Choc psychologique
Bon, on ne va pas crier au génie, « on est fier ce soir mais il faudra confirmer, » a sagement remarqué Fred Da Rocha. Mais en attendant la suite, et en sachant qu'elle ne sera pas forcément de cette veine, il est clair que ce succès est le bienvenu. Et qu'on n'éprouve surtout pas l'envie de bouder notre plaisir. « Cette équipe allait mieux depuis le match à Rennes, elle l'a confirmé, » a martelé Georges Eo à l'heure des analyses. C'est un avis que nous partageons assez et il aurait pu le dédier au journal qui la semaine dernière affirmait qu'il faudrait absolument provoquer un choc psychologique en cas de défaite à Toulouse. Eh bien, il l'a eu, notre quotidien de sport, ce choc psychologique ! Il n'est pourtant sans doute pas celui qu'il attendait, puisque c'est une victoire nantaise.

Que Roussillon laisse l'entraîneur travailler en paix
Et alors qu'il avait déjà avait sorti les planches et les clous pour assembler le cercueil du coach nantais et déplié le tapis rouge pour Laurent Blanc, il va bien lui falloir admettre que le moment serait particulièrement mal choisi de changer d'entraîneur pour la deuxième fois en trois mois. Rudi Roussillon a déjà beaucoup innové dans le paysage nantais, essentiellement en décisions calamiteuses, s'inscrivant ainsi de près dans la ligne de pensée de son sinistre prédécesseur, il reste qu'on n'imagine pas qu'il puisse maintenant, après un tel triomphe, s'offrir le luxe de verser de nouveau dans l'abracadabrant. Que le président du FCNA achète au moins un attaquant, qui marque des buts et qui vienne pour amener un véritable plus et non pas uniquement pour faire le nombre ou s'inscrire dans on ne sait quelle illogique commerciale, c'est tout ce qu'on lui demande. Remarquez, vu ce qu'il a fait depuis un an et demi, c'est déjà énorme. Seulement de grâce, qu'il laisse l'entraîneur travailler en paix et comprenne que le technique ne relève pas de son domaine, on ose dire de sa compétence.

Une entame très, très difficile
Mais revenons à Toulouse, à ces quatre jolis buts et à cette belle victoire qui a sonné comme une revanche, en couleurs, à la claque que l'équipe d'Elie Baup avait infligée à celle de Serge Le Dizet, le 19 septembre, en Coupe de la Ligue (2-0). Précisons tout de suite qu'avant de chanter victoire nous avons tout de même vécu des instants extrêmement difficiles. Les vingt premières minutes furent en effet délicates pour les Canaris, véritablement pris à la gorge par des Toulousains qui mordaient dans le match et dans les mollets de leurs adversaires. Dans l'engagement physique, Nantes, soumis à un gros pressing, était dépassé et moralement il paraissait au bord de la rupture. On peut même penser que l'histoire ne se serait pas rédigée de la même façon si Cetto n'avait surgi à point nommé pour couper la route de Mansaré (10è), si Bergougnoux avait mieux ajusté sa reprise de la tête et surtout si Dieuze, suite à un coup franc de Mathieu, n'avait pas trop croisé sa frappe à ras de terre (19è). Tout reposait alors sur la défense nantaise, Cetto et Pierre en particulier, et Da Rocha avait dû très vite abandonner son flanc droit, du moins sur le plan offensif, pour venir colmater les brèches. Frédéric était partout, au four et au moulin, et il soulageait la tâche de Saidou et Faé, positionnés l'un à côté de l'autre dans l'entre jeu.

Une fin de première période prometteuse
Et puis l'orage passa. Sans dommage. Da Rocha et Savinaud orchestrèrent les premières attaques qui annonçaient l'éclaircie et peu à peu Nantes équilibra les débats. Faé shoota au-dessus sur une passe en retrait de Savinaud, lequel rata à son tour le cadre sur un service d'Oliech (23è). Le Kenyan bougeait beaucoup, il harcelait, essayait de perforer, il péchait toutefois dans le domaine technique pour se montrer réellement dangereux. Nantes n'en termina pas moins la première période presque au sprint, à l'image de Saidou qui, de plus en plus entreprenant, obligea Arribagé à mettre en corner (39è) alors qu'Oliech se tenait à l'affût. Quelques secondes plus tard, Da Rocha hérita d'une nouvelle opportunité sur un centre de Savinaud, il botta au-dessus.

Toutes ces actions étaient prometteuses, même s'il manquait toujours un poil de précision ou un zeste de confiance pour les concrétiser. Les idées étaient bonnes et à la pause, tout en grelottant, on en était presque à se demander si Nantes n'allait pas regretter de n'avoir pas su se montrer plus efficace.

Toulouse commence à s'essouffler
On ne pouvait savoir que le meilleur était à venir. D'autant qu'il fallut de nouveau souffrir au. début du second acte. Pendant cinq bonnes minutes, les Canaris ne parvinrent guère à passer la ligne médiane et par deux fois Elmander eut l'occasion de conclure. Stojkovic stoppa la première tentative (47è), il vit avec soulagement la seconde s'égarer au-dessus de sa transversale (48è). Le gardien serbe ne commit aucune faute, il cueillit même quelques ballons chauds, il confirma ainsi son match face à Bordeaux, l'ennui est que la majorité de ses dégagements constitua autant de cadeaux pour les adversaires.

Nantes souffrait donc et c'est avec satisfaction qu'on aperçut Da Rocha glisser un ballon de contre à Oliech dont le tir inquiéta Douchez. C'était bien vu, bien essayé, c'était surtout le signe que Nantes retrouvait un peu d'oxygène. Alors que Toulouse, au contraire, commençait à s'essouffler.

La bombe de Julio Rossi
Une offensive menée conjointement par Da Rocha et Rossi et qui s'acheva par une reprise acrobatique de Faé (60è) confirma que les Canaris se portaient de mieux en mieux et qu'après avoir rivalisé ces trois dernières semaines face à des équipes mieux classées, qui ne leur avaient absolument rien appris sur le plan du jeu, ils étaient tout à fait capables de tenir tête à une formation de milieu de tableau évoluant sur son terrain.

C'était encourageant. En fait, c'était beaucoup mieux que cela. La partie bascula à la 62è minute lorsque Nantes bénéficia d'un coup franc, à 25 mètres, pour une faute de main. Julio Rossi et Loïc Guillon se mirent en position de tir. C'est l'Argentin qui frappa. Une pure merveille qui alla se loger en pleine lucarne, hors de portée de Douchez. Juninho n'aurait pas fait mieux. Rossi qui s'était montré très actif depuis mais n'avait pas toujours effectué les bons choix de jeu, alla célébrer sa réussite au pied du kop nantais. Le mélange de rage et de joie qui s'étaient peintes sur son visage témoignaient que s'il ne connaît pas toujours la réussite escomptée ce n'est assurément pas par manque de détermination.

Nantes sur un nuage
Il restait une demi-heure à jouer et elle fut nantaise. Une judicieuse passe de Guillon à Payet, le long de la ligne de touche, permit à ce dernier d'obtenir seulement un corner. Mais c'était encore adroitement joué et bientôt, sur un renversement de Payet de la droite vers la gauche, Oliech décocha un tir que Douchez, pressé par Rossi, ne put que renvoyer. Mauro Cetto surgit pour reprendre de la tête et signer le but du 2-0 (68è).

Juste après, Dimitrijevic entra en jeu à la place de Rossi, épuisé. L'ancien Briviste ne mit pas longtemps à se distinguer. Il chipa un ballon dans les pieds d'Emana et le glissa à Oliech dont la reprise croisée fit mouche (77è).

Les Canaris étaient sur un nuage, ils jouaient intelligemment, collectivement, à une touche de balle, à la nantaise. Les toulousains restaient scotchés sur le gazon, en plein brouillard, abasourdis, éreintés par les sifflets qui tombaient des tribunes. Le public du Stadium nous parut d'ailleurs bien cruel mais l'heure n'était évidemment pas à faire des sentiments, elle était à savourer son plaisir et à essayer de soigner sa différence de buts, on ne sait jamais, ça peut toujours servir quand on est embarqué dans une croisière de fin de queue de tableau.

Diallo parachève le récital
Alors le quatrième but fut superbe : sur une passe en profondeur de Payet, Mamadou Diallo, entré en jeu à la place d'Oliech, démarra à la fraction de seconde idéale, dans le dos de la défense toulousaine, et il alla se présenter seul face à Douchez. Il l'esquiva et, tranquillement, il glissa le ballon au fond des filets.

C'était presque incroyable. Si la situation au classement ne demeurait pas aussi préoccupante et si nous n'avions pas vécu depuis début août tant de moments sombres et enduré tant de turbulences, de boniments et d'actions allant à l'encontre de la philosophie de la maison jaune, nous dirions même que c'était magique.

Mauro Cetto était torse nu lorsqu'il sortit du terrain, Julio Rossi se tenait la tête entre les mains comme s'il avait du mal à réaliser son bonheur, Milos Dimitrijevic sautait de joie et tout autour d'eux il n'y avait qu'embrassades et sourires. Les Nantais venaient de remporter leur troisième victoire de la saison, la première à l'extérieur. Ils avaient, en une seule soirée, marqué le quart du total de buts qu'il ont inscrits en 19 rencontres. Ils se sont offerts un joyeux Noël, il faut déjà, maintenant, penser aux lendemains de cette belle fête.

B.V. le 24 décembre 2006