C'est la nouvelle mode. Depuis deux à trois ans, il est devenu très tendance de souligner à quel point le centre de formation nantais ne produit plus autant de talent, critiquant à mots plus ou moins couverts les hommes et les moyens mis en place. Il est vrai que Nantes ne survole plus les catégories de jeune comme il a pu le faire à certains moments de son histoire. L'an passé, les 18 ans et la CFA ont tremblé jusqu'au bout pour assurer leur maintien. De même, les joueurs issus de la Jonelière ne sont plus en majorité dans le onze de Michel Der Zakarian, loin de là. Enfin, les joueurs de l'équipe de France passés par Nantes ne sont pas légion. Pour autant, il convient de relativiser ces critiques.
Laurent Guyot, directeur du centre de formation, au milieu des ses troupes : les 18 ans. Nuancer les accusations D'abord parce qu'elles sont le fait d'une presse qui suit de très loin le secteur de la formation. Aussi compétents et consciencieux soient-ils, les journalistes en charge du suivi du FC Nantes n'ont pas le temps de suivre dans le détail les équipes du centre de formation, occupés, et c'est bien légitime, par l'équipe première et son quotidien très agité. D'autre part, parce que les chiffres souvent opposés aux défenseurs de la formation peuvent aussi plaider leur cause. Sur les 24 joueurs sélectionnés par Raymond Domenech pour affronter l'Italie et l'Ecosse, trois sont passés par la Jonelière (Toulalan, Landreau, et L. Diarra, même si ce dernier a terminé sa formation au Havre), et un quatrième (Makelele), a fait ses premiers pas en D1 sous les couleurs nantaises. Aucun club ne fait mieux. De même, l'an passé, trois joueurs fraîchement émoulus de la Jonelière ont connu leur première sélection en Equipe de France espoirs (El Mourabet, Das Neves et Payet). Enfin, si les résultats de la CFA et des 18 ans sont moyens, ceux des 16 ans (champions de France en 2006, éliminés en poule finale l'an passé) et des catégories inférieures parlent pour eux. Sans parler de l'équipe de Gambardella, éliminée seulement aux tirs au but par Sochaux, futur vainqueur de l'épreuve l'an dernier... aux tirs au but.. Entre temps, les Nantais étaient allés s'imposer sur le terrain du Stade Rennais, grand chouchou des médias quand on évoque la formation... Enfin, on évoque sans sourciller un passé récent très idéalisé, où le club est une usine à internationaux. Chose qu'il n'a été que très ponctuellement depuis 20 ans, essentiellement pour la génération Karembeu-Loko-Ouédec. La dernière grosse génération du club, celle de Landreau, Gillet, ou Monterrubio culmine glorieusement à 17 sélections pour trois joueurs. Ce qui ne l'a pas empêché de servir d'ossature à l'équipe championne de France 2001...Une politique qui ne vise pas les résultats immédiats Pour autant, il est évident que le centre de formation du FCNA n'est plus le numéro 1 national, rang qu'il a longtemps occupé, y compris à une période où il sortait moins de joueurs de talent qu'aujourd'hui... Les résultats de l'équipe de CFA et celle des 18 ans, notamment inquiètent beaucoup. Mais, pour qui ne se contente pas de regarder les classements et les scores des matchs, plusieurs explications peuvent être avancées. Laurent Guyot et les formateurs du centre ont pour politique de tourner avec des effectifs resserrés, en surclassant très fréquemment les joueurs, pour qu'ils se retrouvent en difficulté, que le contexte les oblige à se dépasser.
Leur réflexion est que si, notamment en 18 ans, on alignait systématiquement des joueurs en dernière année de la catégorie, l'équipe gagnerait sans doute nettement plus de matchs, mais les joueurs seraient alors dans une facilité qui les pousserait moins au dépassement.En somme, il s'agit là d'endurcir les joueurs. Pour Laurent Guyot ou Stéphane Moreau les résultats des équipes en question ne sont pas une priorité. L'objectif, est de maintenir ces équipes au niveau où elles évoluent actuellement, pour continuer d'offrir le degré de compétition suffisant à la génération suivante. Une logique qui n'est évidemment pas partagée par tous les adversaires. |
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Stéphane Moreau (entraîneur de la CFA) |
En 18 ans, notamment, les adversaires évoluent la plupart du temps avec une bonne majorité de joueurs en fin de catégorie. D'où des différences d'âge de deux à parfois trois ans avec certains joueurs nantais. Ce qui induit souvent un écart physique considérable à ces âges. En fait, lorsqu'on pousse l'analyse, on se rend compte que le club est confronté à trois problèmes:
Vincent Bracigliano et l'héritage Hillion Le centre continue de gérer la période de transition entre le mandat Hillion et le mandat Bracigliano, en poste depuis 2001, au recrutement. Guy Hillion étant parti à Bordeaux sans rien laisser à son successeur, il s'est ensuivi une inévitable période de flottement, le temps pour l'ancien milieu de terrain nantais de mettre en place son propre réseau et d'organiser à sa convenance le fonctionnement de la cellule recrutement. Ainsi, si l'on considère les joueurs recrutés pour la saison 2001-2002 comme ses premières recrues, la première promotion intégralement signée Vincent Bracigliano est celle des joueurs nés en 1989, c'est à dire la promotion des Jimmy Burgho, Aurélien Marty, et du désormais ex-canari Giovanni Sio, qui sont aujourd'hui des titulaires réguliers en CFA et qui ont décroché le titre des 16 ans il y a deux saisons. La génération 90, qui arrive ensuite, semble elle encore plus talentueuse avec les Aristote Lusinga, Kevin Barré, Benjamin Leclerc ou l'excellent Sofiane Choubani, entrevu dimanche avec la CFA. La formation, et c'est là une des grandes difficulté pour quiconque a pour ambition de la faire progresser, ne se juge pas en instantané.
La question du recrutement On l'a vu, il est difficile d'évaluer réellement la qualité d'un recrutement en formation. Pourtant, les échos qui bruissent parmi les formateurs ne sont pas toujours favorables à la cellule en place. On a notamment beaucoup râlé parmi les techniciens au moment où le club envisageait de supprimer une équipe. Toute la question est de savoir si le problème vient des compétences techniques de la cellule recrutement, ou des moyens qui lui sont alloués. En effet, si le club paie, comme tous ses rivaux, pour convaincre les jeunes prodiges de signer au FCNA, il se refuse à entrer dans la surenchère. D'abord, parce que recruter un jeune prometteur est un pari plus risqué encore que d'aller chercher un joueur pro, même au Qatar. Pendant les 6-7 ans qu'un jeune passe dans un centre de formation, il y a en effet de grandes chances qu'il dérape à un moment ou à un autre, quelque soit son talent. Mais surtout, les formateurs nantais considèrent que donner autant d'argent à la famille d'un jeune garçon peut s'avérer contre productif. Si le joueur est déjà plus intéressé par l'indemnité qu'il percevra que par la qualité de la formation qu'il recevra, on peut légitimement s'inquiéter sur ses réelles motivations, et sa véritable soif de devenir joueur professionnel, avec tous les sacrifices que cela comporte. Une position noble, mais qui s'accommode mal de la réalité du monde de la formation, où les joueurs les plus demandés peuvent obtenir des sommes proches de 150 000 euros. De fait, sur les postes offensifs, Nantes aura beaucoup de mal à attirer le haut du panier sans casser sa tirelire, même si le club peut mettre en avant de nombreux éléments en sa faveur – qualité de l'enseignement, des installations scolaires et sportives... Waldemar Kita, qui a évoqué la question lors de son arrivée, pourrait bien faire tomber ce tabou. Même si sur le plan éthique on peut questionner cette pratique, il semble indispensable de passer par là pour rester compétitif.
Quelle place pour les jeunes en équipe pro ? Depuis le départ de Raynald Denoueix, les jeunes ont moins leur chance en pro sur la durée. Il y a sans doute une question de niveau, mais il y a aussi une volonté délibérée de s'appuyer sur des joueurs plus mûrs, que Michel Der Zakarian illustre bien, mais qu'un formateur dans l'âme comme Serge Le Dizet a fini par confirmer lui aussi. C'est une position que l'on peut comprendre de la part d'entraîneurs perpétuellement sous la pression du résultat, mais elle complique sérieusement le boulot des jeunes joueurs pour s'imposer dans l'équipe. Difficile en effet pour un gamin de 20 ans ou moins de s'imposer d'emblée dans l'équipe professionnelle quand il sait qu'il a 99% de chances de retrouver le banc s'il fait la moindre bévue. D'autant que les supporters, sevrés de talents maison, se montrent de plus en plus impatients avec leurs jeunes pousses. Pourtant, montrer de la patience s'avère payant. L'exemple le plus frappant est celui de Grégory Pujol, qu'Angel Marcos a fait débuter plusieurs matchs d'affilée, même s'il ne marquait pas. Il en a retiré une confiance bien plus importante en ses moyens et est aujourd'hui un bon pro, même s'il n'avait pas un talent phénoménal à la base.
| | Opposition entre les 16 et les 15 ans... | Vers une réduction des effectifs A défaut d'une analyse en profondeur, Waldemar Kita semble reprendre à son compte une vieille antienne: mieux vaut faire de la qualité que de la quantité. « Sur quatre-vingt jeunes au centre de formation, il y en a trop peu qui passent professionnels, constate le nouveau président nantais, interrogé sur le site officiel. A qui incombe la faute ? A ceux qui les ont fait venir, aux parents, aux éducateurs, aux jeunes... C'est un ensemble. Ma réflexion à chaud est de demander à réduire le nombre d'éléments pour avoir mieux. » Etonnant quand on sait que les trois premières équipes du Centre de formation avaient l'an dernier des effectifs assez justes, parfois trop, ce qui a d'ailleurs encore compliqué la donne en terme de résultats quand les blessures s'accumulaient. On l'a dit, Laurent Guyot cherche à évoluer avec des effectifs resserrés pour confronter ses ouailles à un niveau de compétition important. Or, l'an dernier, les restrictions budgétaires ont amené le club à un ménage plus drastique encore que prévu, au point qu'on a longtemps évoqué la suppression de l'équipe des 15 ans, même si ce projet a finalement été retoqué par Xavier Gravelaine. Toujours est-il qu'on peut à juste titre se demander comment feraient les entraîneurs du club pour aligner des équipes compétitives si on réduisait encore leurs effectifs. Sans parler des risques de blessures que peut faire courir à des adolescents le fait d'évoluer en permanence contre des éléments plus matures
Wait and see Difficile en définitive d'avoir un avis aussi tranché que celui du président Kita quant au présent de la formation nantaise. L'impression globale est tout de même que le centre de formation ne va pas fondamentalement plus mal qu'il y a trois ou cinq ans. Pourquoi dans ce cas parler d'urgence? L'équipe en place au centre de formation est jeune, et a sans doute des choses à apprendre d'un homme expérimenté comme Larièpe. Pour autant, condamner leur travail au bout de moins de trois ans de pratique commune paraît très exagéré. Quiconque a l'occasion d'assister aux matchs des équipes de jeune a pu apprécier le discours d'un Laurent Guyot, d'un Franck Maufay ou d'un Stéphane Moreau, tous à la fois pédagogues et porteurs d'une philosophie très nantaise. Tous ont connu les Suaudeau et Denoueix, et en sont des héritiers convaincants, du moins dans le discours, tant qu'ils ne se laissent pas gagner par l'ambition et polissent leurs compétences à la formation.
| | ...sous le regard de Maufay et Fenillat | Espérons que Waldemar Kita saura leur donner à la fois le temps et les moyens de travailler. Car si l'on veut un jour revoir une équipe jouer à la nantaise, il faudra en passer par la formation.
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