Une mauvaise affaire
Ce nul contre Saint-Etienne, sur le plan arithmétique, constitue une mauvaise affaire. Il laisse les Canaris englués en queue de classement. Il risque aussi de marquer les esprits car on se doute que les prochaines fins de match se dérouleront sous le signe de la crainte. Que chaque coup de pied arrêté qui y sera concédé se transformera en supplice, en hantise. Nantes a laissé passer l'occasion de se donner de l'air mais aussi de se sentir plus fort, plus serein. Pourtant, sur le plan du jeu, cette rencontre s'inscrit dans une certaine continuité, celle amorcée à Nancy puis contre Monaco. Tout n'a pas été parfait, on a vu encore beaucoup de déchets dans la construction, de lacunes dans la finition, mais les intentions sont là. Elles sont souvent bonnes. Il faudrait davantage de maîtrise technique pour mieux jouer, de punch pour conclure mais peu à peu une équipe prend corps.
Pierre s'affirme
Après Payet et Briant, Das Neves montre que la source jaune n'est pas tout à fait tarie tandis que Pierre s'affirme progressivement et fait regretter sa trop longue disgrâce. Après avoir été condamné pour des erreurs commises à un poste qui n'était pas le sien, il aurait probablement mérité d'obtenir une deuxième chance plus tôt. Quant à Boukhari, même s'il n'était que remplaçant à l'Ajax et n'est visiblement pas la star que, stupidement, Rudi Roussillon annonçait, il peut prétendre à tenir un rôle. Y compris, à l'occasion, celui de joker-buteur, il l'a prouvé. Nantes a des joueurs, pas tous bons, surtout ceux qui sont payés cher et qui ont été achetés avec des objectifs essentiellement commerciaux ou pour impressionner les supporters que la direction du club aime bien prendre pour des gogos (mais certains ne demandent que cela), il existe tout de même une certaine qualité dans ce groupe.
L'heure n'est pas à la résignation
La route qui conduira au maintien demeure pourtant longue et elle sera pavée de difficultés, c'est une évidence. Mais Nantes, s'il joue souvent comme il vient de le faire face à Saint-Etienne, s'il bénéficie d'un peu plus de chance aussi, bref s'il confirme ses progrès, ne restera pas forcément planté dans la première ornière venue. Il est clair qu'il convient de garder les pieds bien arrimés au sol, se persuader par exemple que Monaco et Sedan contre qui des points précieux viennent d'être engrangés ne sont que des équipes de fin fond du classement. Il faut sans doute aussi s'attendre à assister à d'autres opérations résistance comme celle vécue en Ardennes il y a huit jours. Il reste l'essentiel : après un nul comme celui-là, l'heure n'est pas à la résignation. Même si le coup a été dur à encaisser.
Le cas Wilhelmsson
L'équipe de Georges Eo prend forme, avons-nous dit et au départ le coach nantais n'avait apporté qu'une seule modification par rapport au match livré à Sedan : Kévin Das Neves avait été préféré au centre de la défense à Loïc Guillon, Jean-Jacques Pierre en profitant pour passer axial-gauche. Eric Cubilier avait été maintenu, profitant de l'indisponibilité de Guillaume Norbert, de même que Christian Wilhelmsson dont le cas pourtant commence de plus en plus à poser problème, compte-tenu de l'ahurissante inefficacité de son jeu. Essayer de faire du spectacle ne suffit pas, le Suédois, qui possède d'évidentes qualités, doit maintenant s'en persuader à très court terme et comprendre une fois pour toutes que le niveau du championnat de France n'est pas celui du championnat de Belgique. Nous apprécions beaucoup les techniciens, Wilhelmsson en est un de classe, ses talents ne servent cependant à rien, ou à pas grand chose, quand il ne les met pas au service de la collectivité. Le football n'est pas un jeu de cirque.
But magistral de Cubilier
Mais pour en revenir à Cubilier, nous commencions à désespérer de lui tellement les attaquants stéphanois parvenaient à filer dans son dos lorsqu'à la 39è minute, Nantes bénéficia d'un corner, rapidement joué par Rossi et Diallo. Sur le centre, Diatta renvoya le ballon plein axe, de la tête, et l'arrière droit canari tenta sa chance avec détermination, de volée. Son shoot, magistral, alla se loger dans les filets. Il venait de marquer son premier but en Ligue 1. « C'est d'autant plus marrant qu'au cours des jours précédant je m'étais fait chambrer par mes coéquipiers, raconte-t-il. Ils m'avaient demandé : « t'as déjà marqué un but, toi ? » « Euh non… »
Payet brille encore
Cubilier a donc apporté une jolie réponse. Il permit aussi aux Nantais de prendre une première fois l'avantage et c'était assez mérité. Après un départ hésitant, les Canaris avaient en effet posé progressivement leur patte sur la rencontre et Dimitri Payet avait mis sur le grill le flanc droit de la défense forézienne (notamment sur un centre à destination de Diallo, intercepté par Janot, 38è), tandis que Saidou avait testé sa frappe à mi-distance (25è, tir repoussé des deux poings par Janot). Faé et Saidou se montraient à l'aise dans l'entrejeu, Rossi confirmait sa belle forme actuelle, Briant soignait adroitement ses relances, à la main, dans un louable souci de bien construire. En somme, la machine nantaise tournait de manière assez séduisante, même si les occasions de but étaient rares. Pour être juste, il importe de souligner que les Stéphanois ne restaient pas les deux pieds dans les mêmes crampons. Piquionne demeurait un danger permanent, Feindouno une préoccupation intermittente et Das Neves avait dû d'abord effectuer un sauvetage à risques sur un centre de Piquionne vers Ilan (corner à la 20è minute) puis une intervention limite sur Piquionne qui aurait pu bénéficier d'un penalty pour léger tirage de maillot s'il n'avait commis la bêtise d'en rajouter et de s'étaler comme s'il venait d'être chargé par un buffle. Dans sa carrière, Piquionne a souvent abusé dans ce registre, à Rennes notamment, il s'en est parfois vanté, se gargarisant d'avoir abusé les arbitres en obtenant des penaltys imaginaires. Alors il est mal placé pour se plaindre quand une décision va en sa défaveur.
Saint-Etienne égalise
Nantes était donc bien placé pour virer en tête à la pause quand l'arbitre, Fredy Fautrel, décréta trois minutes d'arrêts de jeu. Ce n'était pas forcément illogique compte tenu de quelques bobos, dont ceux de Saidou et de Payet, ce dernier peu ménagé par Dernis. L'ennui est que Pierre trouva le temps d'aller commettre une faute, pas forcément indispensable, surtout à ce moment de la partie, sur Ilan à une trentaine de mètres de sa cage. Dernis ajusta le coup franc et la reprise de la tête de Feindouno, oublié au marquage, surprit tous les Nantais plus ou moins scotchés sur le gazon. Saint-Etienne avait égalisé.
Piquionne sur un poteau
Sur leur lancée, les Verts réalisèrent d'ailleurs une bonne entame de seconde période, avec notamment une tête lobée de Piquionne qui ricocha sur un montant (66è). A Nantes, Da Rocha avait, sur le côté gauche, suppléé Payet dont les adducteurs sifflaient douloureusement et comme Wilhlelmsson manquait de tranchant et de précision sur le flanc gauche l'attaque des Canaris battait singulièrement de l'aile. L'entrée en jeu de Claudio Keserü à la place du Suédois ne fit pas de mal. Peu à peu en tout cas, les Canaris reprirent le contrôle des événements, ils manquaient tantôt de précision, tantôt de punch mais les idées étaient souvent bonnes.
Le bonheur de Boukhari
Emerse Faé se montra trop personnel lorsqu'à l'issue d'une action aussi brillante que volontaire il préféra tenter sa chance (au-dessus) plutôt que passer à Keserü (73è). Le Franco-Ivoirien se montrait d'ailleurs l'un des hommes les plus en vue et les plus déterminés de la fin de rencontre et, sur une passe de Da Rocha, il contraignit Janot à une intervention délicate (84è). Le coach stéphanois avait fait entrer Heinz pour botter un coup franc concédé par Saidou (80è) mais c'est le coaching de Georges Eo qui se révéla le plus payant. Nourdin Boukhari avait en effet remplacé Rossi, logiquement fatigué, depuis quatre minutes lorsqu'à la 87è il s'avança et décocha, de près de 30 mètres, un bolide du gauche sur lequel la détente de Jérémie Janot demeura vaine. C'était un tir splendide. « Et la preuve que l'équipe va mieux, assure Eo, on nous a souvent reproché de ne pas assez shooter de loin, on a prouvé qu'on peut le faire. »
La tristesse du stade
Il restait trois minutes et la Beaujoire chanta. Le bonheur, l'occasion de s'éloigner enfin de la zone rouge, étaient à portée de crampons. Mais Fautrel transforma les trois minutes en six. Nantes essaya de tenir. Il arracha un corner. Le public, cette fois, l'encourageait. Da Rocha perdit un ballon en tentant sa chance de trop loin, directement dans les bras de Janot. Le chrono tournait. Nantes obtint un corner. La ballon sortit en touche pour Nantes et Boukhari. Mais l'arbitre de touche commit l'erreur de donner la remise en jeu aux Stéphanois. Et dans la continuité, Saint-Etienne, à son tour, obtint un corner. Janot déserta son but et courut jusque dans la surface de réparation adverse. Ce fut un cafouillage monstre. Le gardien stéphanois toucha le ballon, le dévia. C'était confus mais la chance était avec lui. Et donc avec les Verts. Le ballon échoua à Hognon dont le tir alla au fond des buts. 2-2 !
C'était fini. Nantes avait perdu deux points, son bonheur s'était évanoui dans la douceur d'une soirée de novembre qui, espérons le, ne pèsera pas trop lourd à l'heure des comptes, fin mai.
B.V, le 12 novembre 2006.