Les deux hommes sont en effet du même bord et pour Daniel Augereau le club constituerait évidemment un excellent tremplin. Il ne serait pas le premier à en profiter. Il arrive en effet que les objectifs électoralistes figurent parmi les moteurs qui poussent un homme à vouloir diriger un club de football. Et après tout, si Jean-Marc Ayrault a commis une erreur historique en 2000, ce n'est pas la faute d'Augereau. Quand on donne un doigt à la droite dure, il ne faut pas se plaindre si tout le bras y passe (non, non, c'est pas du Sarko, on a trouvé ça tout seul). Ayrault n'avait pas vendu le club en toute innocence, il y trouvait son intérêt et si l'effet boomerang lui ramenait Augereau dans la figure ce serait, au fond, assez drôle. Enfin, façon de parler.
Vous direz que le maire de Nantes est prêt à accomplir le maximum pour empêcher son rival de s'installer. Certes. Mais quelle est sa marge de manœuvre ? S'il dispose d'un droit de regard sur un éventuel acheteur, il n'en va pas de même sur les fluctuations du capital, dès lors que l'actionnaire principal reste le même. Et cet actionnaire peut nommer président qui il veut, surtout si ce dernier est un bénévole (Augereau le serait) et s'il a sur place un représentant salarié, Roussillon par exemple, qui contrôle les opérations. On n'en est pas là. La situation paraît même plutôt bloquée comme nous le révèle Daniel Augereau dans cette interview. Bien sûr, certaines des décisions qu'il préconise, à commencer par le renvoi de Gripond ne peuvent que susciter une adhésion globale. Pour un repreneur, Croquemort c'est presque du pain bénit. Il arrive, il dit : « dehors la Grippe ! » et tout le monde applaudit. Il ne reste plus qu'à lui payer ses indemnités, celle d'un salarié de luxe disposant d'un CDI. Mais est-ce que ça coûte beaucoup plus cher que Barthez ? Vouloir en finir avec Derzakarian et N'Doram, « l'équipe qui a perdu », permettrait à Augereau de rallier d'autres suffrages. Reste à savoir qui serait installé à leur place. Il nous paraît ainsi gênant d'entendre fréquemment l'homme fort de Synergie critiquer la révolte de Mickaël Landreau de décembre 2004. Micka, à l'époque, n'avait pas seulement visé Loïc Amisse : sa première cible était déjà bel et bien Gripond. Sur ce plan, il avait simplement pris de l'avance sur Augereau. En outre, c'est une révolte que nous avons soutenue. Landreau défendait d'abord les valeurs et le jeu caractéristiques au FC Nantes, il avait obtenu l'adhésion globale des joueurs (lesquels hésitent pourtant souvent à s'engager dans pareil débat) et à l'arrivée, le maintien ayant été assuré, l'action menée par l'ancien gardien emblématique des Canaris s'était révélée bénéfique. Dommage qu'ensuite Rudi Roussillon n'ait pas tenu sa promesse du 28 juin 2005 où il avait annoncé le départ de Croquemort. Un club de football n'est pas une entreprise comme les autres, les hiérarchies y sont plus floues. Que les dirigeants le veuillent ou non, ce sont tout de même les joueurs qui restent les principaux acteurs. Daniel Augereau ne devrait pas l'ignorer et se demander si quand un homme comme Landreau élève le ton, il ne convient pas, avant de le condamner, de se poser les bonnes questions et d'étudier la situation. Mais foin du passé : si on rappelle cet épisode c'est tout simplement pour signifier clairement que nous ne roulons pas non plus pour Augereau. On ne roule pour personne, répétons-le, sauf pour le football à la nantaise. Et donc les techniciens, les joueurs et les dirigeants prêts à le respecter et à le remettre à l'honneur. Et franchement, ce n'est pas facile à dénicher. Le bruit a couru que vous aviez signé un accord avec Serge Dassault pour acheter le FC Nantes? Ce n'est absolument pas le cas ! Je n'ai aucune nouvelle de la direction du club depuis quinze jours. La veille du match contre Toulouse j'avais discuté avec Rudi Roussillon et nous avions prévu de nous revoir le lendemain, après la rencontre. Les événements ont fait que cette entrevue n'a pas eu lieu.
Mais êtes-vous candidat à la reprise ? Je suis prêt à entrer dans le capital du club, je souhaite jouer un rôle, j'en ai même le désir, mais je ne veux pas être propriétaire unique du club. Mon souhait, c'est que le groupe Dassault reste, pour l'instant, et que des entreprises régionales, dont la mienne, le rejoignent petit à petit. Et ensuite, s'il le souhaite, qu'il se désengage progressivement. C'est d'ailleurs ce que j'avais exposé à Rudi Roussillon. Mais, je le répète, je n'ai aucune nouvelle de lui. Ni de personne du club ou de Dassault. C'est une déception ? Un peu, oui. J'aurais souhaité savoir ce qu'il pensait de mon projet. Là, je suis dans l'expectative, je ne sais pas ce qui se passe Vous représentez un certain poids puisque Synergie demeure le premier sponsor du FC Nantes Effectivement, d'ailleurs j'ai déjà entendu Gripond et Roussillon nous appeler « l'ami historique du FC Nantes ». Nous aidons depuis trente ans et nous sommes sponsor-maillot depuis dix ans. Votre aide était de 1,5 million d'euros mais elle va être diminuée, est-ce exact ? Elle va être divisée par deux. C'était prévu contractuellement. Une éventualité de descente existait sur le contrat ? Tout à fait. Le propre d'un bon contrat est de tout envisager. Mais est-ce bien le bon moment de diviser votre aide par deux ? On peut penser que justement le club risque de connaître des problèmes financiers C'est vrai. C'est pourquoi j'ai dit à Rudi Roussillon qu'il y a certes le contrat mais que s'il faut effectuer des efforts nous serions quand même là. Je suis prêt à ces efforts. Vous aidez le FC Nantes mais vous fournissez aussi au club des stadiers pour lesquels il vous paie. Vous bénéficiez donc de retombées et votre engagement financier réel est inférieur à la mise de départ. Exact. Mais en ce qui concerne les stadiers, c'est le club qui est demandeur, pas nous. Il a fait un appel d'offres, nous y avons répondu. Nous avons été mis en concurrence, tout a été normal Pourriez-vous cependant dire combien cela rapporte à votre entreprise ? Comme ça, de but en blanc, je ne peux pas. Je n'ai pas les chiffres sous les yeux. Vous êtes donc leader des sponsors, quels sont vos rapports avec les autres ? Nous nous connaissons tous, nous émettons des souhaits mais nous ne recevons pas d'écoute. Si vous étiez actionnaire et si vous disposiez d'un pouvoir décisionnaire, quelles premières mesures préconiseriez-vous ? J'ai déjà eu l'occasion de le dire : Jean-Luc Gripond doit partir. Il n'a plus rien à faire dans ce club, il a fait ses preuves. Il faudrait lui payer des indemnités C'est un autre problème. Mais il faut savoir ce que l'on veut. C'est l'un des souhaits des sponsors ? C'en est un. Et Rudi Roussillon ? Son cas est totalement différent. Il est le représentant de l'actionnaire. Et en ce qui concerne Der Zakarian et N'Doram ? Très simple. Je suis partisan de l'adage « on ne change pas une équipe qui gagne » mais aussi de celui qui dit « on change une équipe qui perd ». Renvoyer Gripond, changer Der Zakarian et N'Doram, c'est une chose, mais le temps presse C'est bien cela qui me choque. On a commencé à préparer la saison, on parle de nouveaux joueurs et rien ne bouge par ailleurs. On va repartir avec les mêmes à la tête. Et franchement, quand même, ça m'étonne un peu. Vous êtes candidat à un rôle au FC Nantes et vous pensez bien qu'on vous prête des intentions politiques Ayrault pense ce qu'il veut Certes mais vous ne contestez pas que le club peut constituer un levier politique Bien sûr. Mais c'est d'abord un levier sportif, un levier d'image. Le maire de Lyon disait l'autre jour que, grâce à l'OL, sa ville est maintenant universellement connue. On ne dit plus : « c'est un point entre Paris et Genève ». Tout le monde la situe très exactement. Et le maire de Lyon est socialiste… Vous pensez que Jean-Marc Ayrault sous estime l'impact du FC Nantes ? C'est une évidence. Sinon, il ne l'aurait pas bradé, tout seul, je dis bien tout seul, à la Socpresse en 2000. Il aurait cherché des solutions régionales. Quand cette transaction a eu lieu, un maire de gauche vendant son club à une entreprise de droite, vous avez dû rigoler ? J'espère que le maire n'a pas vu dans cette transaction une façon d'obtenir les faveurs de Presse-Océan, journal qui appartenait alors à la Socpresse Vous dites « j'espère » mais il est clair que c'était l'un des objectifs de la transaction ; non ? (Il ne répond pas, il rit puis) Le problème ne se pose plus puisque Presse-Océan appartient maintenant au groupe Ouest-France.
B.V., le 31 mai 2007
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