Dix-huit ans, oui dix-huit, que Nantes n’a pas
gagné à Bordeaux. C’est long dix-huit ans et les Canaris
n’affichent pas une confiance exagérée quand, le jeudi
21 décembre 2000, ils pénètrent sur la pelouse de
Lescure. Ils savent que leurs anciens y ont beaucoup souffert et qu’il
leur est même arrivé de subir une déroute, un 5-0
par exemple en 1988, un soir où William Ayache, dans une superbe
détente doublée d’un instant d’étourderie,
avait expédié de la tête le ballon dans la cage de…David
Marraud. Eux-mêmes, quelques mois plus tôt, sur la pelouse
de la Beaujoire, ont été balayés sur le même
score. 5-0 donc, avec à la clef trois buts de Pauleta qui fêtait
en la circonstance son premier match sous les couleurs girondines.
Place de leader en jeu
Bref, il y a de quoi se montrer circonspect même si les coéquipiers
de Mickaël Landreau et d’Eric Carrière se sont bien
remis de cette déculottée. Ils ont repris le fil de leur
jeu, retrouvé confiance, y compris sur terrain adverse, et ils
se sont, quasiment à la surprise générale, installés
dans le fauteuil de leader qu’ils partagent avec Sedan. Raynald
Denoueix va même jusqu’à affirmer : «Le 5-0 qu’ils
nous ont mis à Nantes remonte à trois mois et demi, or,
en football, un si court laps de temps peut ressembler à une éternité
et je vous assure qu’on ne s’en souvient pas plus que ça.
Ce soir, c’est un autre scénario qui va s’écrire…
»
Côté bordelais pourtant, on se montre plutôt optimiste.
D’abord, on connaît également par coeur l’histoire
des rencontres entre les deux clubs lorsqu’elles ont Lescure pour
décor. Et puis, on compte sur ce rendez-vous pour reprendre la
tête du championnat. Au classement, les Girondins ne comptent en
effet qu’une seule longueur de retard sur Nantes. Ils se verraient
bien les doubler, juste avant la trêve, histoire de passer les fêtes
de manière agréable.
But de Moldovan
Il reste qu’ils entament la partie de façon plutôt
timide et que c’est Nantes qui fait le mieux tourner le ballon.
Nestor Fabbri, suspendu, est suppléé par Nicolas Savinaud
au centre de la défense et celle-ci résiste sans peine aux
timides attaques girondines. Outre Savinaud, elle est composée
par Laspalles, Gillet et Armand, lequel a définitivement supplanté
Mario Silva. Tous deux sont arrivés au club pratiquement en même
temps. Sauf que le Portugais a été acheté très
cher à Boavista et qu’il a été présenté
quasiment comme une star, alors qu’Armand est venu de Clermont-Ferrand,
presque en catimini, sur les conseils de René Le Lamer, un Canari
du début des années 1970. Comme quoi il est sans doute préférable
de faire confiance à un ami compétent qu’à
des imprésarios dont l’objectif essentiel consiste à
vendre leur marchandise le plus cher possible.
Mais revenons à Bordeaux et plus précisément à
la 25è minute où lancé par Ziani, Frédéric
Da Rocha s’est échappé sur l’aile droite. Il
enrhume Bonnissel en le crochetant à deux reprises et il décoche
un centre sur lequel Modovan bondit. Tête et but. Le neuvième
de la saison pour l’attaquant roumain.
Carrière en finesse
Piqués au vif, les Bordelais réagissent et les Nantais sont
quelque peu dominés avant la pause. Mais Landreau veille au grain,
il renvoie notamment des tirs de Wilmots et de Pauleta et il soupire d’aise
quand il voit une reprise de la tête du second ricocher sur la barre.
En seconde période, Bordeaux essaie de pousser. Les Canaris ne
s’affolent pas pour autant, ils font parler leur technique et même
la sortie de Moldovan, légèrement blessé, ne les
trouble pas outre-mesure. Ils sont vifs, ils sont adroits à l’image
de Carrière qui évolue à la récupération
en duo avec Berson. Comme milieu défensif on a connu pire et ce
n’est pas un hasard si, au bout des 4 minutes de temps supplémentaires
décrétés par Pascal Garibian, Eric, servi par Touré,
se retrouve seul face à Ramé. Il glisse presque insolemment
le ballon entre les jambes du gardien bordelais. 2-0 !
Important pour le titre
Nantes a enfin gagné à Bordeaux. Le plus fort est que quelques
semaines plus tard, il récidivera en Coupe de France, avec une
équipe pourtant assez mixte.
Cette victoire du 21 décembre 2000 est toutefois davantage ancrée
dans les mémoires. Disputée dans le cadre de la 21è
journée, par une température quasi-printanière (les
cafés des alentours de Lescure avaient ouvert leurs terrasses),
elle a permis à Nantes de s’emparer seul des commandes du
championnat, devant Sedan qui est tombé à Rennes, et Lille.
« Aujourd’hui, on est en tête mais nous sommes encore
très loin du but, si loin… » commente Raynald Denoueix
qui demeure imperturbable sous l’averse des compliments qui s’abattent
sur lui. Il se refuse à parler d’une possible couronne.
Pourtant, six mois plus tard, Nantes est bel et bien sacré, devant
Lyon, et on peut penser que ce succès à Bordeaux, compte-tenu
du passé et des inhibitions qui ont souvent coupé les ailes
des Canaris en terre girondine, a constitué un pas important sur
la route du titre.
Un titre dont le FC Nantes n’a pas revu la couleur depuis, il s’en
faut de beaucoup. Il n’a d’ailleurs pas non plus regagné
en championnat à Bordeaux. Ce serait bien de ne pas attendre un
nouveau délai de 18 ans.
.
B.V.
La fiche technique
21 décembre 2000. 21è journée de championnat
A Bordeaux : Nantes bat Bordeaux 2-0.
Buts de Moldovan (25’), Carrière (90’+4).
30.965 spectateurs. Arbitre : P. Garibian. Avertissements : Berson, Battles.
Bordeaux : Ramé – Grenet, Roche, Sommeil,
Bonnissel – Afanou, Diabaté (puis Basto, 60’) –
Wilmots, Battles (puis Da Rocha, 85’)– Laslandes (puis Bugnet,
67’), Pauleta. Entr. : E. Baup
Nantes : Landreau – Laspalles, Savinaud, Gillet,
Armand – Carrière, Berson – Da Rocha, Ziani (puis Deroff,
66’), Olembé (puis Mario Silva, 83’) – Moldovan
(puis A. Touré, 56’). Entr : R. Denoueix
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