En concurrence avec Henri Michel
Nous nous souvenons encore aujourd'hui du magnifique récital qu'il donna, par un après-midi d'hiver, sur la pelouse de Colombes, lors d'un match de Coupe de France face à Rennes. Il est ainsi des moments de magie qui restent à jamais gravées dans la mémoire et il est probable que les Rennais n'ont pas oublié, eux non plus, la leçon de football qui leur fut administrée. Peut-être sont-ils encore un certain nombre qui cherchent dans la banlieue parisienne où sont passés les ballons que Georges avait distillé alors à profusion . Et si nous ignorons exactement ce que vaut l'entraîneur Eo, nous savons que le joueur n'a laissé que de belles images dans les livres qui racontent l'histoire du FC Nantes.
Il eut pourtant deux handicaps. Le premier était un relatif manque de vivacité, le second fut d'évoluer au même poste qu'Henri Michel. Ce dernier était alors l'un des tous meilleurs joueurs français et Eo qui, venu de Lorient, disputa son premier match sous les couleurs canari face à Rouen le 9 septembre 1967, souffrit de cette talentueuse concurrence. José Arribas essaya parfois de les associer, notamment au cours de la saison 1969-70. Mais l'expérience ne fut pas pleinement concluante. Alors, même s'il donna souvent satisfaction quand il fut appelé à suppléer le capitaine d'alors du FC Nantes, Georges Eo préféra partir à Paris en 1972, après avoir joué 66 matches sous le maillot jaune.
Il a bien fait de postuler
Lorsqu'il revint, quinze ans plus tard, il avait enfilé le survêtement d'entraîneur. Ses débuts dans ce nouveau rôle avaient eu lieu au Red Star où il avait achevé sa carrière de joueur. Il était ensuite passé à Abbeville, pensionnaire alors de 2è division, il y était resté deux saisons. Depuis, Eo a été l'adjoint de Jean-Claude Suaudeau, Miroslav Blazevic, Suaudeau de nouveau, Raynald Denoueix, Angel Marcos et Serge Le Dizet. Mais pas de Loïc Amisse lequel avait préféré David Marraud, à moins que ce soit Eo qui ait préféré ne pas travailler avec Amisse, qu'il estimait moins bon que lui. A tel point qu'il avait alors crié casse-cou.
La suite ne lui a pas donné tort. Il est dès lors aisé de comprendre sa déception de l'époque. Ajoutée au fait que les dirigeants n'ont jamais, par le passé, vraiment pensé à lui, elle explique sa montée au créneau d'il y a quelques jours. Sachant Le Dizet condamné à plus ou moins court terme, il avait décidé de faire clairement acte de candidature.
C'est ainsi, davantage que comme une trahison, que nous avons compris sa volonté de se placer en avant, alors que depuis près de vingt ans il a œuvré dans l'ombre et en toute fidélité si on en croit les témoignages des anciens entraîneurs. Est-il infamant de rappeler à des patrons, trop souvent aveugles, qu'ils ont à leur disposition, sous la main, dans leur club, des gens plus compétents que ceux qu'ils sont fréquemment enclins à aller chercher très loin et très cher ?
« Je n'ai que faire des donneurs de leçons »
« Je n'ai que faire des donneurs de leçons, » a-t-il répondu lorsque, fatalement, les journalistes ont abordé le sujet au cours de sa conférence de presse d'intronisation. Il n'entre pas dans nos intentions de lui en donner, d'ailleurs ceux qui le font semblent ignorer superbement que Roussillon croulait sous les offres d'autres techniciens, la plupart de parfaits pantins, depuis qu'il avait laissé entendre que Le Dizet était menacé. Les traitent-ils pour autant d'opportunistes ? Et Pierre Repellini, qui ne manque pas de s'offusquer à chaque fois qu'un entraîneur est viré, comme si tous les adhérents à son syndicat étaient des cerveaux et automatiquement tous bons, feraient mieux de se dire que lorsqu'il y a limogeage (lequel rapporte souvent gros à la victime), il y a aussi embauche. N'avait-il pas attaqué Serge Le Dizet, dès son intronisation, fin décembre 2004, et donc contribué à le déstabiliser ?
Il a parlé d'intelligence, d'initiative
On a apprécié aussi que Georges Eo ait pris la précaution de ne pas se présenter, à la Coach Vahid, comme un messie qui allait tout bouleverser, tout changer, tout jeter. Il n'a pas dit que l'équipe était au trente sixième dessous, il a même parlé d'intelligence, d'initiative et ce sont des mots que l'on n'entend plus forcément beaucoup dans le football actuel.
Il fut un temps où, à tort ou à raison, on aurait probablement prétendu que Georges Eo risquait de manquer d'autorité. Peut-être aurait-ce été du à sa réputation d'imitateur de Johnny Halliday, don qu'il a fait apprécier lors des célébrations des titres de champion de France. Cet handicap, qui resterait de toutes façons à vérifier, ne semble plus pouvoir être avancé à présent, son âge, 58 ans, ayant immanquablement creusé un fossé, celui du respect, entre les joueurs et lui.
Une solution durable ?
Si on évoque ainsi l'âge du capitaine, pardon de l'entraîneur, c'est aussi bien sûr parce qu'on s'interroge sur sa légitimité : est-il là de façon durable ou pour assurer un intérim en attendant l'embauche sinon d'une grosse pointure, du moins d'un nom plus ou moins ronflant ? Pour sa part, il a paru assez sûr de lui et laissé entendre qu'il s'est installé pour un laps de temps relativement long (il jouirait d'un contrat de deux ans et demi). Roussillon n'a pas démenti, il n'a en tout cas à aucun moment permis de supposer que son ancien entraîneur, au Red Star, ne constitue à ses yeux qu'une roue de secours. Mais on sait maintenant ce que valent sa parole et ses engagements : rien. En fait, on aurait tendance à penser que, comme souvent en ce qui concerne les entraîneurs, la durée de « vie » de George Eo dépend essentiellement des résultats. S'ils sont bons, il pourra postuler à un bail de plusieurs mois, voire davantage, dans le cas contraire, et connaissant la façon dont Roussillon met plus ou moins bêtement la pression, il n'est même pas sûr qu'il passera Noël.
Combien sont-ils à savoir ce qu'est le football à la nantaise ?
La question suivante coule de source : les résultats et les contenus des matches, c'est à dire le spectacle, seront-ils bons ? Si on se fie à ce qui s'est passé depuis le début de la saison, on peut supposer qu'il ne sera guère difficile de faire mieux, tant Nantes a semblé en panne de jeu et d'idées face à Toulouse. Eo pourrait recueillir un peu plus d'adhésion que Serge Le Dizet auprès des joueurs dans la mesure où il n'a pas eu l'occasion de déclarer qu'il était contre leur venue ou le renouvellement de leur contrat. Il n'aura pas non plus, au départ du moins, à affronter l'opposition de ses patrons qui ne pardonnaient pas à l'ancien coach d'être peu malléable, de ne pas dire amen à toutes leurs initiatives et de laisser entendre qu'ils n'étaient pas franchement, comme ils le prétendent, les champions du monde du recrutement.
Il n'en reste pas moins que Georges Eo va hériter d'un groupe lourd en nombre et très hétéroclite. Combien sont-ils là dedans à connaître la signification de l'expression football à la nantaise ?
Retrouver du jeu
Roussillon, Gripond ont bâti une formation de calibre à peine moyen, sans fil conducteur, sans gardien, du moins pour l'instant, et qui jusqu'à présent a livré des productions relevant du bas du tableau. Il appartient à Georges Eo de la remettre sur rails et de lancer les joueurs vraiment concernés par le sort du club et déterminés à s'impliquer à fond. S'il a revendiqué le poste, c'est assurément parce qu'il se croit capable de remplir cette mission et parce qu'il pense trouver au sein de l'effectif suffisamment de talents pour la mener à bien. Le salut passe par le jeu, ont souvent dit les entraîneurs du FC Nantes, mais il est forcément difficile de trouver la cohésion et de faire du jeu quand on a enregistré l'arrivée de huit joueurs en huit mois et qu'aucun d'eux ne sort vraiment du lot, à tel point qu'il serait exagéré de parler de renfort.
B.V., le 23 septembre 2006
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