Pauleta, le joueur-plus
Mais nous n'irons même pas à Saint-Denis. Pauleta nous en a coupé la route, alors que nous attendions la prolongation, laquelle n'eut d'ailleurs pas été imméritée pour les Canaris qui avaient su faire jeu égal avec leurs rivaux. Le problème est que Paris, équipe simplement anonyme et banale sans Pauleta, redevient compétitif dès lors que le bombardier des Açores prend place à la pointe de son attaque. Or, le Portugais était bel et bien présent sur la pelouse de La Beaujoire. Sa contracture à la cuisse relevait de l'intox et tandis que les journaux l'annonçaient forfait il s'était préparé en secret. Il a même dit que lorsqu'il avait quitté ses camarades l'autre jour, à la pause d'un Paris – Lyon sans importance, c'était parce qu'il avait déjà le rendez-vous contre Nantes en tête.
Pauleta fait partie de ces joueurs-plus, capables à lui seul de modifier le cours d'une rencontre et s'il ne touche pas forcément beaucoup de ballons, s'il lui arrive même de se faire oublier sur le terrain, il n'a pas besoin de trente six munitions pour faire mouche. Au fond, il n'en a guère eu que deux au cours de cette rencontre. La première, à la 23è minute, contraignit Landreau à une parade délicate, le ballon rebondissant sur le poteau. La seconde fut fatale.
Les Canaris n'ont pas pareil oiseau rare
Pauleta est le genre d'attaquant que Nantes n'a pas, ou n'a plus, puisqu'il préfère depuis trop longtemps, Moldovan ayant constitué une exception, embaucher une ribambelle de joueurs moyens ou même médiocres plutôt qu'une seule valeur reconnue. Cette politique lui coûte pratiquement aussi cher, elle lui rapporte beaucoup moins. Elle présente aussi le défaut annexe de fermer la porte aux jeunes du cru car on ne nous fera pas forcément croire, si on se fie ce qu'il a montré face aux Parisiens, que Bamogo se situe franchement au-dessus d'un Keserü, d'un Pujol, d'un Glombard voire d'un N'Zigou. On nous dira que ces derniers n'ont pas franchement convaincu (on voudrait préciser pas encore en ce qui concerne le jeune Roumain), mais ont-ils eu leur chance sur une longue durée et qui, parmi les attaquants recrutés depuis dix ans, a fait mieux qu'eux, Moldovan excepté répétons-le ? Bonilla ? Makukula ? Bustos ? Bagayoko ? Sellimi ? Cavéglia ? Giallanza ? André ? La liste n'est pas limitative, hélas.
Des péripéties discutables
Allons, on ne va pas refaire l'histoire. Ni le scénario du match, même s'il n'a tenu finalement qu'à un fil. A quatre minutes, le temps qu'il restait à jouer lorsque Pauleta a frappé. Mais aussi à quelques centimètres puisque le Portugais se situait à l'extrême limite du hors-jeu et que, s'il ne l'était pas au moment où Dhorasoo lui adressa le service gagnant, il s'y était trouvé, de même qu'un partenaire, quelques fractions de seconde auparavant, péripétie dont il put profiter pour mieux surprendre Loïc Guillon. Damien Ledentu a préféré ne pas en tenir compte et c'était son droit mais d'autres arbitres plus pointilleux y auraient peut-être trouvé à redire. Ledentu n'a d'ailleurs pas montré une exigence de tous les instants, sinon il aurait sévi davantage sur une faute de Pancrate qui projeta Guillon à terre alors qu'il s'était élancé en contre-attaque. C'était peu avant le but de Pauleta et l'arbitre laissa normalement, puisqu'il y avait avantage, l'offensive nantaise se poursuivre. Mais rien ne l'empêchait de servir ensuite un carton jaune à Pancrate. C'est même ce qu'il aurait dû faire. Il préféra également faire le sourd lorsque Pauleta, auquel il venait d'infliger un avertissement, le traita de tous les noms. On peut penser que si Ledentu avait eu devant lui non pas la star du « grand » PSG mais un simple joueur de district il aurait dégainé le rouge illico presto. Lorsque cet incident se produisit on en était à la 56è minute et le tableau d'affichage indiquait 0-0.
Les latéraux à la peine
Le match avait, comme souvent ces derniers temps, bien débuté pour les Canaris, même si on remarquait que Diallo manquait de compétition, Oliech de technique et Quint de conviction. Pour le premier, c'est normal. En ce qui concerne le deuxième il ne s'agit pas d'une découverte mais ce joueur possède d'autres qualités, lesquelles lui permirent de mettre assez vite Létizi dans l'embarras en le pressant jusqu'au bord de la touche (14è), et on sent qu'il est très perfectible. Et Quint direz-vous ? Pfittt !
Cette bonne période nantaise dura une vingtaine de minutes et le mouvement le plus intéressant fut une action où Savinaud se trouva au départ et à la conclusion, laquelle le vit placer une reprise que Létizi arrêta (20è). Guillon mit également le gardien parisien à contribution sur un coup franc de 25 mètres (20è). Oliech évoluait en pointe avec Da Rocha en soutien alors que Diallo, à droite, et Quint, à gauche, s'appliquaient à occuper des couloirs où ni Signorino ni Savinaud ne venaient trop pointer leurs crampons tant Pancrate pour le premier et encore plus Rothen pour le second leur donnait matière à s'occuper défensivement.
Paris habile dans l'entre jeu.
Faé, auteur dans l'ensemble d'une performance convaincante, dans la continuité de ses dernières prestations, jouait peut-être un peu trop haut et surtout Toulalan un peu trop bas. Paris en profita pour modifier progressivement les données de la rencontre et s'assurer la maîtrise de l'entre-jeu, grâce à l'habile Dhorasoo et au dynamique Edouard Cissé. Si bien que les joueurs de Guy Lacombe se montrèrent à leur tour dangereux par Pancrate (tête repoussée par Landreau, 21è) puis surtout Pauleta sur un tir dont nous avons déjà parlé (renvoi de Landreau sur un montant). Paris affirma ainsi son ascendant jusqu'à la pause, ce qui n‘empêchait pas Oliech d'essayer de prendre Yepes en défaut. Mais il avait du mal car tout le monde, à la Beaujoire, sait que le Colombien possède du métier. Il dispose aussi en Rosehnal d'un complice qui dégage une certaine sérénité. Les Canaris étaient visiblement pleins de bonne volonté, leurs mouvements manquaient cependant de spontanéité et de variété pour surprendre des joueurs très matures.
Coup de poignard
Ils reprirent pourtant les rênes de la rencontre au début de la seconde période mais Diallo ne put exploiter un centre d'Oliech que Da Rocha avait laissé filer (55è) et une volée de Da Rocha, plutôt en verve, passa à côté du cadre (57è) . Si on ajoute la poignée de cheveux qui manqua à Mauro Cetto pour reprendre un corner de Quint (59è) et une action Faé – Quint qui déboucha sur un corner (65è), on se dit que c'est à ce moment-là que Nantes a raté le coche. Sa domination devenait en effet de plus en plus évidente et prometteuse. Hélas, le pourtant exemplaire Da Rocha perdit un ballon face à Armand. Le contre se développa, il fit très mal. Pauleta lança Pancrate qui évita Landreau, sorti à sa rencontre, et glissa le ballon dans le but.
Cetto marque encore
On atteignait la 68è minute et les Canaris venaient de se faire poignarder. Ils eurent le mérite de se rebeller presque aussitôt. Quatre minutes plus tard en effet, sur un coup franc botté par Da Rocha, Mauro Cetto parvint à prendre l'avantage dans les airs sur Yepès, ce qui n'est pas rien, et sa reprise de la tête croisée eut raison de Létizi. Cetto venait de marquer son deuxième but en deux rencontres, il avait surtout rallumé la flamme d'un immense espoir qui faisait frémir les travées de la Beaujoire, garnies jusqu'aux cintres. Paris n'était pas dans les cordes mais il vacillait et Oliech prit, à son tour, de la tête, le meilleur sur Yepès (76è). Sans conclusion tangible, malheureusement. Bamogo, lui, multipliait les mauvais choix, en jouant uniquement pour sa pomme, et les occasions se firent inexistantes de part et d'autre, une certaine crispation ayant tendance à se répandre dans les rangs nantais où l'on renvoyait les ballons avec de moins en moins de soin et de précision.
La tristesse de Landreau
La prolongation paraissait cependant en vue. C'est alors que Pauleta frappa. De volée, en semi retourné, sur une belle passe de Dhorasoo. Landreau ne put rien faire. Quelques instants après, le visage défait par la déception, le capitaine nantais s'attarda un peu plus qu'à l'ordinaire sur la pelouse. La tristesse noyait son regard tandis qu'il contemplait, pour l'une des toutes dernières fois, un stade qui a été son jardin. « Il nous a manqué le dernier geste » a-t-il dit. Ah, si Pauleta avait pu changer de camp ! Ou plus simplement ne pas être là….
B.V., le 22 avril 2005