressort semble s’être
cassé à Caen. Les Canaris ont mené
1-0, ils semblaient contrôler la situation et leur
deuxième but paraissait inéluctable. En guise
de quoi, c’est Caen qui a égalisé. Sur
un contre. Pire : les Normands ont gagné. Un nouveau
contre faisant suite à un ballon perdu par Yapi.
Depuis, Nantes doute. A Lyon, il a oublié de jouer.
Ce 20 novembre, Bordeaux, avec une équipe de jeunes,
vient gagner à la Beaujoire. Assez facilement. Presque
en donnant la leçon. Moralement, les Nantais accusent
le coup. Ils paraissent en panne de solution. Il faut bien
reconnaître aussi que l’effectif dont dispose
Loïc Amisse paraît limité. En attaque,
il ne parvient pas à trouver la bonne paire. Pujol,
N’Zigou, Bratu, Bagayoko, Ahamada se succèdent
sans qu’aucun ne saisisse vraiment sa chance. Peut-être
faudrait-il choisir un duo une bonne fois et s’y tenir
pendant plusieurs matches, histoire d’instaurer la
confiance. Amisse ne s’y résout pas. Si bien
que ses hésitations mécontentent un peu tout
le monde.
4 décembre 2004
Cette fois, Nantes touche le fond. Nice s’impose à
son tour à la Beaujoire. Jusque là on disait
: il y a peu de jeu et pas de buteur. A présent,
il n’y a même plus d’occasion de but.
Ou alors une, à la rigueur deux par match. Et rarement
au terme d’actions construites. L’attaque est
inefficace, la défense craque, le milieu est offensivement
désorganisé, Yapi a perdu tout son football.
Bref, rien ne va plus. Amisse réussit pourtant à
déclarer qu’il a vu de bonnes choses tandis
que Gripond claironne qu’il lui maintient sa confiance.
Le duo commence à interpréter le refrain «
on coule, tout va bien ».
11 décembre 2004
Quand une équipe manque d’individualités
et de confiance, elle a deux solutions. Soit elle décide
de miser sur la qualité du jeu en sachant qu’il
lui permettra de compenser ses lacunes et de s’améliorer.
C’est ainsi que Nantes a presque toujours procédé.
Soit son entraîneur décide de resserrer les
boulons défensifs, en subissant les événements
et la pression adverse et en misant sur d’hypothétiques
0-0. Amisse opte pour la deuxième recette. Dramatique
erreur. Lui qui disait un an et demi plus tôt : «
on imposera notre jeu, on se s’adaptera
pas à celui de l’équipe d’en face
». Le déplacement à Lille
s’annonce donc plutôt mal. Le coach nantais
ajoute à la confusion en modifiant ses plans une
heure avant le coup d’envoi. Les joueurs commencent
à se regarder, perplexes. Sur le terrain, le scénario
est comme le spectacle : sans relief. Nantes ouvre pourtant
le score. Mais il se fait remonter puis dépasser.
Sa curieuse défense renforcée, avec un libero
à l’ancienne, n’a pas résisté
plus d’une mi-temps aux attaquants nordistes.
22 décembre 2004
Après le championnat, la Coupe de la Ligue ! Au bord
de la zone rouge dans le premier, Nantes se fait sortir
de la seconde. A Auxerre. Depuis le revers enduré
contre Nice, le FCNA a subi deux autres défaites
et obtenu un nul. Sa dernière victoire remonte au
16 octobre. Le match contre Paris. L’heure est plus
que préoccupante : elle est grave. Plus personne
ne joue à son niveau, même Landreau commet
des erreurs.
29 décembre 2004
La reprise de l’entraînement à la Jonelière
s’effectue dans une ambiance irréelle. La veille,
Landreau a vidé son sac dans un bi-hebdo spécialisé.
Gripond, mis à juste titre sur la sellette, a dû
s’étouffer en lisant l’article. Bien
sûr, il a téléphoné à
Amisse. Ce dernier surgit dans le vestiaire et demande à
Landreau de sortir. L’emblématique gardien
du FC Nantes va être mis à pied. On devine
les sentiments contradictoires qui, à cet instant,
ont dû passer dans la tête de Loïc Amisse,
enfant des Dervallières, ancien apprenti-peintre
en bâtiment, qui se trouve contraint d’agir
comme un patron de droit divin n’admettant pas la
critique. Il est manifeste qu’il a obéi aux
ordres. Mais Gripond n’avait pas prévu la suite.
Solidarité est un mot que dans son milieu on ne connaît
pas, sauf quand il s’agit de faire des affaires. La
réaction de Da Rocha, de Savinaud puis de la majorité
de leurs camarades, le prend donc de court. Il pensait résoudre
le problème par une sanction, comme à l’école,
il se retrouve dans une impasse. Il n’y est pas seul
: Amisse est avec lui. L’ancien ailier gauche qui
enchantait et enflammait le public de Marcel-Saupin n’a
pas su transmettre les leçons de ses maîtres,
il s’est renié. Le footballeur altruiste, l’équipier
parfait, a trop cédé au conformisme qui est
de mise dans le football. Il n’a pas pu conserver
et préserver ses valeurs de joueur, Il a trop écouté
la voix de son maître. Il va en payer la note.
2 janvier 2005
Voilà c’est fini. Gripond a beaucoup réfléchi,
beaucoup hésité. Il a fini par comprendre
que les joueurs ne feraient pas marche arrière. Pour
sauver sa peau, il n’a trouvé qu’une
solution : il coupe la tête de Loïc Amisse. C’est
tout ce qu’il a trouvé à offrir à
Dassault, il espère que cela suffira. Il appelle
le responsable du site officiel du club, lequel observait
un dramatique mutisme sur cette affaire depuis quatre jours,
et il lui demande de répercuter la nouvelle. «
Serge Le Dizet devient entraineur du FC Nantes à
la place de Loïc Amisse ». Rideau
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