Excessive prudence
Trois jours plus tôt, les Nantais, sur la même exécrable pelouse, s'en étaient sortis sans dommage, ce ne fut pas le cas cette fois et peut-être le nul arraché en championnat, satisfaisant davantage sur la forme que sur le fond, s'est-il transformé en effet boomerang. Il avait en effet amené Serge Le Dizet à reconduire une formule quasi-identique avec cinq défenseurs, une récupération dense et un attaquant et demi. Mais face à cette tactique d'attente, les Girondins ont fait preuve de davantage de lucidité, ils ne se sont pas jetés dans la gueule du loup et ils ont attendu patiemment leur heure, leur prudence excessive explosant alors à la figure des Nantais.
Da Rocha de l'arrière à presque l'avant
Ce qui marche le samedi, en championnat, ne fonctionne donc pas forcément le mardi, en Coupe, quand il faut absolument gagner. Le 5-3-2 ne peut pas se révéler un système payant à tous les coups, on n'éprouve d'ailleurs pas une envie particulière de le regretter. il avait eu pour effet, entre autres curiosités de ramener Fred Da Rocha à un poste d'attaquant, presque de pointe, alors que 72 heures plus tôt il avait tenu un rôle d'arrière droit. Celui-ci avait été dévolu cette fois à Leray. Guillon, Cetto, Diallo, Savinaud et, bien sûr, Landreau, étaient ainsi les seuls à n'avoir pas changé de registre. Faé avait été légèrement déplacé au profit de Toulalan dont la rentrée a été bénéfique, c'est au moins un gros point positif à retenir. Pour le reste, Signorino, sur le flanc gauche, a évidemment montré un potentiel supérieur à celui de Capoue, même si ce dernier avait effectué une prestation intéressante en championnat. Delhommeau, troisième rentrant, s'est montré suffisamment solide pour que ce soit Cetto qui se trouve, en cours de match, invité à glisser au poste de latéral droit.
Pas un seul shoot en première période
Car le changement de positionnement de l'Argentin n'intervint qu'en seconde période, quand Nantes revint à un schéma moins frileux et se débarrassa de son manteau d'hiver. On va donc y revenir. Pour l'instant restons-en au premier acte, c'est à dire à un spectacle assez hermétique. Contrairement au samedi précédent, les Girondins démarrèrent doucement et Nantes n'eut aucune pression à soutenir. L'essentiel des opérations se déroulait en milieu de terrain, on se craignait dans les deux camps et on hésitait à se livrer. Nantes ne jouait pas mal, il faisait même plutôt bien circuler le ballon, du moins tant qu'il n'approchait pas du territoire de Ramé. Car lorsque la zone de vérité se profilait sous les crampons des Canaris il n'y avait pratiquement plus personne. Diallo était trop isolé et Bamogo (pas rétabli de sa blessure de samedi) n'était pas là pour empêcher la défense bordelaise de dégager tranquillement. C'est simple : Nantes n'a pas adressé un seul tir (excepté un coup franc de Savinaud de 30 mètres) durant toute la première période. Ramé n'a pas eu une seule intervention à effectuer. Dans ces conditions, il est difficile de marquer un but. La maîtrise nantaise était gentille, elle manquait singulièrement de percussion.
Bordeaux : deux occasions, deux buts
Bordeaux, remarquez bien, n'était pas plus fringant. Mais il se révéla plus efficace et surtout il sut exploiter les erreurs de défense des Nantais. Comme quoi, le nombre ne suffit pas pour garantir contre les fautes d'inattention. Car lorsque Alonso, servi par Faubert (personne ne les avait trop gênés), expédia un long ballon devant le but de Landreau, les défenseurs nantais se laissèrent surprendre par Perea, lequel se montra le plus prompt pour reprendre le ballon et l'expédier hors de portée de Landreau. La partie était entamée depuis 23 minutes, c'était le premier véritable shoot bordelais. Et donc le premier but. Le second survint un quart d'heure plus tard. Il fit tout aussi mal, d'autant qu'il était encore moins excusable. Le coup franc concédé par Faé au dribbleur Denilson (il avait tiré sur son maillot, il aurait pu s'abstenir) ne semblait pas présenter un danger évident. On était à 30 bons mètres de la cage des Canaris. Mais sur le centre dans le paquet expédié par Jurietti, les défenseurs nantais se montrèrent encore passifs, Cetto en tête, et Laslandes put ajuster une reprise de la tête que Mickaël Landreau ne parvint pas à maîtriser. Il freina le ballon, il ne le maîtrisa pas. On comprend mieux pourquoi il préfère le boxer habituellement…
Enfin de l'offensive
Compte tenu du déroulement des opérations, du manque d'imagination, d'esprit d'entreprise, sinon d'envie, perceptible de part et d'autre, c'était vraiment cher payé pour Nantes. Et tout semblait perdu. Alors Serge Le Dizet, dos au mur, décida de changer ses plans. On en arrive ainsi au passage de Mauro Cetto sur le flanc droit d'une défense ramenée à quatre éléments, avec Delhommeau et Guillon dans l'axe et Signorino dans un rôle plus classique sur la gauche. Il ne s'agissait nullement d'une première pour Cetto qui avait déjà évolué à cette place lors de sa première saison à Nantes. Cette modification tactique eut surtout pour effet de provoquer l'entrée d'un deuxième véritable attaquant, Claudio Keserü, et la partie changea tout de suite de sens. Il est probable que les Girondins y ont contribué aussi à leur manière, en optant pour la préservation de leur butin, toujours est-il que Nantes s'installa dans leur camp et commença enfin à se montrer dangereux. La plus belle occasion échut à Diallo qui, décalé par Keserü, se présenta seul devant Ramé. Il restait une demi-heure et il y avait dans cette situation matière à rouvrir le chapitre du suspense. Le Malien ne réussit malheureusement pas à tromper le gardien bordelais.
Le mauvais cinéma de Jurietti
Les Girondins étaient presque aux abois, ils multipliaient les fautes, Jurietti notamment. On devine pourquoi ce défenseur rugueux, truqueur, paraissant stupide pour tout dire, possède tellement les faveurs de Raymond Domenech. C'est tout simplement parce qu'il joue comme lui. La tricherie, l'intimidation, la brutalité constituent ses principaux arguments et elles font passer ses autres qualités, bon contre-attaquant, bonne technique, au second plan. Comment les arbitres peuvent-ils le laisser agir en toute impunité ? N'avait-il pas déjà volontairement éliminé Bamogo trois jours plus tôt ?
Comment aussi Damien Ledentu a-t-il pu tolérer l'agression de Laslandes sur Toulalan, alors que le ballon était déjà loin ? Le geste du Bordelais était indigne d'un pro, on ne l'excuserait même pas en championnat de district. Il lui valut un simple carton jaune alors que de toute évidence il ne poursuivait qu'un but : éliminer Toulalan dont l'activité grandissait au fil des minutes et posait des problèmes de plus en plus compliqués aux Bordelais.
Nantes revient sur penalty
On reconnaîtra toutefois que le
penalty dont bénéficia Da Rocha était imaginaire . Mais le capitaine bordelais sort si souvent pour faire mal qu'il n'obtint en somme que ce qu'il mérite, ses protestations trop véhémentes lui valant un carton jaune en prime. Elles furent d'autant plus vaines qu'elles ne déconcentrèrent pas Diallo : le Malien ramena la marque à 2-1. Les Girondins noteront sans doute pour leur part que les Nantais n'avaient pas arrêté de jouer alors que Mavuba était à terre. Ce dernier ne parut toutefois pas exagérément touché, en tout cas il fut vite rétabli. Le cinéma permanent de Jurietti a pu aussi, logiquement, les conduire à soupçonner Mavuba de vouloir interpréter un scénario qui ne lui avait pas mal réussi trois jours auparavant, aux dépens de Capoue.
Occasions inexploitées
26 minutes, tel était le temps qui restait aux Canaris. Elles s'écoulèrent vite, trop vite. Keserü se montrait volontaire, il avait amené du punch, mais il manquait d'expérience face à des adversaires truqueurs. M'Hadhbi,qui remplaça Savinaud à un quart d'heure de la fin, joua comme s'il ignorait qu'au bout du match il n'y avait qu'une solution, la victoire ou l'élimination, il manqua de conviction alors que deux ballons synonymes d'espérance passèrent à portée de lui. Signorino, qui au contraire se battait comme un diable, tira au-dessus. Et Damien Ledentu n'accorda que trois minutes d'arrêt de jeu, alors qu'il y avait eu trois changements, quatre avertissements, les blessures de Mavuba et de Toulalan, les contestations de Ramé sur le penalty et l'anti-jeu caractérisé de Jurietti et de Faubert. C'était vraiment peu. Ce fut toutefois suffisant pour permettre aux Bordelais de marquer un troisième but. Les Nantais perdirent le ballon alors qu'ils étaient tous montés à l'assaut, Darcheville s'offrit un long sprint qu'il ponctua par une passe à Laslandes dont le magistral tir croisé fit mouche.
Les carottes étaient cuites, les Nantais avaient espéré mieux pour leur réveillon de Noël.
B.V., le 21 décembre 2005)