Mamadou Diallo court, la bouche ouverte, les deux bras écartés. A l'autre bout du terrain, Mickaël Landreau fait, lui aussi, l'avion, le visage illuminé par le bonheur. Le Malien vient de marquer le troisième but de Nantes, il reste un peu plus d'un quart d'heure à jouer et le succès des Canaris ne fait plus guère de doute. « Accessoirement », le maintien est lui aussi définitivement en poche. C'est une belle soirée, dans quelques instants le public de la Beaujoire va même s'enflammer malgré le froid et lancer une ola. Une ola ? Il y avait longtemps qu'on n'en avait plus vu à Nantes. Il faut dire, surtout, qu'il y a longtemps que les Canaris n'avaient pas eu le loisir de s'offrir une fin de partie en roue libre à domicile.
Dernier but en championnat à la Beaujoire il y a deux mois et demi
Ils n'y avaient plus marqué en championnat depuis le 27 novembre, par Da Rocha, à l'occasion d'une victoire arrachée sur Strasbourg durant les arrêts de jeu. Et s'ils avaient de nouveau expédié deux ballons dans les filets, le 7 janvier en Coupe de France face à Valenciennes, on ne peut pas dire qu'ils avaient vécu pour autant une rencontre reposante puisqu'on se rappelle qu'ils avaient attendu la toute dernière minute pour frapper, par Capoue.
Alors, même si tout n'a pas été parfait, notamment durant la deuxième partie de la première période, même si Sochaux n'est qu'une équipe de bas de classement, encore dans le collimateur des rélégables du moment, il serait tout de même abusif de faire les délicats.
Cette victoire, dans le contexte actuel, est importante car elle permet aux Nantais de mieux respirer et on espère qu'elle va leur procurer suffisamment d'oxygène, de confiance et de certitudes pour améliorer la qualité de leur jeu. En ce qui concerne l'efficacité, il n'y a rien à redire sur ce match-là, elle a frôlé la perfection. Merci Diallo.
Diallo attaquant complet
Le Malien, en un peu plus d'un an de présence, s'est fait doucement, sans bruit mais avec obstination, pas mal de talent et un certain sens du jeu, une place dans l'histoire du club. Il y demeurera à jamais pour avoir signé le but du miracle du 28 mai, face à Metz. Le voici maintenant qui frappe à la porte du club des buteurs. Un doublé par-ci, contre Toulouse au match aller, un autre par là, à Metz, et à présent un triplé qui lui vaut de se hisser au deuxième rang du classement des goleadors. Qui aurait prédit pareil scénario en octobre, quand il maugréait parce qu'il sortait souvent en cours de rencontre ? On ajoutera qu'il a réussi un but du droit, le premier, un deuxième du gauche et le troisième de la tête. Et aussi qu'il y eut de l'opportunisme dans le premier, du mouvement et de l'intelligence dans le deuxième, du timing et des qualités athlétiques dans le troisième. De là à conclure que Mamadou Diallo est un attaquant complet, car il est aussi collectif, il n'y a pas beaucoup de pas à franchir. Il lui manque simplement un peu plus de précision et de sang froid devant le but, « l'instinct du tueur » comme on dit, mais n'allez surtout pas le dire aux Sochaliens, ils vous demanderaient si par hasard vous ne les prenez pas pour des idiots.
Premier but logique
Doudou, comme l'appellent ses copains, se montra très en jambes dès l'entame du match. Il bougeait beaucoup, offrait des solutions et allait allègrement presser des défenseurs sochaliens dont la finesse technique ne constitue pas le point fort. A ce jeu, Miranda écopa d'un carton jaune dès la 7è minute, en commettant une faute sur le Malien qui lui filait sous le nez. Bruno Derrien aurait d'ailleurs pu se montrer plus sévère en considérant que le Franc-Comtois se situait en position de dernier défenseur…Les Canaris étaient alors bien dans le match, Rossi, lancé par Guillon, était rattrapé de justesse par Tosic, et ils obtenaient à la fois des corners et des coups francs. Le premier but arriva en toute logique à la 20è minute, à la suite justement d'un coup de pied arrêté, conséquence d'une faute, à 35 mètres du but, de Tosic sur Da Rocha. Rossi expédia le ballon dans le paquet, un défenseur sochalien et Cetto sautèrent pour se disputer le ballon qu'ils expédièrent sur la tête de Guillon, dont la déviation parvint à Diallo. Frappe croisée du droit et but. Nantes menait 1-0.
Double erreur de Cetto
C'était mérité, on l'a dit. L'ennui est que cette prise d'avantage ne conforta pas les Canaris dans leurs bonnes dispositions, au contraire. Peu à peu, ils abandonnèrent le fil de la partie aux Francs-Comtois, se contentant de mener des contres. Rossi et Bamogo qui avaient beaucoup permuté étaient devenus moins mobiles, sans doute parce qu'ils voyaient moins le ballon, sinon dans des situations de contre. Bamogo n'exploita pas celle qui lui échut à la 23è minute (tir trop mou et de trop loin pour inquiéter Richert), Rossi loupa sa reprise à la suite d'un ballon récupéré par Diallo sur une relance de Richert (25è), lequel n'aime pas trop jouer au pied.
Mais Dagano, de son côté, occasionnait des maux de tête à Mauro Cetto et l'Argentin finit par céder. Il renvoya mal un premier ballon puis commit une faute dans la foulée (33è). Sur le bord de la touche, Serge Le Dizet protestait auprès de l'assistant car il estimait qu'au départ la touche accordée à Sochaux aurait du être donnée à Toulalan. Ilan, lui, ne prêtait qu'une oreille lointaine à ces contestations, il avait posé son ballon à l'endroit où Cetto s'était laissé emporter, à 20 mètres de la cage, et il enroula une frappe qui contourna le mur sur sa gauche. Le ballon rebondit sur la pelouse et Landreau, qui s'était détendu un poil trop tard, ne put le repousser.
Partie de billard et arbitrage à plusieurs vitesses
Tout était à refaire. Et jusqu'à la pause, Nantes ne se trouva pas vraiment en situation d'y parvenir, en dépit d'un shoot lointain de Signorino, mis en corner par Richert (36è) et d'un raid de Bamogo sur la droite (43è). Les Canaris reprirent la seconde période avec de bonnes intentions. Seulement leurs actions étaient moins spontanées, moins bien synchronisées et les Sochaliens, toujours accrocheurs, se donnaient de l'air avec de plus en plus d'aisance. Il fallait s'en remettre à une longue ouverture de Guillon sur Rossi (57è) ou à une partie de billard devant le but de Richert pour espérer voir le match se décanter. Cette péripétie confuse s'acheva par un shoot de Bamogo sur un poteau. Le juge de touche leva toutefois son drapeau, en signalant que Bamogo avait frappé, après être revenu d'une position de hors-jeu. C'était exact. Sauf qu'au départ de l'action, Rossi avait récupéré le ballon en situation licite et qu'il avait ensuite transmis le ballon en retrait à Bamogo. Paris s'est vu attribué plusieurs buts de cette façon, notamment un contre Nantes. On ne prétend pas que Bruno Derrien et son juge de touche ont eu tort, on constate simplement que tout le monde n'arbitre pas de la même manière. Ou, si vous préférez, que toutes les équipes ne sont pas arbitrées de la même façon. Impression confortée par la mansuétude coupable dont deux heures plus tôt, dans un autre match, à Lens, Bruno Coué avait fait preuve en ne renvoyant pas au vestiaire Tiago, auteur d'une agression sur Assou-Ekotto. Mais Tiago, n'est-ce pas, est Lyonnais.
Altruisme de Bamogo
De toute façon, la décision de Derrien, l'arbitre qui, voyez-vous ça, avait oublié deux penaltys contre Lyon à Bordeaux, n'a eu aucune influence à Nantes puisque le ballon de Bamogo, on le répète, avait percuté un montant. Elle prête simplement à discussions. On en était alors à la 66è minute et Serge Le Dizet décida de faire entrer Capoue au détriment de Rossi. Ce changement provoqua d'ailleurs la réprobation d'une partie du public, peut-être parce que d'autres joueurs paraissaient marquer le pas au moins autant que l'Italo-argentin, Da Rocha par exemple…
Il reste qu'un match bascule parfois sur pas grand chose et la décision du coach nantais se révéla heureuse. Capoue tint en effet un rôle de choix dans le dénouement de la situation. La passe latérale de Genghini, alors que son équipe, exceptionnellement, se trouvait en position offensive, fut en revanche particulièrement malheureuse. Car Capoue l'intercepta. Il alerta Bamogo sur la droite et Habib, ayant contrôlé le ballon de la poitrine, fila vers le but. Pour une fois, il fit preuve d'un remarquable esprit collectif, en préférant servir Diallo sur sa gauche plutôt que de tenter sa chance. Cet altruisme s'avéra payant : le Malien, en pleine course, reprit adroitement du gauche et glissa le ballon au ras du poteau.
Décollage de la queue du classement
Les Sochaliens n'eurent pas le temps de se remettre de ce coup du sort. Deux minutes plus tard, Aurélien Capoue qui était resté le long de la touche après avoir adressé une première passe, décocha un centre aérien sur lequel Diallo se détendit et prit l'avantage sur Tosic. Le ballon ricocha sur un montant et rebondit dans les filets de Richert, scotché sur sa ligne.
3-1, c'était fini. Il n'y avait plus place que pour du bonheur, Diallo et Landreau pouvaient joueur aux avions et les autres venir planer avec eux. Da Rocha fut le seul Nantais à quitter le terrain en grimaçant, à la 87è minute, car il était légèrement blessé. Nantes n'atteint certes pas encore le ciel, il faudra d'autres buts et d'autres victoires, il a néanmoins décollé de la queue du tableau et c'est déjà bien.
B.V. le 5 février 2006.