(chronique en référence à l'interview parue ce jour dans Ouest-France)
Rappelez-vous Guy Hillion parlant du FC Nantes. Que disait-il ? le centre de formation a été rattrapé par ses concurrents, il a même été dépassé par certains. Par incompétence ? non il n'allait pas jusque là, sauf à juger que ne pas s'aligner financièrement pour obtenir un jeune manifestement au-dessus du lot est effectivement de l'incompétence. Entre les lignes, on pouvait lire que l'argent, à Nantes, était mal utilisé. Autant de phrases qui avaient fait sortir les dirigeants de leur gonds. Moins pour le fond que pour la forme sans doute. Guy Hillion passé à la concurrence n'avait pas, selon eux, à s'exprimer ainsi. C'était peut-être oublier un peu vite son attachement et le travail qu'il avait effectué pour le compte du FC Nantes. Notamment son implication dans la génération dorée de 95. Après que nous ayons repris l'interview de l'ex-recruteur nantais parue dans le mensuel Breizh Foot, agrémentée d'observations sur les pratiques du club en matière de relation avec ses partenaires, le FC Nantes avait vu rouge au point de vouloir récupérer un nom de domaine (FCNantes.com) laissé dans la nature durant plus de 6 années. La demande, légitime, eut été acceptable si la manière de procéder avait été moins lamentable et sujette à interprétation, sans équivoque, en matière de liberté d'expression.
Le FC Nantes a perdu du temps.
En substance donc, Japhet N'Doram tiens le même discours que Guy Hillion. Le FC Nantes s'est, dans un passé récent, endormi sur ses lauriers. Il ne sait toujours pas être persuasif sur le marché des transferts de très jeunes joueurs. Le nouveau recruteur en chef fait par ailleurs le constat que les équipes de jeunes manquent désormais de talents et qu'il faudra attendre un certain temps avant de retrouver suffisamment de joueurs pour assurer la relève de manière pérenne. Son discours est direct, sans concession et ne se perd pas en circonvolutions et regrets à postériori, et pour cause, comme pouvait le faire parfois Robert Budzynski. Il y a aussi dans l'appréhension des manques du FC Nantes une communion d'idées avec le constat fait par Serge Le Dizet. On note donc avec regrets mais aussi avec espoirs, que Nantes a certes perdu du temps mais qu'il est prêt à tirer les bons enseignements de ses échecs passés. Il reste malgré tout à disposer des moyens pour s'en sortir, ce qui est une autre paire de manche et n'est pas de la responsabilité du sorcier Tchadien.
« avoir une grande équipe la saison prochaine » ça n'est pas possible
Aujourd'hui nous savons que l'accent est mis sur l'efficacité à tous les niveaux. Il ne s'agit pas de renier les préceptes du jeu à la Nantaise, mais d'y associer des joueurs en phase avec l'évolution du football moderne. Il s'agit aussi de sortir du « cocon » où tant de joueurs se prélassent (on le voit chaque week-end en observant certains jeunes pourtant talentueux). A ce titre, Serge Le Dizet, qui se plaint de n'avoir pas d'autres leaders, ne semble pas toujours très cohérent :le prêt de Stephen Drouin au profit de David Leray. La direction du club ne l'est pas plus, quand elle tente de faire taire les dissidences et maîtriser une communication qui n'irait pas dans le sens du vent et du lénifiant. Il serait pourtant bon de montrer l'exemple à tous les niveaux. C'est le parti pris de Japhet N'Doram. Il n'hésite pas à s'opposer à son Président, en avouant que non « avoir une grande équipe la saison prochaine » ça n'est pas possible, car ça prendra plus de temps que ça. Espérons simplement que Nantes pourra se relancer sans passer par la Ligue 2… Ce serait un moindre mal tant M. Gripond et les staffs jaloux de leur place ont multiplié les erreurs. Les archanges du libéralisme savent pourtant qu'en matière de concurrence, il n'est pas question de s'endormir en étouffant les forces vives, en installant « son monde » sur un siège éjectable.
Recruter des joueurs "modernes" à forte personnalité.
En matière de recrutement, Japhet N'Doram est dans la ligne des constats de Serge Le Dizet. Les profils recherchés vont vers des joueurs modernes au sens où tant au niveau athlétique que technique, ils doivent être capable de faire la différence par leur vitesse et leur capacité à dribbler. Le FC Nantes savait amener le danger par des attaques construites, il n'en a plus la capacité. Le FC Nantes savait se projeter rapidement et efficacement vers l'avant. Il n'a plus les joueurs suffisamment talentueux pour y parvenir. Serge Le Dizet est particulièrement sensible à des joueurs rapides qui peuvent par une prise d'initiative individuelle passer une ligne adverse et créer ainsi des possibilités de décalages pour les partenaires. Ces nouveaux joueurs, sur lesquels il faudra savoir investir chez les jeunes, devront parfaire leur formation en intégrant leurs spécificités dans le moule nantais. Il conviendra qu'ils puissent ainsi s'épanouir et être une valeur ajoutée au service du collectif. Le danger étant que le jeu collectif « à la Nantaise » les fasse jouer contre nature. L'intégration d'un joueur comme Claudiu Keserü est à ce titre assez symbolique. Il a des qualités de buteurs exceptionnelles mais il a des manques dans le jeu. Il ne doit pas perdre ses qualités naturelles à trop vouloir se fondre dans le moule du collectif nantais.
Sans argent et sans perspective, les mots de Japhet resteront sans effet.
Evidemment, nous nous réjouissons des paroles de Japhet N'Doram. Ça n'est d'ailleurs pas la première fois. Ce qu'il dit est à la fois sage, lucide et sans concession. Mais n'est-ce pas un coup d'épée dans l'eau. Que les structures soient désormais adaptées, que tout le monde parle le même discours, avec comme guide Serge Le Dizet et en ligne de mire des actions au service de l'équipe première est évidemment réconfortant. Seulement le nerf de la guerre reste le même : l'argent. L'argent dépensé sans structures adaptées et sans ligne directrice le serait en pure perte, car il ne s'inscrirait pas dans la durée. Or le mal profond du FC Nantes, depuis 5 ans est bien là : son manque de perspective. Racheté par un groupe dont le principal soucis était économique et non sportif. Ce groupe racheté par Serge Dassault, n'a pas plus de perspectives. Rudi Roussillon a beau nous servir du Dassault par ci et du Dassault par là, celui-ci ne s'est jamais exprimé sur cette « anomalie » qu'est le FC Nantes dans un empire qui n'a pas vocation à bénéficier de l'image d'un club de football. M. Rudi Roussillon nous dit qu'il fera une grande équipe, mais il ne nous dit pas comment ni avec quels moyens. Il nous dit que le club n'est plus à vendre, mais Serge Dassault ne dit pas non plus qu'il compte faire du FC Nantes un grand club. Or l'auto-financement actuellement de mise n'a aucune chance d'aboutir s'il n'est pas boosté par une enveloppe conséquente. La politique de rustines menées actuellement ne peut que nous incliner à penser que M. Rudi Roussillon n'est qu'un Président intérimaire en attente d'une prochaine vente du club. C'est d'ailleurs le sentiment énoncé par Christophe Delacroix (Ouest France) lors de l'émission « Lundi c'est Canari » du 5 décembre. Pour le journaliste, le club sera à vendre à l'intersaison et il ne pourra s'en sortir qu'avec un actionnaire enfin capable de s'investir…
Frédéric Porcher, le 9 décembre 2005.
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