C'était un drôle de championnat que celui de cette saison 2001-2002. Champion de France quelques mois plus tôt, Nantes ne parvenait pas à retrouver la bonne cadence. La fin octobre approchait et il courait toujours après sa première victoire. Il était même « solidement » installée à la dernière place du classement : 4 nuls, soit 4 points en 11 matches. Il avait marqué seulement 6 buts et en avait encaissé 17.
L'optimisme n'était donc pas particulièrement de mise avant le voyage qui l'emmenait à Sochaux. Les Francs-Comtois, entraînés par Jean Fernandez, tenaient le haut du pavé, ils étaient classés 5è et leur buteur Pierre-Alain Frau faisait feu de tous ses crampons. Il avait déjà expédié 7 ballons dans les filets adverses, davantage que tous les Nantais réunis.
Un nouveau personnage
Pourtant la situation ne paraissait pas désespérée, personne en tout cas ne s'affolait encore car le fond de jeu demeurait intéressant et, parallèlement, les Canaris se montraient à leur avantage en Ligue des Champions. Ils avaient notamment taillé des croupières au PSV Eindhoven et à la Lazio. Bien sûr, on remarquait quelques changements dans les coulisses de la Jonelière mais on s'efforçait de ne pas y prêter trop d'attention. On avait surtout noté l'apparition d'un nouveau personnage, un certain Jean-Luc Gripond, expédié sur la place par la Socpresse par on ne savait quel mystère, vu qu'il se targuait surtout de connaissances en Formule 1. Lesquelles étaient d'ailleurs contestées par les anciens membres de l'Ecurie d'Alain Prost. Il avait été intronisé par Yves De Chaisemartin, le patron de la boîte du défunt Robert Hersant, un natif de Vertou.
« Voici votre successeur »
Un jour, « Chaise », qui n'avait daigné venir qu'une seule fois à la Beaujoire, preuve affligeante de son désintérêt pour le club, avait convoqué Kléber Bobin à Paris et il lui avait présenté ledit Gripond. « Voici votre successeur, » lui avait-il annoncé, sans y mettre les formes. Kléber, qui n'avait été prévenu de rien, avait failli s'étrangler. Il serait exagéré de prétendre que le nouveau président du FCNA suscitait un fort courant de sympathie autour de lui mais de là à envisager qu'il oserait un jour contester les compétences techniques de Raynald Denoueix, il existait un fossé…
Le recrutement en questions
Le coach nantais conservait d'ailleurs un calme olympien et pour ce match à Sochaux il s'était contenté de quelques retouches, en tenant notamment compte de l'absence préjudiciable de Viorel Moldovan, souffrant des adducteurs. Stéphane Ziani avait été laissé au repos et son absence avait provoqué une titularisation inattendue, celle de Charles Devineau. Le Choletais avait même été carrément installé au poste de meneur de jeu, entre Quint à gauche et Da Rocha à droite, Ahamada étant chargé d'occuper seul les avant-postes. Pierre-Yves André dont le recrutement commençait à faire sérieusement jaser, tant il était clair que son style de contre-attaquant cavaleur ne correspondait guère au football nantais, était pour sa part resté à Nantes, afin d'essayer de recharger ses accus avant le prochain match de la Ligue des Champions. C'était plutôt une bonne idée puisque le mardi suivant il marqua face à la Lazio un but (de l'épaule) qui fut celui du sésame pour le deuxième tour. Ce fut là son principal fait d'armes nantais. Au passage et à travers son exemple, on remarquera que même avant Jean-Luc Gripond Nantes s'offrait de fâcheuses erreurs de casting. Elles lui coûtaient déjà cher. D'ailleurs, peut-être l'avez-vous oublié, les Canaris s'étaient également offert quelques semaines plus tôt, à la va-vite et en urgence, comme souvent, les services de Victor Bonilla dont le moins qu'on puisse écrire est qu'il n'a pas laissé une trace indélébile sur les bords de l'Erdre.
La même actualité
« Il faut se concentrer sur le jeu, essayer d'en faire un peu plus que d'habitude dans tous les domaines » avait lancé Nicolas Savinaud avant le coup d'envoi. Peut-être dira-t-il la même chose, ou peu s'en faut, à l'heure de pénétrer sur la pelouse de Bonal samedi soir. Son discours serait toujours d'actualité. Ce jour-là, il avait été entendu puisque son équipe, après un départ poussif, se montra de plus en plus entreprenante. Elle devint même dominatrice à partir de la vingtième minute et on vit d'abord Gillet mettre Vincent Fernandez à contribution puis, surtout, Olivier Quint, autre recrue de l'été précédent, expédier un ballon sur la barre. La fin de la première période s'avéra toutefois un peu plus délicate et Mickaël Landreau dut stopper un boulet de Crucet et sortir au devant de Frau, tandis qu'Olembé dégagea in extremis un ballon brûlant.
Volée de Devineau
Tout se joua au début du second acte que Frau, victime d'une élongation, ne disputa pas. Il fut remplacé par Santos. A la 52è minute, lancé par Quint, Ahamada adressa un centre au point de penalty. Charles Devineau surgit et, d'une superbe reprise de volée du gauche, il ouvrit le score. C'était la première fois depuis le début du championnat que Nantes marquait le premier. Sur sa lancée, il faillit même doubler la mise par Da Rocha. Il reste que la fin de rencontre fut de nouveau périlleuse. Les Sochaliens faisaient le forcing, par Pagis notamment, alors que les Canaris avaient de plus en plus tendance à s'appliquer à conserver leur butin. Ils y parvinrent et ce premier succès, à défaut de leur permettre d'abandonner la lanterne rouge leur permit tout de même de reprendre confiance. Un pas vers le maintien, lequel était encore loin, avait été accompli.
Que Landreau se répète
« Est-ce le réveil de Nantes ? » demanda un reporter à Raynald Denoueix. « Mais nous ne nous sommes jamais endormis, sinon nous n'existerions plus, » répliqua ce dernier. Ce soir, nous n'avons pas eu un truc de plus qu'à l'ordinaire, nous avons simplement eu davantage de réussite. Par rapport par exemple au match que nous avons perdu à Lille, c'est flagrant… »
Gagner à Sochaux après avoir perdu contre le LOSC, l'idée serait encore très bonne aujourd'hui. On aimerait en tout cas entendre Landreau répéter les phrases qu'il avait lâchées il y a maintenant près de quatre ans. Il avait dit : « Quand depuis des semaines vous faites des efforts, quand l'esprit est sain et l'attitude bonne, quand vous savez que vous êtes dans le vrai et qu'il n'y a rien au bout, c'est long, très long, et très frustrant. Mais lorsque vous gagnez enfin, et pas n'importe comment, je veux dire avec du jeu, de bons enchaînements et une défense solide qui concède aussi peu d'occasions à l'adversaire, lorsque vous êtes récompensés et que vous parvenez à concrétiser ce que vous réussissez à l'entraînement, ça change tout… C'est même énorme ! »
Oui, décidément, ce serait doux de réécouter pareil discours samedi à l'heure des commentaires.
Quant à Charles Devineau, le héros de cette fin octobre 2001, il avait alors 22 ans et il n'a malheureusement jamais confirmé. Peut-être parce qu'on ne lui a pas donné suffisamment sa chance, par rapport à Quint notamment. Il avait été prêté à Laval, il en était revenu, il y est retourné. Les promesses entrevues au tout début de sa carrière sont demeurées inachevées.
B.V.
La fiche technique
27 octobre 2001, 12è journée du championnat
A Sochaux : Nantes bat Sochaux 1-0.
But de Devineau (52è). 19.425 spectateurs. Arbitre : Duhamel.
Sochaux : V. Fernandez – Daf, Saveljic, Flachez, Raschke – Pedretti, Chedli, Isabey (puis Trapasso, 61'), Crucet (puis Quevedo, 75') – Pagis, Frau (puis Santos, 46')
Nantes : Landreau – Laspalles, Gillet, Fabbri, Deroff – Savinaud, Olembé – Da Rocha, Devineau (puis Djemba, 75'), Quint – Ahamada (puis Vahirua, 65').
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