« Nous en sommes pas des magiciens »
Or, l'évidence est là, qui les accable, à l'issue d'un match où ils n'ont pas seulement flirté avec les rives insipides du long fleuve de l'ennui. Souvent, ils ont franchement basculé dans ses eaux troubles et ils faillirent bel et bien s'y noyer tout au long d'une seconde période où ils ne maîtrisaient plus rien. Surtout pas leur football. Ils possèdent sans doute des circonstances atténuantes, on veut en tout cas l'espérer. Serge Le Dizet s'est efforcé de les déceler dans le fait que l'entraînement de la semaine écoulée a été perturbée par l'absence de plusieurs internationaux, lesquels sont de surcroît revenus fatigués. « On a manqué de fraîcheur, » a-t-il regretté. Emerse Faé, l'un des joueurs qui avaient été sur le pont mercredi soir (avec la Côte d'Ivoire contre le Sénégal, à Tours), fut pourtant l'un des plus en vue de l'équipe. Il estime pour sa part : « il faut nous laisser du temps, il y a eu beaucoup de changements à l'intersaison et nous ne sommes pas des magiciens : nous ne pouvons pas trouver la cohésion tout de suite, en une poignée de matches. »
Rechercher d'abord la qualité du jeu
Du temps ! On veut bien croire et comprendre que les Canaris en aient besoin. Mais pour le mettre à profit, il faudrait qu'ils jouent d'une manière qui laisse penser qu'ils vont s'améliorer. Qu'ils recherchent la qualité de jeu, si chère à ceux qui ont bâti ce club et seule garante d'un avenir serein, et non pas un résultat immédiat obtenu n'importe comment, sans ligne ni idée directrices.
Or, ce n'est pas du tout ce qu'ils ont fait face aux Troyens. Ayant eu la chance d'ouvrir le score dès le début, ils se sont ensuite comportés comme une équipe évoluant à l'extérieur. Avec un seul attaquant, Diallo puis Oliech, opérant en kamikaze et cherchant à prendre les Aubois de vitesse à la faveur de services hasardeux. Procéder ainsi, face à Troyes qui n'est tout de même pas un foudre de guerre, alors qu'on joue à domicile et qu'on possède un but d'avance, est désespérant quand on s'appelle Nantes. « On a laissé les Troyens prendre confiance, » a reconnu Serge Le Dizet. Le regretter est une chose, y remédier en sera une autre, beaucoup plus essentielle et qui déterminera la suite de la saison.
Indigne du jeu à la Nantaise
Nantes a intérêt à jouer différemment, de façon plus construite, plus offensive, plus intelligente. Plus « nantaise » pour dire le mot, même si depuis le départ de Raynald Denoueix on semble oublier à la Beaujoire et à la Jonelière ce que cette appellation signifie. Les Canaris auraient été entraînés par un charlatan genre Halilhodzic, Blazevic ou Marcos (on a déjà donné), ils n'auraient pas présenté un autre spectacle. On attend un football plus séduisant et plus conquérant de la part de Le Dizet qui, forcément, a entendu les cris hostiles le concernant qu'une partie des spectateurs a fini par mêler au concert discordant des sifflets. «C'est normal que le public soit mécontent, il souhaite autre chose de nous, » a-t-il admis sans peine. Il reste à le lui offrir !
Tout pourtant avait bien débuté
Tout pourtant avait bien commencé, on l'a dit. Dès la 4è minute, une faute de Lachuer sur Capoue valut un coup franc que Boukhari se chargea de botter. Le danger n'était pas évident, tant le coup de pied était excentré sur la gauche et la distance avec le but de Le Crom importante. Pourtant, gêné par Mauro Cetto, Kouassi réussit à dévier le ballon si malencontreusement qu'il ricocha au fond de ses propres filets. C'était le troisième but nantais de la saison. Et le troisième suite à un coup de pied arrêté. On ne va évidemment pas s'en plaindre. L'ennuyeux toutefois est qu'on guette toujours en vain le premier but qui arrivera au terme d'une action de jeu construite. Et que les Canaris ont été incapables d'échafauder une seule attaque de ce genre face aux Troyens. Alors qu'on le répète ils s'étaient d'emblée placés dans une situation on ne peut plus favorable. Eh quoi : le doute, ce fameux doute dont les footballeurs, au moral si friable et au compte en banque si gonflé, nous rebattent sans cesse les oreilles n'aurait-il pas dû abattre les Aubois ? Eux qui sont si faibles, du moins sur le papier, qui recrutent des joueurs dont les autres ne veulent plus et non pas des stars exotiques, qui n'affichent qu'un budget riquiqui et qui ont simplement le maintien pour ambition clairement affichée !
Diallo trop seul
Or, c'est l'inverse qui se produisit. C'est Nantes qui au bout d'une dizaine de minutes à peine se mit à jouer petit bras, comme si vivre sur son avance d'un but lui suffisait. Diallo tenait à lui seul les avant-postes, Capoue se complaisait dans les brouillons, Boukhari manquait de clairvoyance et se tenait trop loin de Diallo, Wilhelmsson montrait qu'il a du football mais pas forcément beaucoup de percussion. Nantes misait sur quoi ? Sur une contre attaque ? Qu'est-ce que c'était que ce jeu râpetout, calculateur, attentiste ?
Troyes profita des lacunes nantaises pour mettre le nez à la fenêtre. Jaziri échappa ainsi à Mauro Cetto et s'en fut contraindre Stojkovic à une sortie qui avait valeur d'avertissement sans frais (16è). Puis Lachuer contraignit le gardien canari à une intervention difficile (19è). L'aisance que les Troyens s'octroyaient petit à petit était d'autant plus incompréhensible qu'on avait l'impression qu'il suffisait de presque rien pour les culbuter. Simplement d'un peu d'audace, d'un zeste de pressing haut, d'une action imprévue. Mais c'était là, hélas, trop en demander aux Canaris. Guillon essaya de secouer la léthargie ambiante en s'offrant une montée à la 25è minute. Il n'en fallait guère plus pour créer une brèche, preuve des limites troyennes. Mais Wilhelmsson, servi par le capitaine nantais, ne sut pas poursuivre l'action et il n'obtint qu'un corner. Une esquisse d'attaque Signorino-Faé-Capoue n'apporta pas davantage et il fallut un exploit individuel de Mamadou Diallo pour amener un poil de danger aux abords de la cage de Le Crom. Parti de loin et suivi par aucun coéquipier, le Malien parvint à semer les défenseurs troyens, le ballon lui revint après une partie de billard avec Faye et il tira au-dessus.
Egalisation nébuleuse mais méritée
On approchait alors de la pause (42è) et Diallo venait de signer sa dernière action notable. En effet, il ne revint pas sur le terrain à la reprise, laissant sa place à Dennis Oliech. Il était peut-être fatigué, il ressentait aussi une douleur à un mollet, toujours est-il que Nantes venait en quelque sorte de remplacer un attaquant par un contre-attaquant type. Un dévoreur d'espaces. C'était une manière d'annoncer la couleur et celle-ci vira sombrement au gris au fur et à mesure que le match s'avançait. Car c'était Troyes qui élaborait le moins mauvais du spectacle et c'était Gigliotti, disputant son premier match sous ses nouvelles couleurs, qui alertait Stojkovic (51è, arrêt en deux temps du gardien serbe). Serge Le Dizet préféra alors remplacer Boukhari par Bocundji Ca, comme s'il tenait à resserrer un peu plus les boulons. Pourtant, dès qu'ils étaient pressés un minimum les Troyens perdaient le ballon ou ne savaient plus trop comment l'utiliser. Mais ce pressing ne se déclencha qu'en deux ou trois occasions, c'était vraiment trop peu, et après que Wilhelmsson ait offert une belle passe à Oliech (shoot du gauche à côté du Kenyan), l'égalisation qui flottait dans l'air depuis plusieurs minutes finit par se produire. Elle fut à l'image du match : nébuleuse. Sur un ballon de Nivet, Loïc Guillon, embêté par Jeziri, chercha à dégager. Mais Stojkovic était sorti, ils ne s'étaient pas parlés et le ballon, ayant heurté la barre, prit le chemin des filets sans que Cetto ou Signorino ne parviennent à le dégager (64è).
L'occasion de Faé
Force est d'admettre que les Troyens avaient mérité ce but. Il restait du temps aux Nantais pour tenter de reprendre l'avantage, fut-ce sans Signorino qui, logiquement au bout du rouleau, céda sa place à Soilyho Meté à la 68è minute. Ce dernier effectua ainsi ses débuts en L1, au poste d'arrière droit, son entrée en jeu provoquant le passage de Savinaud sur le flanc gauche. Or, en près d'une demi-heure, les Canaris ne réussirent pas à renverser la tendance et donc à échapper aux critiques. Wilhelmsson s'affirma le plus entreprenant mais ses derniers choix ne furent pas judicieux et si Faé, à l'entame des arrêts de jeu, hérita d'une superbe situation, il ne parvint pas à esquiver le retour à la desperados du dernier défenseur troyen qui, tel un chien affamé sur un os, se jeta vers le ballon pour renvoyer le tir. Encore convient-il d'indiquer qu'Emerse, sur ce coup là, avait bénéficié d'une bévue de Le Crom qui avait mal apprécié la trajectoire du ballon. On fournit cette précision pour souligner que l'opportunité était essentiellement due à la chance et non à l'imagination. On en resta donc là, à ce 1-1 sans relief, triste et décevant. La conclusion aurait cependant pu être encore plus embêtante si à la 86è minute l'arbitre n'avait fermé les yeux sur une intervention très douteuse de Mauro Cetto sur Gigliotti. Les deux joueurs se situaient alors bel et bien dans la surface et la faute de l'Argentin parut suffisamment nette pour mériter un penalty. Nantes, au fond, s'en sort plutôt bien.
B.V, le 20 août 2006.