La victoire de la cohérence
On ne va certes pas prétendre que l'on est un grand admirateur de Nancy. Pas en tout cas de son football réaliste, physique, défensif, parfois à la limite de la régularité. Ni de son président geignard et braillard, toujours enclin à jeter de l'huile bouillante sur les arbitres. Mais il est des évidences qui font mal. Nancy aujourd'hui est un club qui se situe très au-dessus de Nantes, il respecte les fondamentaux du football, il s'inscrit dans une certaine tradition, il fait du sport et non de l'import export. Nancy était en Ligue 2 il y a peu et il s'y est reforgé une philosophie qui ressemble à de la sagesse et de la lucidité. Il a traversé, il y a un an, une première partie de saison dernière délicate, sans tout remettre en cause, sans s'affoler. Il a gagné ensuite, avec un peu de chance, la Coupe de la Ligue, il a éliminé Schalke 04 de la Coupe de l'UEFA, il est troisième du championnat. Nancy n'est pas dirigé par des clowns qui claironnent au début de la saison « on va finir 6è », il parle plutôt de maintien, c'est plus sage, et quand il achète un remplaçant de l'Ajax, ce qui peut arriver, il ne le présente pas comme l'héritier direct de Johan Cruyff.
Nancy possède ce que n'a pas une équipe comme Nantes, bâtie de bric et de broc, sans se soucier des vérités du terrain : la cohérence. Alors quand Nancy accueille Nantes et ses pseudo-vedettes, il gagne. Sans brio, sans faire impression, en étant même parfois dominé dans le jeu. Mais, si on y réfléchit bien, assez normalement.
Cloué à la dernière place
Il nous coûte bien sûr d'admettre de telles évidences et de constater où Nantes en est rendu. A la dernière place, M. Roussillon, à la dernière ! Oui Nantes l'hétérogène, Nantes le roi du recrutement raté, Nantes la terre bénie des imprésarios qui ont des seconds couteaux à placer (très cher), Nantes qui a acheté une équipe entière en un an, battant ainsi les records de gabegie et de bêtise, Nantes le roi du gaspillage et des idées courtes, Nantes reste dernier. Et plus que jamais, alors que se profile deux rendez-vous à haute tension, le premier contre Monaco, le second à Sedan, plus que jamais donc, il faut se convaincre que l'objectif à atteindre est le maintien. Et que deux revers lors de ces matches phares ne seraient certes pas irrémédiables (il restera 26 matches ensuite) mais auraient le don de compliquer singulièrement une situation déjà bien embrouillée.
Le public de Nancy a soutenu son équipe
Il serait bon que le public s'en persuade aussi et qu'il ne siffle pas ses joueurs à la moindre petite passe ratée, au moindre dribble voué à l'échec. Oliech a coûté beaucoup plus cher que Ouédec, Pécout et Gondet réunis, Gripond et Roussillon se sont même félicités de l'avoir acheté grâce aux « bonnes » relations de M. Serge, mais il est définitivement plus maladroit que ses illustres devanciers. Alors, ça ne sert à rien de le conspuer, sinon à le déstabiliser encore plus. Samedi soir, alors que Nancy souffrait pour conserver son avantage, qu'il subissait et qu'il gaspillait tous ses ballons de contre (merci Emerse Faé), le public lorrain l'encourageait et scandait « Nan-cy ! Nan-cy ! » On s'est surpris à penser que, placés dans de telles circonstances, voyant leur équipe réduite à défendre bec et ongles un maigre butin contre la lanterne rouge, les spectateurs de la Beaujoire, eux, auraient maugréé, critiqué, sifflé. Et que désarçonnés, les Canaris n'auraient pas forcément résisté. Nantes est une équipe de bas de tableau, il va bien falloir que le public aussi s'y résolve. S'il doit y avoir du mécontentement dans l'air, et il est tout à fait légitime vue la politique abracadabrante qui est de mise, mais ce n'est pas d'abord les joueurs et leur staff qu'il faut viser. C'est bel et bien l'incompétence crasse des dirigeants.
Dommage qu'Oliech n'ait pas marqué
On a parlé de la maladresse d'Oliech et il ne s'agit bien sûr pas d'un hasard. Le Kenyan a manqué à la 23è minute un ballon qui pesa lourd. Servi de la gauche par Signorino, il était seul face à Sorin. Il rata l'aubaine. On sait bien qu'il n'existe pas de but « immanquable », on a bien vu que Sorin était sorti avec à propos et que la passe était un poil trop en retrait. Mais tout de même ! En National, il y a des avants-centres qui marquent des buts plus compliqués. Ce fut d'autant plus dommageable qu'à cet instant le match était en train de changer de cours. Après un bon début, qui faillit leur permettre d'ouvrir le score dès la 4è minute (reprise de la tête par Curbelo d'un centre de Kim), les Lorrains commençaient à baisser de pied au fur et à mesure que Nantes faisait courir le ballon. Emerse Fae, et dans une mesure moindre Saidou, donnaient le ton dans l'entre jeu et, à défaut de se créer de véritables occasions, les Canaris soutenaient la comparaison. La charnière centrale Cetto – Pierre, ce dernier sorti par Georges Eo des oubliettes, ne s'illustrait guère dans la relance mais elle ne se faisait pas prendre en défaut et seul Norbert souffrait vraiment, sur la droite, face à Kim. Il avait d'ailleurs écopé d'un avertissement à la 18è minute et plusieurs fois, par la suite, il sembla frôler le carton rouge. Un but aurait donc véritablement installé Nantes dans le match.
Raté aussi de Wilhelmsson
Deux minutes après sa bévue, Oliech, servi cette fois de la droite par Faé, hérita d'une nouvelle occasion. Il botta au-dessus. En l'occurrence, il aurait mieux fait de laisser le ballon parvenir à Payet qui était mieux placé que lui.
Wilhelmsson, revenu en grâce et titularisé d'entrée, faisait pour sa part du Wilhelmsson, comprenez davantage de numéros en solo que d'actions collectives. Au cirque, il ferait fureur. Sur un terrain de foot, il a un peu plus de mal. Le Suédois de charme avait gâché un bon ballon de contre à la 20è minute, en centrant pile poil sur un adversaire, il ne se montra guère plus heureux quand, à la 33è minute, il put récupérer une passe de Payet que Diakhaté n'avait pas hésiter à sécher brutalement, premier carton jaune en prime. Le tir trop mou de l'ancien Anderlechtois constitua un cadeau pour Sorin.
Signorino boite, Chrétien marque
Nantes, quand on y regarde bien, avait donc terminé le premier acte mieux que Nancy. Avec un peu de réussite (ou d'adresse) il aurait même pu prendre l'avantage. Mais la chance fuit cruellement cette équipe, peut-être parce qu'elle doute trop, on s'en aperçut une fois de plus quand elle encaissa, neuf minutes après la reprise le but qui scella sa sixième défaite de la saison (en championnat). Franck Signorino, blessé, avait demandé à sortir et Guillon achevait son échauffement-express. Mais le jeu continuait et, pas fous, les Nancéiens attaquaient sur le flanc gauche de la défense nantaise. Kim s'infiltra, donna à Duchemin qui mit sur orbite Mickaël Chrétien, monté de l'arrière. Signorino boitait, Payet n'avait pas réagi et le latéral droit lorrain déclenchait un shoot croisé sur lequel Briant se détendait en vain. Il lui manquait quelques centimètres et le ballon se fichait dans les filets.
Manque de lucidité, de clairvoyance, de punch
Pour le FC Nantes la situation s'était brusquement compliquée tant il éprouve de difficultés à se créer des occasions nettes de but. Et encore plus à les exploiter. Les Canaris trouvaient en outre face à eux des joueurs énergiques, accrocheurs, portés par un véritable esprit de corps, luttant sur tous les ballons. Leur pression était réelle mais elle manquait de lucidité, de clairvoyance, de punch et elle était émaillée par de trop nombreux mauvais choix, notamment ceux de Wilhelmsson. Les Nantais obtenaient des coups francs, ils les tiraient mal, même si, sur l'un d'eux, une reprise de la tête de Guillon provoquait un début de panique devant la cage de Sorin. Aucun Canari ne se présentait pour achever le travail en poussant le ballon au fond des filets.
A un quart d'heure de la fin, Diakhaté commit une nouvelle grosse faute sur Payet et écopa de son deuxième carton jaune. La décision était justifiée, ce qui n'empêcha pas ensuite Jacques Rousselot, président de Nancy, de s'insurger et de parler d'injustice et d'arbitrage à la con. Il a bien dit con !
Signorino pleurait
Nantes avait alors toutes les cartes entre les pieds. Il ne sut pas les abattre. Il domina mais tourna en rond. Il ne perfora pas une défense lorraine que Pablo Corréa n'avait pas hésité à renforcer en faisant entrer le solide arrière Lécluse à la place de l'attaquant Curbelo. Côté nantais, Da Rocha avait en revanche succédé à Norbert. Les Canaris voletaient autour de la cage lorraine, ils ne parvenaient pas à donner le coup de bec susceptible de trouer les mailles du filet tendu devant eux. C'était encourageant, mais improductif, souvent parce que les choix n'étaient pas judicieux. Et le temps s'écoulait vite, trop vite…A deux minutes de la fin, Wilhelmsson donna un bon ballon à Oliech. Le Kenyan tira, Lécluse contra et Emerse Faé bondit sur l'occasion d'égaliser. Son shoot passa au dessus, et avec lui ce sont les dernières chances nantaises qui s'envolèrent.
De rage, de peine, d'impuissance aussi, Franck Signorino pleurait. Nantes demeure au fond du trou, il va falloir se serrer les coudes pour s'en sortir.
B.V, le 23 octobre 2006.