A deux centimètres du cauchemar
Les arrêts de jeu, trois minutes seulement, étaient largement entamés. Alors Barthez ne perdit pas de temps. Il poursuivit le ballon qui filait en touche, sur la droite de son but, et il le remit lui-même en jeu, grappillant ainsi quelques précieuses secondes. « Fabulous Fab » a gardé son esprit intrépide, il n'a pas peur, il inspire confiance. Il avait eu aussi, sept minutes plus tôt, un joli brin de chance quand Matt Moussilou s'était présenté seul devant lui. Il avait bien joué le coup, était resté longtemps sur ses appuis et il avait tendu le pied à la dernière fraction de seconde. Un poil trop tard pourtant, ou deux centimètres trop court. Le ballon était passé. Mais, ouf, il avait ricoché sur le montant. Les Canaris venaient d'échapper au cauchemar.
Et c'était sans doute maintenant la dernière attaque de Nantes que son gardien avait amorcée. Et c'est un final de rêve qui l'attendait, c'est la lune que Luigi Pieroni allait décrocher. Un Pieroni qui jusqu'alors avait certes frappé plusieurs ballons de la tête mais n'était jamais parvenu à les cadrer. A tel point qu'on en était presque à se demander si un remplaçant à Auxerre peut devenir un titulaire indiscutable à Nantes.
Un final de rêve
Dennis Oliech n'a pas à se poser ce genre de questions, il lui est déjà assez difficile de se faire une place, alors qu'il y a tout juste un an son président, qui l'avait recruté sans savoir qu'il était blessé, le considérait comme la huitième merveille du monde du football. Le Kenyan s'enfonça sur l'aile droite et décocha un centre sur lequel Pieroni et Abardonado se précipitèrent. Le Niçois, comme pas mal de ses coéquipiers, était à bout de forces, épuisé par la pression que les Canaris imposaient depuis une vingtaine de minutes, à la limite de la rupture. Le néo-Nantais bondit plus haut que lui. Sa reprise du crâne eut raison de la vigilance de Lloris.
Nantes avait gagné. Au bout du bout du match comme une semaine plus tôt face à Guingamp. Et tandis que les Canaris, Barthez en tête, tombaient dans les bras les uns des autres les micros du stade annonçaient des nouvelles qui étaient toutes synonymes de plaisir. Paris avait perdu à domicile. Troyes s'était incliné au Mans. Sedan, après avoir mené 2-0, avait concédé le nul, chez lui. La zone de relégation s'éloignait, oui c'était vraiment une soirée de bonheur.
Pas encore sauvé
Allons, on ne va pas verser dans un optimisme béat, le précipice n'est qu'à trois points et ce succès a été suffisamment long à venir pour nous inciter à la prudence. Nantes n'est pas encore sauvé, nous nous sentons d'autant mieux à l'aise pour l'écrire que nous n'avions pas, à l'époque, considéré les deux échecs endurés à domicile face à au Mans et Bordeaux comme rédhibitoires. On ne fait pas les comptes en décembre, pas plus qu'en janvier, et on avait même noté alors des signes encourageants dans le jeu. Nous n'en étions pas, comme les médias conformistes, à demander un changement d'entraîneur.
En fait, le match de samedi s'est inscrit dans leur prolongement. Le FC Nantes a confirmé qu'il est devenu plus solide, plus compact, il s'est évertué à produire du jeu mais il a accusé trop de déchets techniques, accumulé trop d'approximations, en première période notamment, pour concrétiser sa domination.
D'ailleurs, sa supériorité dans le jeu ne devint manifeste qu'en fin de rencontre. Le début avait été, à l'inverse, plutôt à l'avantage des Azuréens. Avec d'entrée un centre de Vahirua que Mauro Cetto, de la tête, avait prolongé dans les pieds de Koné. Ce dernier rata la cible et ce fut un premier soulagement.
Barthez est rassurant
Par rapport à il y a quelques semaines, Nantes a cependant trouvé un gardien, ça c'est clair. Fabien Barthez a contribué au fait que la cage nantaise reste inviolée depuis cinq rencontres, il a effectué une intervention décisive, sur un missile de Rool, en fin de rencontre et surtout il dégage une autorité et une assurance qui déteignent avec bonheur sur ses partenaires. Il n'y a plus danger désormais sur chaque coup de pied arrêté concédé par les Canaris et quand par exemple, dès la 6è minute, Kanté vint essayer de placer son crâne sur un corner rentrant de Rool, il trouva les poings de Fabulous pour lui répondre et éloigner le péril. Un bon gardien est une priorité, surtout pour une équipe menacée et peu sûre d'elle, on a dû le dire une bonne dizaine de fois depuis le début de la saison, on ne va pas changer d'avis aujourd'hui, alors que Nantes semble enfin avoir trouvé son bonheur. Vladimir Stojkovic n'était pas l'homme de la situation, il a traîné son match catastrophique de Lorient et son introversion comme des boulets, Vincent Briant, lui, n'a pas su complètement saisir sa chance, peut-être repassera-t-elle un jour. En attendant, Barthez joue sur du velours et le moins qu'on puisse dire est qu'il s'y prend plutôt bien.
Première période quelconque
Le champion du monde 1998 ne fut cependant pas débordé par le nombre d'interventions à effectuer durant la première période. Car si Nantes était timoré, Nice ne se montrait guère hardi, si bien que le spectacle était assez quelconque, éclairé seulement par les éclairs déclenchés par Dimitri Payet. La défense nantaise se montrait solide et Signorino avait retrouvé ses jambes de la saison passée. Savinaud, pour sa part, quitta le terrain à la 38è minute, souffrant d'une cuisse. Il avait eu précédemment le temps de dégager un ballon chaud expédié devant le but de Barthez par Ederson (26è). Il laissa sa place à Guillaume Norbert. L'assise défensive était donc bonne, l'entente entre Pieroni, positionné seul en pointe, et ses nouveaux partenaires était moins évidente puisque l'ex-Auxerrois était rarement servi dans de bonnes conditions et quand il décocha le premier tir de sa carrière nantaise, à la 40è minute, il avait peu de chance de faire mouche tant il était loin de Lloris. Le gardien niçois ramassa sans problème le projectile expédié à ras de terre.
Payet encore en vue
Julio Rossi avait eu la bonne idée de sauver un ballon brûlant face à Koné en fin de première période, il se montra moins heureux au début du second acte. Il avait certes, comme souvent, beaucoup bougé et couvert énormément de terrain, il n'empêche qu'il commit alors des ratés suffisamment embêtants pour que son remplacement par Boukhari ne puisse être considéré comme illogique. Au même moment (59è minute), Marama Vahirua, côté niçois, céda sa place à Balmont. Les Nantais empoignèrent alors résolument les rênes de la partie, à l'image d'Emerse Faé qui montait en régime et effectua quelques percées des plus décidées. Au terme de l'une d'elles, il transmit à Payet dont le tir du gauche amena Lloris à intervenir avec brio (66è). Peu après, Pieroni effectua une reprise de la tête qui passa au-dessus. Sur le coup, il avait d'ailleurs été quelque peu poussé (70è).
Boulet de Boukhari légèrement à l'extérieur du cadre (76è), nouvelle tête de Pieroni (78è), tir de Payet (79è) : Nantes paraissait de plus en plus en mesure de pousser les portes de la victoire alors qu'Oliech avait succédé à Da Rocha sur la droite (76è) tandis qu'Antonetti avait consolidé ses bases en remplaçant Echouafni par Fanni (80è) et donné des centimètres à son attaque en lançant Moussilou à la pace de Koné (83è).
Coup de tête
Les Jaunes pourtant n'était pas à l'abri d'un mauvais coup. D'une reprise de volée fulgurante de Rool par exemple. Fabien Barthez sauva la mise de ses partenaires (81è). Ou encore d'une action personnelle de Moussilou qui s'acheva, on l'a dit, sur un montant. On avait atteint la 85è minute et on commençait à se résigner à un 0-0 qui n'aurait rien eu de glorieux mais aurait permis de limiter la casse en laissant Nice derrière au classement.
Mais les Canaris, en ce début d'année, ont appris à lutter jusqu'au bout, « à ne rien lâcher » comme dit l'une des formules passe-partout à la mode, et les arrêts de jeu leur sourirent pour la seconde fois en huit jours. Pieroni, sur un coup de tête, montra qu'il a du caractère et de la suite dans les idées. Il expédia le ballon dans les filets et permit à Nantes de remporter son premier succès à domicile en championnat depuis le 28 octobre. La Beaujoire exulta, le soulagement se mêlant à la joie.
B.V, le 15 janvier 2007.