Le championnat était alors on ne peut plus mal parti. Le FCNA s’était
promptement fait sortir de l’Intertoto par le Standard de Liège,
il avait ensuite accumulé les contre-performances en championnat.
Après 9 journées, il était 18è et relégable,
avec 4 points. Zéro victoire, 10 buts pour et la bagatelle de 17
buts contre. L’état d’urgence aurait été
déclaré si Jean-Claude Suaudeau, s’appuyant sur un
jeu qui continuait à posséder de la tenue, n’avait
fait preuve d’un optimisme inébranlable. Et si Guy Scherrer,
bien loin de s’affoler, n’était allé passer
de tranquilles vacances en Tunisie à l’heure où un
premier courant d’opposition commençait à le contester.
Les supporters qui alors s’aventuraient à demander un repreneur,
argenté de préférence, auraient sans doute mieux
fait de laisser leurs calicots dans leur armoire. Ils n’avaient
pas encore compris, mais les médias conformistes ne les aidaient
guère, qu’une entreprise qui achète un club a d’abord
des objectifs économiques. Pour elle, le football passe au second
plan. Japhet N’Doram se voulait également optimiste. Il affirmait
: « On conserve une méthode, une ligne de conduite,
l’entraîneur y demeure fidèle et cela nous permet de
garder confiance ».
Il n’empêche. Nantes avait vendu de nombreux joueurs
à l’intersaison, Ouédec, Pedros, Cauet notamment mais
aussi Marraud et Kosecki, il avait raté son recrutement, tiens,
tiens, en achetant Sellimi, Bjekovic, Le Roux (le seul valable) puis Mazzoni
en tant que joker, une journée après la clôture de
la période des transferts. L’heure n’était pas
spécialement à l’optimisme. D’autant que Suaudeau
cherchait un gardien. Casagrande avait été blessé
à Auxerre et Loussouarn venait d’encaisser trois buts à
La Beaujoire face à Rennes. Il avait quitté la pelouse en
larmes et son remplaçant, un adolescent de 17 ans et quatre mois
avait partagé sa détresse : « C’est
mon copain, quand j’ai vu sa peine, j’ai eu du mal à
retenir mes larmes, moi aussi, » avait confié
Mickaël Landreau.
Il avait eu raison de dissimuler ses émotions car pour le match
suivant, à Bastia donc, Suaudeau avait décidé de
frapper fort en le titularisant. « Il y en a marre d’encaisser
tant de buts-casquette » avait-il dit. « Mais
Furiani, cela ne risque-t-il pas de s’avérer un enfer pour
ce gamin ? » avaient interrogé les journalistes.
Bof, Landreau n’avait pas bronché quand on lui avait décrit
ce qui l’attendait, il avait même manifesté un aplomb
qui avait surpris tous les observateurs : « A Bastia,
les conditions de sécurité ont été améliorées
et puis, quoi, il faut bien débuter un jour. »
Il avait aussi prouvé qu’il connaissait déjà
sur le bout des doigts l’histoire de son club : « Après
tout, c’est bien à Furiani qu’un autre gardien nantais
a joué son premier match en D1 : David Marraud il y a 11 ans .
Et Nantes avait gagné.». La référence
était exacte : le 30 novembre 1985, avec le Charentais dans son
but, le FCN l’avait emporté 3-2.
Apparemment sûr de lui avant de pénétrer sur la pelouse,
presque insouciant, Mickaël Landreau avait montré, une fois
le coup d’envoi donné, une assurance, une sûreté
et une intrépidité tout à fait étonnantes.
Il s’était opposé sans broncher aux offensives bastiaises
et s’il avait commis un penalty, discutable d’ailleurs, à
la 36è minute en intervenant dans les pieds de Swierczynski, il
s’était immédiatement rattrapé en repoussant
le shoot de Moravcik. C’était la première page d’une
légende, « le gardien qui arrête les penaltys
» qui allait prospérer. Vexé, le Tchèque avait,
plus tard, tenté de s’essuyer les crampons sur le visage
du goal nantais, pour essayer sans doute de l’impressionner, mais
Mickaël ne s’en était à peine ému. Déjà,
il avait les nerfs solides. Nantes avait arraché le nul 0-0 et
acquis la conviction que des lendemains plus souriants l’attendaient.
Le Dizet jouait arrière droit, Savinaud milieu de terrain et Da
Rocha avait mené l’attaque en compagnie de N’Doram
avant de laisser sa place à Sellimi à la 65è minute.
« J’espère que j’aurai une nouvelle
chance », avait lancé Landreau. En fait, depuis
il n’a plus quitté la cage nantaise et en cette saison 1996-97
il fit figure à la fois de dernier rempart
inébranlable et de véritable porte-bonheur : Nantes ne fut
plus battu avant la dernière journée, à Monaco. Il
termina 3è derrière Monaco et Paris, non sans que les arbitres
s’en soient mêlés. En Principauté, un but valable
fut en effet refusé aux Canaris à quelques secondes de la
fin, alors que le score était de un partout. Or, un succès
aurait ouvert à Nantes les portes de la Ligue des Champions puisque
les deux premiers seulement étaient alors qualifiés. Paris,
le club de Canal + auquel les arbitres ne souhaitaient pas déplaire,
profita des circonstances, grâce à sa victoire in-extremis
sur Strasbourg. Les Nantais cherchèrent jusqu’au bout à
forcer la décision et c’est durant les arrêts de jeu,
sur un contre, et alors que Mickaël était sorti au-delà
du milieu de terrain que Sonny Anderson asséna le 2è but.
L’équipe du FCNA qui avait ramené un point de Bastia
était la suivante :
Landreau – Le Dizet, Decroix, Capron,
Pignol – Ferri, Le Roux, Savinaud (puis Carotti, 54è), Makélélé
– N’Doram, Da Rocha (puis Sellimi, 65è).
Autre souvenir : il y a 10 ans jour pour jour le FC Nantes se dirigeait
vers son 7ème titre de Champion de France en battant le PSG au
Parc 3 buts à 0, avec à la clé une prestation étincelante
de Japhet N'Doram, auteur de deux buts, dont un lob somptueux au dépend
de Bernard Lama : "pour moi, ça reste le plus beau but
de ma carrière. J'ai pu lober un grand gardien comme Bernard Lama,
de surcroit, dans la surface de réparation et sans qu'il soit très
avancé."
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