Ce n'est pas du management, c'est de l'enfantillage
Oui, donc, les problèmes demeurent. Mais comment douter maintenant qu'ils persisteront jusqu'à la fin de la saison ? Comment ne pas admettre que Nantes joue le maintien, pas autre chose, et qu'il lui faudra lutter pour l'obtenir. Mais une fois encore, on s'y prend mal. « On », étant la direction et les conformistes qui lui emboîtent le pas sans réfléchir.

Ces deux matches consécutifs à la maison, face au Mans et face à Bordeaux, représentaient six points, pas davantage, et en les dramatisant à l'extrême, en permettant à une partie des médias et des supporters de laisser entendre que la tête de Georges Eo dépendait de leur issue, Roussillon a commis une nouvelle erreur. Gagner ces deux rencontres n'aurait pas été synonyme de sauvetage. Les perdre n'équivaudrait pas davantage à une condamnation. On le voit d'ailleurs mieux à présent : Nantes a fait match nul face aux Sarthois et rien n'a changé. Il ne sert à pas grand chose de brandir ainsi des menaces à peine voilées, de lancer des ultimatum à tour de bras. Histoire de faire croire qu'on gouverne les événements. Histoire, aussi, d'impressionner le péquin. Ce n'est pas du management, c'est de l'enfantillage.

C'est qui Suaudeau et Denoueix ?
Il est stupide de lancer des objectifs à court terme : « faut six points là », et « tant dans le mois de janvier », et « tant en février », et « on tirera le premier bilan en septembre, ah non en octobre.»

A quoi ressemblent toutes ces déclarations ? Comme disaient Suaudeau et Denoueix, qui parlaient souvent le même langage : « faut entamer tous les matches pour les gagner et pratiquer le jeu qui convient pour y parvenir, c'est à dire le nôtre, celui de Nantes.» C'est aussi simple que ça. Et si on perd ? « Eh bien, on ne remet pas en cause nos principes de jeu. » Parce que, évidemment, on en a. Mais c'est qui au fait Suaudeau et Denoueix ? Peut-être que Roussillon n'en a jamais entendu parler…

Virer Eo, ça rimerait à quoi ?
Or, justement, c'est du jeu qu'il faut, pas des paroles dans le vide, pas des changements d'entraîneurs incessants. Il aurait fallu au départ, lors du recrutement, des joueurs plus techniques, plus habiles, plus intelligents (dans le jeu), pas des pseudo-renforts. C'est là que l'erreur a été faite et qu'elle a été accentuée par des promesses intempestives. Le Dizet l'avait déclaré à l'époque, il l'a payé. Peut-être sa principale erreur avait-elle été de dire la vérité.

Maintenant, il faut faire avec ce qu'on a, en sachant que le marché d'hiver n'a jamais sauvé beaucoup d‘équipes, surtout pas celles, en tout cas, qui ont tout bouleversé. Il faut avancer, essayer de progresser, ne pas dire que c'est fini, alors qu'il reste plus d'un demi championnat à parcourir. Ce sera dur, oui, mais il aurait fallu le comprendre dès la première journée, alors que le FC Nantes abordait la compétition avec une équipe inférieure à celle de la saison dernière, tout simplement parce qu'il avait perdu ses deux meilleurs joueurs et qu'il n'avait enrôlé aucune valeur sûre (on parle évidemment de la valeur footballistique, pas du coût d'achat). Virer Georges Eo ? Cela rimerait à quoi ? Au fond, ne fait-il pas figure, dans le marasme ambiant, de dernier des mohicans, ne reste-t-il pas le seul à pouvoir sauvegarder les valeurs nantaises ? Roussillon passe déjà pour un incompétent, veut-il encore en rajouter ?

Mauvaise première période
Nous, on n'a pas de certitudes, exceptées celles qui concernent l'identité nantaise, laquelle fiche de plus en plus le camp. Mais on voit bien que le président et son acolyte Gripond ne cessent de multiplier les erreurs, qu'ils naviguent à vue, sans savoir où ils vont, sans comprendre comment on construit un club, une équipe. Qu'ils ne sont que de passage et ne cessent de creuser la tombe du club qui a servi à les faire connaître.

On sait aussi que ce n'est pas en jouant comme en première période que Nantes se sortira d'affaire. Car ces 45 minutes là furent franchement pénibles. Nantes jouait avec le frein à main, sans se livrer, sans oser, sans imaginer. Paralysé par la peur instillée par la plupart des commentaires qui avaient précédé le coup d'envoi. Remarquez, on ignore si c'est rassurant, mais Le Mans n'était pas meilleur. Ou il était aussi mauvais, c'est comme vous voulez. Ce qui laisse penser qu'entre une équipe de milieu de tableau et une autre qui se débat dans les bas-fonds, la différence n'est vraiment pas énorme. La seconde peut y percevoir des motifs d'espoir.

Manque de justesse technique, de confiance
Et c'est ce que Georges Eo laissa entendre après le match. « Il suffirait de presque rien. » Il a parlé de justesse technique, de confiance. Il a raison, c'est ce qui manque le plus. Mais c'est aussi, sans doute, le plus difficile à acquérir. Car « les mouillez le maillot, » les truc de ce genre, vraiment, ça ne fait pas avancer le schmilblick. En quelque sorte, c'est le b-a, ba.

La première mi-temps fut donc soporifique. « Fade » a dit Eo. On n'y a pas vu grand chose, exceptées peut-être deux tentatives rageuses de Pierre et de Cetto, sur un corner de Rossi (32è). On y a entendu en revanche des « Roussillon –démission ! » Les premiers retentirent à la 39è minute, juste après, fut-ce vraiment un hasard, une intervention un brin vaseuse de Vladimir Stojkovic, l'un de ceux que le président nantais s'est chargé de recruter lui-même, contre l'avis de son staff technique de l'époque, et de présenter ensuite comme l'une des huitièmes merveilles du football.

Le gardien serbe, qui ne s'était pas montré des plus rassurants sur la plupart de ses interventions, eut cependant la bonne idée de sortir dans les pieds de Lucau juste avant la pause. Bonne intervention qui nous amène à écrire, allez, que sur l'ensemble de la partie, Stojkovic a accompli son boulot. Il a d'ailleurs suffisamment cherché à le montrer, n'hésitant pas à en rajouter.

Payet, Dimitrijevic, Keserü, Diallo, ça c'est « nantais »
La seconde période, et c'est heureux, trancha avec la première. L'équipe nantaise devint plus entreprenante, elle maîtrisa mieux son jeu, elle le varia. C'est de la gauche, le côté de Payet que vinrent la plupart des offensives dignes d'être considérées comme telles. Ce n'est pas un hasard : Dimitri a sans doute été le meilleur Nantais de la soirée. Il s'est bien entendu avec Dimitrijevic qui voit clair et sait faire circuler le ballon. En voilà un qui sait qu'en football, il vaut mieux faire courir le cuir qu'avaler les kilomètres dans le vide. Dimitrijevic est un joueur « nantais », on veut dire par le style, la technique, l'intelligence. Ouf il en reste encore ! D'autant que Payet, on l'a dit, en est un deuxième. Il en existe même un troisième avec Claudiu Keserü qui prend confiance et que Georges Eo eut cent fois raison de maintenir sur le terrain jusqu'au bout. D'accord, il a raté une belle occasion à la 70è minute, mais il eut le mérite de se la procurer et si on y regarde bien, vu la sortie opportune de Pelé elle n'était pas si facile à mettre que ça. A ce trio, on ajoutera Diallo auteur d'une très bonne rentrée, qui amena du punch et des combinaisons et qui faillit même, on l'a raconté en introduction, arracher la victoire en toute fin de rencontre.

Des occasions
Nantes domina donc assez largement le second acte. D'entrée, une attaque Payet – Dimitrijevic donna le ton, même si elle ne déboucha que sur un corner (47è). On vit ensuite un tir de Payet qui passa au-dessus (54è), une reprise de la tête de Diallo sur un centre du Réunionais que Pelé stoppa (67è), une action Keserü-Payet-Keserü que le Roumain ne put conclure (75è), un centre de Signorino que ni Keserü ni Diallo n'exploitèrent (76è), un shoot de Diallo (lancé en profondeur par Payet) que Pelé mit en corner (85è).

Ce Nantes-là se procurait donc des occasions, il donnait de l'espoir. C'est comme ça qu'il faut jouer, en essayant bien sûr de faire mieux encore et de conclure. Dominer c'est bien, il convient également de marquer. Pour être juste, il faut aussi noter que les Manceaux sortirent de leur coquille durant le dernier quart d'heure, alors que les jambes nantaises s'alourdissaient, à l'image de celles de Signorino. Sans parler du doute qui devait tenailler les esprits. Sessegon expédia un bolide sur le petit filet (77è), Grafite marqua un but refusé pour un hors-jeu plus que douteux (80è), Stojkovic dut sortir hors de sa surface pour dégager de la tête (87è).

C'est quoi ces sifflets pour Savinaud ?
On pourrait en conclure qu'on a échappé au pire. On a aussi échappé au succès des adversaires les plus proches au classement. Il aurait été bien, également, qu'on échappât aux sifflets qui ont salué les entrées en jeu de Savinaud puis de Guillon. On atteignait la 65è minute quand le Vendéen prit le relais de Cubilier qui se ressentait d'un choc avec Stojkovic, en fin de première période. Savinaud effectua une bonne rentrée, il se montra même plus à l'aise que son prédécesseur et on se demande bien ce qu'on peut lui reprocher. Sa fidélité au club ? Le fait qu'il ne se soit jamais comporté en mercenaire ? Les buts parfois décisifs qu'il a marqués, dont l'un, contre Nîmes, en avril 1999, avait expédié directement Nantes en finale de la Coupe de France ?

C'était il y a longtemps, remarquerez-vous. Oui, il y a longtemps mais on a l'impression que Nicolas Savinaud, depuis, n'a jamais trahi son club, qu'il ne s'est jamais pris pour une vedette et que, même s'il lui est arrivé de faire des matches moyens, il mérite le respect. Dans un club qui respire le foot, on devrait applaudir ce genre de joueurs, surtout quand il arrive en fin de carrière et que ce sont ses dernières forces qu'il jette sur le terrain. On ose espérer que ceux qui l'ont sifflé, avant même qu'il ne joue, ne sont pas ceux qui applaudissent quand un président incapable achète on ne sait trop où un joueur qui ne vaut pas tripette, qui restera peu et qui passe à la caisse à la hauteur de cent bâtons par mois.

B.V, le 10 décembre 2006.