Jean Doumeng « le milliardaire rouge »
Pourquoi rouge ? Parce qu’il était communiste et devait l’essentiel
de sa fortune au commerce qu’il effectuait avec les pays placés
sous la botte soviétique. Une sorte d’Abramovitch au pays
du cassoulet. Saint-Ouen, de son côté, était administré,
comme bon nombre de villes de la couronne parisienne, par une municipalité
communiste. La suite est facile à deviner. On veut dire que cette
extravagante union, sur fond de fric et de politique, se solda par un
échec aussi total que prévisible qui laissa le football
toulousain au tapis.
Le TFC à son apogée face à Maradonna.
Le Téfécé plongea en 1967, il lui fallut 15 ans pour
retrouver la lumière et revenir en Division 1. Il vécut
alors quelques belles saisons, notamment quand il élimina le Naples
de Maradona de la Coupe de l’UEFA (1986), il termina même
le championnat à la 3è place en 1987. C’était
encourageant. Autant dire que la suite a été plutôt
décevante, avec quelques détours par la D2 et même
le National, en 2001, année où les mésaventures financières
se conjuguèrent avec les déboires sportifs.
Tout au long de ces saisons, Toulouse n’a pas été
une terre maudite pour Nantes, loin s’en faut, les confrontations
ont souvent été équilibrées et c’est
pourquoi on en retiendra deux qui ont engendré des sentiments diamétralement
opposés. L’une malheureuse, car synonyme de défaite
et de deuil, une autre plus rieuse puisqu’elle se solda par une
victoire dans laquelle avaient pris une part prépondérante
deux quasi-régionaux de l’étape, Olivier Monterrubio
et Eric Carrière.
Le drame de Loko
Commençons par le plus triste de ces deux rendez-vous, il nous
emmène en décembre 1992. La dream team nantaise, celle qui
va conquérir le titre deux ans et demi plus tard, signe ses premiers
exploits. A l’agonie six mois plus tôt, le FCN est devenu
le FCNA et il a été obligé de faire massivement confiance
à ses jeunes. Les N’Doram, Pedros, Ouédec, Loko, Ferri,
Karembeu, ravis de l’aubaine, ont empoigné leurs chances
à bras le corps, sans se poser la moindre question. Ils font flamme
de tout bois. Ils attaquent, ils gagnent, ils enchantent. Le 12 décembre
1992, dans une Beaujoire pleine jusqu’aux cintres et dans une ambiance
survoltée, ils ont accueilli et battu Paris. 1-0, pénalty
de Nicolas Ouédec. Grâce à ce succès, ils ont
pris la tête du championnat, exaequo avec Auxerre et Monaco. La
fatigue pourtant commence à se faire sentir et durant la semaine
qui sépare cette victoire sur le PSG du déplacement à
Toulouse le drame frappe à la porte de Patrice Loko. Il perd son
jeune fils. Il n’effectue donc pas le voyage. Ses coéquipiers
forment un cercle de tristesse, juste avant le coup d’envoi, tandis
que s’égrène une minute de silence froide comme la
glace. Les visages se figent, quelques larmes coulent. Les Nantais n’ont
pas le temps de se remettre de leur désarroi. A la 2è minute,
sur un ballon mal repoussé par Karembeu, Bancarel surprend une
défense statique et il fusille Marraud à bout portant. 1-0.
Quelques instants plus tard, le Tchèque Nemeck frappe une deuxième
fois (6è minute). C’est fini. Les Canaris, sans jambes, la
tête ailleurs, ne reviennent pas dans le match. En outre, les Toulousains
ne lésinent pas sur les moyens, confondant sans trop de discernement
le ballon et les chevilles . L’arbitre, Rémy Harrel, laisse
plus ou moins faire. Claude Makélélé essaie de se
rebeller. Il fauche un adversaire. La sanction, cette fois, tombe immédiatement
: carton rouge. Nantes finit donc à 10 et perd 2-0. Juste avant
la trêve. Il aura du mal durant la seconde partie de la saison à
retrouver son bel allant de l’automne et il achèvera le championnat
à la 5è place.
Ce soir là, Jean-Claude Suaudeau avait aligné l’équipe
suivante :
Marraud – Karembeu, Guyot, Vulic, Le Dizet
– Ferri (puis Debotté, 51è), Makélélé,
N’Doram, Pedros – Lima, Ouedéc (puis Ziani, 74è)
La démonstration de Monterrubio
Transportons nous maintenant six ans plus tard. Pour des rires. Nous sommes
le 11 septembre 1998, le championnat en est à sa 5è journée,
Nantes occupe le 10è rang, Toulouse est 14è. Comme souvent,
les joueurs au maillot violet placent la barre de coupe et les tacles
assez haut. Ils effectuent aussi un départ sur les chapeaux de
roue qui leur permet d’ouvrir le score dès la 4è minute.
Mais Nantes réagit. Et, surtout, il joue beaucoup mieux. L’attaque
est composé d’un duo Alioune Touré – Da Rocha.
Carrière et Monterrubio évoluent en offensifs sur les côtés
et Nicolas Savinaud a hérité pratiquement du rôle
de meneur de jeu. A l’occasion , il va prêter main-forte à
Christophe Leroux pour contenir les rares assauts adverses. Car ce sont
les Canaris qui dominent avec notamment un Olivier Monterrubio étincelant.
Une partie de sa famille, venue en voisine, a pris place dans les tribunes
du Stadium et elle apprécie chacune de ses envolées qui
font tourner en bourrique l’arrière droit toulousain Paviot.
Juste avant la pause, servi par Le Roux, le feu follet nantais qui a déjà
failli faire mouche à deux reprises place enfin le ballon hors
de portée de Richert. Un partout !
A la mi-temps, l’ambiance dans le vestiaire toulousain est du genre
orageux. Guy Lacombe, qui ne va d’ailleurs pas tarder à se
faire virer, signifie à Paviot qu’il l’a assez vu pour
la soirée. Il le remplace par Préget. Ce dernier effectue
son entrée en défense centrale et c’est Cobos qui
est chargé de neutraliser Monterrubio. Autant vouloir stopper le
lait qui a commencé à déborder sur le feu. La partie
a repris depuis deux minutes qu’Olivier décoche un shoot
qui surprend Richert. 2-1 ! Les Toulousains parviennent certes à
égaliser un peu plus tard (73è minute, but d’Ipoua)
mais la réplique nantaise est immédiate : un tir de Touré,
légèrement contré par le Toulousain …Laurent
Guyot, surprend une nouvelle fois Richert. Nantes s’impose ainsi
3-2. Monterrubio, le grand bonhomme du match, est aux anges. Raynald Denoueix
apprécie lui aussi la situation. « Nous étions loin
de nous attendre à gagner, confie-t-il. Il n’empêche
: nous étions quand même venus pour ça. C’est
une grosse satisfaction de voir comment les jeunes ont su réagir
après avoir encaissé rapidement un but. Ils ne se sont désunis
ni dans leurs têtes, ni dans leur football.»
Nantes avait gagné avec l’équipe suivante :
Landreau – Chanelet, Delhommeau, Fabbri, Olembé
– Le Roux – Carrière, Savinaud, Monterrubio –
A. Touré (puis Deroff, 90è), Da Rocha.
A la fin de la saison le FCNA termina 7è et le Téfécé
18è et dernier.
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