Eo n'est vraiment pas un charlatan
Aux yeux de l'histoire, ce succès restera bien sûr comme celui de Georges Eo. On avait donc bien fait d'écrire qu'il n'est pas un charlatan, qu'il symbolise au contraire la plupart des valeurs qui ont assuré la force du club et que quelques médias auraient mieux fait d'y réfléchir à deux fois avant de considérer sa nomination avec condescendance. Les mêmes auraient sans doute applaudi des deux mains si on leur avait offert un Coach Vahid ou un Capello. On va cependant se garder de crier au génie, nous n'avons pas l'habitude de juger un homme ou un joueur sur un seul match, encore moins sur un seul résultat, Georges Eo nous a simplement conforté dans le fait que nous ne voyons sincèrement pas pourquoi il ne serait pas l'homme de la situation. On apprécia, d'autre part, son louable souci de ne pas ramener exagérément la couverture à lui, comme tant d'autres l'auraient fait à sa place, de ne pas crier au messie et de parler des joueurs, de leurs mérites et même de son prédécesseur. « Cette victoire, nous la dédions à Serge, » s'exclama-t-il, en guise de premier commentaire.
Briant n'est surtout pas trop jeune
Ce match restera également mémorable parce qu'il s'est agi de la première de Vincent Briant. Georges Eo avait en effet pris l'option que Serge Le Dizet n'avait pas osée tenter face à Toulouse. Peut-être parce qu'il se sent davantage libre par rapport aux recrues et qu'il a l'esprit plus joueur. L'évidence pourtant était là : Nantes ne pouvait pas continuer avec Stojkovic, du moins celui que l'on voit depuis le début de la saison et qui faisait peur à tout le monde, sauf aux adversaires. Briant n'a pas eu un travail écrasant à faire, il a encaissé un but, mais ses interventions plutôt propres ont rassuré ses partenaires. Il a boxé les ballons comme il fallait, bloqué un shoot de Niang à ras de terre au début de la seconde période, et même si on ignore quel sera son destin, on ne considère surtout pas sa jeunesse comme un handicap. Comme il le dit si bien, « pour un gardien, ce n'est pas l'âge qui compte, c'est son mental. » Les trois gardiens emblématiques de la cage des Canaris, Daniel Eon, Jean-Paul Bertrand-Demanes et Mickaël Landreau étaient titulaires depuis déjà de nombreux matches lorsqu'ils célébrèrent leur vingtième anniversaire. Briant a fêté le sien le 9 mars dernier et son heure, si elle doit continuer à sonner, n'arrive pas trop tôt.
Un bloc collectif
Plusieurs autres joueurs méritent la citation. Guillaume Norbert, dans un rôle de milieu dévoreur et surtout boucleur d'espaces (« celui qui me convient le mieux précise-t-il, c'est à Lorient qu'on m'avait placé arrière »), a été décisif, Julio Rossi a disputé son meilleur match depuis qu'il est à Nantes, Alioum Saïdou n'a pas, cette fois, couru dans le vide, Dimitri Payet a confirmé tout le bien que l'on pense de lui. Toutefois, on préfère presque souligner le côté collectif de cette victoire, acquise avec seulement deux des « fantastiques » recrues de l'été : Saidou, très satisfaisant on l'a dit, et Cubilier, qui fut au contraire souvent à la peine. Nantes a évolué en bloc, parvenant même à faire joujou avec le ballon en fin de rencontre, pour mieux tuer dans l'œuf les tentatives de rébellion marseillaises. C'était autrement plus efficace, et plus décourageant pour l'équipe d'en face, privée de munitions, que de longs renvois à l'emporte-pièce, n'importe où, n'importe comment. Il est vrai qu'il est plus facile de trouver des partenaires lorsqu'ils sont deux à bouger à cinq mètres que lorsque le seul disponible se situe à vingt. Le football est un jeu simple. Et collectif.
Le meilleur match de la saison
En fait, si on excepte la fin de la rencontre où, en infériorité numérique, ils durent souquer ferme face à l'ultime pression marseillaise, les Canaris ne se trouvèrent en difficultés que durant les premiers instants de la partie. Car l'OM démarra fort et ils étaient visiblement crispés. Le tournant, ce fut peut-être une longue passe de Signorino sur laquelle Rossi plaça une superbe tête qui loba Carasso. Le poteau renvoya le ballon. Rossi le reprit, de nouveau de la tête, et Carasso était encore battu. Mais cette fois, c'est Taiwo qui, dégageant sur sa ligne, sauva Marseille. On jouait la 8è minute et, juste après, Rossi tenta de nouveau sa chance, du pied, face à Carasso. Le gardien phocéen s'interposa.
Mais les Nantais, comme s'ils venaient de se prouver que l'OM ne se situait pas hors de leur portée, parurent décomplexés par ces trois occasions. Ils se mirent à aller de l'avant, en bloc, à bien jouer, à se faire des passes, en triangle, à s'évertuer à ne pas gaspiller les ballons. On n'avait pas assisté à un match de ce niveau depuis longtemps, pas cette saison en tout cas.
Payet brille et marque
Rossi, décidément intenable, participait à la majeure partie des bons coups et c'est encore lui qui alluma le feu sur la droite de la défense phocéenne à la 21è minute. Son centre pour Norbert fut trop long, Cubilier parvint toutefois à adresser un centre sur lequel Diallo tenta une aile de pigeon. Au-dessus. Le Malien se sentait également en verve et quand Payet lui adressa une ouverture sur la droite, il n'hésita pas à s'engouffrer dans l'ouverture et à centrer sur Rossi. Ce dernier laissa filer, Payet qui avait suivi l'action qu'il venait d'amorcer, était derrière lui, il reprit et plaça le ballon hors de portée de Carasso. Déjà buteur contre Lille, le jeune Dimitri possède décidément la clef pour ouvrir la serrure des forteresses réputées hermétiques (c'était seulement la troisième fois que les filets marseillais tremblaient depuis le début du championnat et la première fois dans le jeu).
Norbert récompensé
Nantes était donc payé de ses bonnes intentions et cet avantage de 1-0 paraissait on ne peut plus logique à la pause. Un but de plus aurait même été mérité puisque les Phocéens, de leur côté, ne s'étaient créés qu'une seule occasion, lorsque Niang avait débordé sur la gauche. Son centre avait été mal négocié par Nasri mais Ribéry avait donné en retrait à Pagis dont la reprise avait été repoussée par Cetto, de la tête, juste devant Briant (22è). Niang avait encore mystifié Cubilier juste avant la pause et s'était ouvert la trajectoire du but, heureusement il avait placé le ballon largement à côté de la cible.
Le début du second acte fut tonitruant. Dimitri Payet avait amorcé et marqué le premier but, il glissa le ballon à Mamadou Diallo pour le second. On crut que le Malien allait faire mouche, il expédia le ballon sur un montant. On n'eut heureusement pas le temps de se désoler que Guillaume Norbert surgissait et trompait de nouveau Carasso. « Je me suis dit : fais attention à ce que ton ballon ne s'envole pas, applique-toi, » raconte-t-il.
Cetto encore expulsé
Nantes était aux anges et Georges Eo, les bras croisés, faussement calme, bouillonnant à l'intérieur, piétinait devant son banc, dans la surface qui lui est imparti. Il lui aurait fallu un troisième but. Il faillit arriver lorsque Dimitrijevic, qui venait de succéder à Norbert, exténué, lança adroitement Payet en contre-attaque. Nantes n'obtint qu'un corner (64è) et au lieu de la libération attendue on sut quelques secondes plus tard qu'on s'orientait vers un final angoissant. L'incorrigible Mauro Cetto, qui avait déjà écopé en première période d'un carton jaune pour une intervention grossière et stupide, ne trouva rien de mieux à faire que de traiter Carasso de « fils de pute ». Tony Chapron n'hésita pas : il dégaina le carton rouge. Bien sûr, on peut estimer cette sanction excessive d'autant qu'il n'avait pas bronché précédemment sur une deuxième faute de M'Bami (qui lui aussi était averti et qu'Emon préféra rappeler sur le banc, juste après), il n'en reste pas moins que l'Argentin est assez impardonnable, compte tenu de son lourd « casier judiciaire. » S'il ne peut se passer de commettre des exactions, il faudra que l'équipe apprenne à se passer de lui.
Olé, Olé, criait le public
C'est Diallo qui fit les frais de sa bêtise puisque Georges Eo lança El Mourabet au centre de la défense et invita le Malien à quitter le terrain. Il restait 25 minutes et on sut qu'elles s'écouleraient lentement. Elles devinrent encore plus longues lorsque Niang, d'un shoot de 20 mètres, eut ramené l'OM à 2-1. Da Rocha venait de relayer Payet et Nantes courba l'échine. Mais il le fit de façon subtile, en demeurant groupé, en se passant et repassant le ballon, amenant même le public à encourager ces échanges par de vibrants « olé ». A 10 contre 11, c'était fort. Et cela dénotait aussi une confiance retrouvée.
Nasri en expédiant un boulet à côté (89è), Taiwo en obtenant un corner sur un coup franc (92è) provoquèrent les dernières angoisses que Chapron accentua en accordant cinq minutes d'arrêts de jeu alors qu'il en avait annoncés quatre. Cet arbitre semble être partisan des coups de sifflet à plusieurs vitesses, à moins qu'il apprécie davantage Marseille (simple carton jaune à Bamogo pour une grosse faute sur Signorino) que Nantes et Paris, qu'il avait sanctionné de deux penaltys à Sochaux alors que, cette fois, il resta impassible sur les tirages du maillot de Diallo par Civelli. Mais qu'importe : le match se termina dans une ambiance de fête, avec des Canaris joyeux et un public enchanté par le spectacle, le retour du vrai Nantes et la victoire.
B.V, le 25 septembre 2006.