Au fond du trou
Cette fois, c'est bien le fond du trou. Le noir. La dernière place. On pourrait ajouter : et la Ligue 2 qui se profile à l'horizon ! Nous n'avons eu de cesse, ici, de dénoncer :
la politique incohérente de la direction du club
la pression néfaste exercée par un président qui veut se mêler de tout
le recrutement massif et abracadabrant, dicté essentiellement par le plaisir de faire du commerce et de donner de nouvelles têtes au public (huit joueurs achetés depuis janvier, on ne répétera jamais assez cette incongruité qui fait injure à la philosophie du vrai FC Nantes)
la disparition progressive, mais calculée, du jeu et des valeurs maison.
Alors, nous n'allons pas jouer aux hypocrites : les événements qui arrivent, nous les avions prévus, redoutés, ils relèvent d'une implacable logique. On ne joue pas impunément avec l'âme d'un club, surtout quand, comme au FC Nantes, elle a fait sa force, son originalité, sa puissance. Nous avons déjà eu l'occasion, hélas, d'écrire que Roussillon et Gripond adoptent la même ligne de conduite que Metz et Strasbourg ces dernières saisons et de nous demander si la conclusion n'allait pas être identique, à la Beaujoire, à celle de Saint-Symphorien et de la Meinau.
L'heure n'est pas à abdiquer
Mais avoir raison ne nous console guère alors que nous avons mille motifs de désespérer et que nous sortons d'un match dont la seconde période s'assimila à une longue traversée du désert, sans oasis, sans but, sans même la moindre occasion, si ce n'est un tir croisé de Rossi et un shoot lointain et sans conviction de Signorino. Oui, nous avons la gorge qui brûle et pas une goutte de talent, de beau jeu, n'est venue s'y déposer pour apaiser notre soif, notre déception.
Mais à cette évidence (les joueurs qui composent l'effectif sont à peine moyens, surtout ceux présentés comme des « renforts », quelle erreur M. le président !), vient s'en superposer une autre : la saison sera difficile, elle est toutefois encore longue et l'heure n'est surtout pas à abdiquer alors que neuf matches seulement ont été disputés. « On n'est pas encore mort, a dit Georges Eo, de nombreux points restent en jeu ».
Georges Eo a les clefs, mais lesquelles ?
A partir de là on peut commencer à penser à la fameuse antienne de Guy Roux, que Serge Le Dizet avait reprise en 2005 : il faut 41 points (exceptionnellement 43 avaient été nécessaires il y a un an et demi). Il est facile de calculer ce qui manque. Le tout est de savoir comment il convient de s'y prendre pour parvenir à engranger le butin. A l'Auxerroise, c'est à dire en grappillant point par point, en défendant, en adoptant un système de jeu primaire, basée sur la prudence, le calcul, la contre-attaque ? Ou à la José Arribas, ce qui signifie bâtir des fondations, ne pas rechercher le résultat immédiat mais voir plus loin, en essayant de s'améliorer sans cesse, de perfectionner son football et en se persuadant que la qualité du jeu, à échéance, et même si sur un match elle peut valoir de sévères déconvenues, est payante.
Georges Eo a les clefs, du moins celles que ses dirigeants ont bien voulu lui acheter et on a pu voir qu'il existe assurément de meilleurs sésames pour ouvrir les serrures des défenses adverses. Constat qui entraîne une autre interrogation, laquelle n'est pas forcément la moindre : le FC Nantes dispose-t-il de suffisamment de bons joueurs pour produire un jeu de qualité.
Vingt minutes prometteuses, mince consolation
Si on se fie à ce qu'on a vu samedi pendant près d'une demi-heure, la réponse est oui. Car aussi grand que soient aujourd'hui notre désenchantement, il serait tout de même injuste de réduire la confrontation face à Sochaux à la seule seconde période. Pendant 20 minutes, les vingt premières, les Canaris ont bien joué. On sait que c'est insuffisant et qu'il s'agit d'une mince consolation, il n'en reste pas moins que les intentions de départ étaient bonnes. Nantes voulait gagner en jouant bien. Il dominait, il monopolisait le ballon (65% de possession !), il pressait haut , il effectuait des mouvements séduisants, à l'image surtout de Dimitri Payet. Rossi, à cet instant des débats, n'était pas inscrit aux abonnés absents. C'est lui qui amorça une offensive qui permit à Norbert de centrer à la 4è minute. Un défenseur franc-comtois écarta le danger devant Payet. Fred Da Rocha, lui, fut un poil trop court sur un nouveau centre de Norbert (13è). Quelques secondes plus tard, il tenta sa chance de 20 mètres, Richert ne put que repousser le ballon et on n'en serait peut-être pas maintenant à se lamenter si Rossi avait pu reprendre.
Peut-on regretter l'absence d'Oliech ?
Nantes avait vraiment le match entre les pieds et on peut regretter aussi la mansuétude de l'arbitre Jean-Charles Cailleux qui oublia des cartons qui s'imposaient sur une intervention brutale de Leroy sur Norbert (8è) et un tacle arrière de Sené sur Payet (17è). A Gerland, le visiteur reçoit un carton rouge pour moins que ça ! Une nouvelle faute d'Afolabi sur Payet incita enfin, à la 19è minute, l'arbitre à sortir de sa coupable léthargie. Que manqua-t-il à Nantes, durant ces vingt prometteuses premières minutes, pour ouvrir le score ? Du punch d'abord, autant dire un buteur. Ni Rossi, dont le match contre Marseille avait été très bon, ni Da Rocha ne figurent dans ce registre. Mais Eo tint à souligner, ensuite, qu'avec les blessures de Diallo et de Keserü et l'absence durant la préparation d'Oliech, il n'avait guère eu le choix. Et puis, comment dire, on ne peut pas assurer qu'Oliech est brouillon, maladroit, aveugle quand il joue et indispensable lorsqu'il n'est pas là ! Nantes n'a pas de buteur, ce n'est pas un problème récent et au lieu, depuis le départ de Moldovan, d'en faire venir une flopée, tous plus décevants les uns que les autres, il aurait été plus judicieux d'en embaucher un seul, un bon.
But encaissé sur corner
A la 21è minute, les Nantais reçurent un premier coup de semonce, il fut gratuit puisque Vincent Briant, confirmant tout le bien qui a été dit sur lui depuis ses débuts face à Marseille, repoussa du pied, la tentative à bout portant de Santos Alvaro qui s'était retrouvé seul face à lui. Le second fut malheureusement payant. El Mourabet concéda un corner. Leroy le tira et la tête d'Afolabi surgit au-dessus de Savinaud et au milieu des Canaris scotchés pour placer une reprise qui cette fois eut raison de Briant.
Payet rate un penalty
On en était à la 27è minute et le FC Nantes se retrouvait mené contre le cours du jeu. C'est peu de dire qu'il accusa la coup. L'équipe toute entière piqua du nez. Pourtant, à deux reprises, il eut la possibilité de refaire surface. D'abord sur un débordement suivi d'un centre en retrait de Dimitri Payet. Rossi était à l'affût, Richert se coucha et intercepta le ballon (31è). Ensuite, sur une faute d'Elbounadi sur Payet, dans la surface, sur un centre de Cubilier, mais oui. Encore fallut-il que l'arbitre assistant intervint, sinon Cailleux aurait encore joué les aveugles. Il se décida donc à siffler le penalty. Fallait-il que ce soit Payet qui s'en charge ? On n'en sait fichtre rien, même si on a souvent entendu parler de ce vieil usage qui nous dit qu'un joueur sur lequel la faute a été commise ne doit pas se transformer en justicier. On nous parle de cette « règle » à chaque fois qu'il y a échec mais pour être exact nous avons vu aussi des joueurs subir un penalty puis le marquer sans broncher. Toujours est-il que là, Richert plongea du bon côté et détourna le shoot de Payet en corner, via un ricochet sur le montant.
Premiers sifflets abusifs
C'était le deuxième coup du sort de la soirée, ce fut celui de trop et les premiers sifflets qui retentirent dans les tribunes nous parurent quand même très exagérés. Nantes qui commençait à baisser de pied avait à cet instant davantage besoin de soutien que de réprobation. Ailleurs, les équipes qui luttent pour leur maintien, et c'est bien ce que va faire le FCN, ne sont pas maltraitées de la sorte. Et même si Nicolas Savinaud a été hors sujet samedi on ne peut pas d'un côté louanger sa fidélité et déplorer que tous les joueurs n'aient pas un esprit aussi sain que lui et d'un autre lui tomber dessus, à la moindre occasion, à bras raccourcis et à sifflets stridents. Un minimum de reconnaissance n'a jamais fait de mal.
Fin du suspense
Les spectateurs mécontents espéraient peut-être que leurs critiques allaient réveiller les ardeurs déclinantes des Canaris, en cette fin de première période. Ils eurent tout faux. Il est vrai que le second acte, dès son entame, provoqua la chute, brutale, du suspense. El Mourabet et Guillon, qui ni l'un ni l'autre n'étaient dans un bon jour, se firent surprendre par Le Tallec et le ballon alla au fond des filets. Il y avait but mais l'arbitre, décidément mal inspiré, avait sifflé trop vite la faute d'El Mourabet et il désigna le point de penalty. Cette décision ne changea rien puisque Santos transforma la sentence en prenant Briant à contre-pied. Le reste, c'est à 46 minutes, arrêts de jeu compris, fut un cauchemar. On se serait presque cru revenu contre Toulouse.
Sans jambes, sans idées, sans révolte
Nantes, sans jambes, sans idées, frappé d'impuissance, tourna en rond, multiplia les imprécisions techniques et les mauvais choix et ne se créa aucune occasion de renverser le cours inexorable de la défaite. Après que Dimitrijevic eut logiquement succédé à Savinaud, Capoue rentra comme attaquant, à la place de Da Rocha, c'est dire où on en était. Payet quitta la pelouse à la 75è minute, laissant son poste à Diop alors qu'on s'attendait plutôt à la sortie du peu adroit Cubilier (encore une recrue qui…), laquelle aurait permis à Norbert de reculer d'un cran.
Mais ce ne sont peut-être là que des détails tant la trame du scénario se dévidait dans une pesante langueur, sans à coups, sans révolte, sans talents, sinon celui de Briant qui évita une addition plus lourde. « On est, on est, on est les derniers ! » scanda une partie des supporters, ajoutant au désarroi d'un stade et d'une équipe abattus par la triste réalité.
B.V, le 15 octobre 2006.