Rudi Roussillon désespérant de platitude
On passera donc rapidement sur le non-événement du passage radio du Président du FC Nantes sur France Bleu Loire Océan. Il n'a rien dit d'intéressant, n'a fait que se répéter et occuper le temps de parole, pour esquiver les rares questions gênantes, auxquelles sa logorrhée stérile n'est pas préparée. On ne s'attendait certes pas à des révélations tonitruantes sur le recrutement, on a bien compris qu'en la matière, la prudence et le secret sont tactiques. Non, on espère toujours, un peu de passion, de ferveur, d'originalité, d'humanité et d'identité. Mais c'est apparemment beaucoup trop demander. Jamais il n'a prononcé le mot « jeu ». Il s'est parfois contredit sur ses relations avec Raynald Denoueix, appelé à rejoindre le Stade Rennais la saison prochaine. Comme un comble d'une dérive et des occasions manquées. Il a réussi la prouesse de parler de Jean-Luc Gripond sans jamais le citer, quand enfin les journalistes, la fin de l'émission approchant, ont réussi à placer quelques questions moins convenues. Circulez donc, car de son coté, il n'y a rien à écouter. On s'attachera aux actes et au bilan, avant qu'il ne disparaisse sans laisser de trace au moment de la vente du club. Une échéance qu'il conviendra d'observer au plus prêt.
Le tout FC Nantes est là, sauf Roussillon
Rudi Roussillon était donc à Nantes entre 18 heures et 19 heures. A 19 heures 30 commençait la diffusion du documentaire d'Arte au Palais des Congrès. Rudi Roussillon a choisi de zapper et sans doute de s'en retourner à Paris. Le lieu n'est pourtant pas éloigné de la gare qu'il a regagné prestement, pour être frais, avant de défendre aujourd'hui, le bilan nantais face à la DNCG. Pour la soirée « centre de formation », la présidence était donc représentée par Jean-Luc Gripond, comme un arrière-goût de ce qui s'est passé toute cette saison bien qu'on se soit évertuer à nous dire le contraire.
Il y a du beau monde dans l'assistance. Robert Budzynski, Bernard Blanchet, Gilles Rampillon, des employés du club, des membres de sa direction et évidemment l'équipe réserve dans sa quasi-totalité. On en oublie forcément. L'animateur de la soirée est Anthony Brulez (FR3). Il est parfait. Chapeau. La jeune équipe de production (premier film pour une société fraîchement créée) et un des réalisateurs du film sont évidemment présents. L'un d'eux participera au débat, après la projection, en compagnie des joueurs Patcho Donzelot et Dimitri Payet, à coté de leur coach, Stéphane Moreau, du directeur du centre de formation Laurent Guyot et du recruteur en chef Japhet N'Doram, moins à l'aise que sur un terrain de foot.
Un documentaire bien ciselé
Les présentations faites, sur la scène, la projection commence. Cinq fois 26 minutes ont été sélectionnées parmi plus de 170 heures de bandes. Zinedine Zidane ouvre le film. Simple, authentique et heureux de parler des années de formation plutôt que des états d'âme de la sélection nationale. Outre Lilian Thuram, les autres « vieux » témoins sont Didier Deschamps, Marcel Desailly. Tous marqués dans leur chaire par la perte d'un proche dans leurs jeunes années. On se rapproche d'un autre Nantes et d'une autre époque. Le documentaire est parfaitement mis en image, le rythme est là. On entre dans le vif du sujet : la phase de préparation de cette saison qui, on le sait, s'est terminée en eau de boudin. Travail, sacrifice et au bout de la saison, la distribution de la précieuse récompense : le premier contrat professionnel.
Un appel d'air frais
Pour tous ceux, et il sont nombreux, qui se désespèrent de voir leur FC Nantes se morfondre dans la médiocrité, c'est un véritable appel d'air frais, un parfum d'espoir. Pour nous, FCNantais.com, qui essayons de suivre la formation, de parler de l'équipe réserve, c'est la confirmation, qu'à Nantes, il faut s'intéresser à ce qui se fait en amont. Pour nous qui sommes enclins à partager les déceptions de ces joueurs qui devront chercher ailleurs leur avenir professionnel, c'est une lucarne sur leur quotidien, quand on les côtoie davantage, mais toujours de loin, en dehors du centre, comme des jeunes « ordinaires ».
Jean-Luc Gripond craignait un projet « voyeuriste »
Le débat qui suit la projection est aussi un vrai moment de bonheur. Il y est question évidemment des conditions de tournage. On se félicite. Le cahier des charges est respecté. Le résultat est riche en enseignement et en émotion. Il n'y a pas de voyeurisme, expression employée par Jean-Luc Gripond pour marquer sa crainte initiale, d'émotions fabriquées tandis que le titre donné à la série faisait frémir…
Prendre la relève après Raynald Denoueix
Il est ensuite temps d'entrer dans le vif du sujet : le centre de formation du FC Nantes aujourd'hui. Laurent Guyot et Stéphane Moreau insistent : « les joueurs qui ne sont pas conservés ont acquis à Nantes un bagage suffisant pour s'en sortir dans le foot et après la carrière, mais aussi en dehors », « c'est une formation accélérée à la vie active ». On se rapproche ensuite de la réalité « nantaise » d'aujourd'hui. La question n'est pas posée, mais Laurent Guyot, qu'on sait avoir été passablement énervé par les récentes et récurrentes critiques sur le travail des éducateurs, prend les devants : « lorsque Raynald Denoueix (il le citera souvent) a pris l'équipe première, il a fallu s'adapter et prendre la relève, il a fallu que tout se mette en place, que ce soit au niveau de l'enseignement ou du recrutement, avec de jeunes éducateurs, dont nous faisons partie, sous la responsabilité de Serge Le Dizet ». Les années sombres, les années Socpresse ne sont pas évoquées. On invoquait volontiers l'inertie, il répond passage de témoin et apprentissage.
« Pas question de mettre 110.000 euros sur un joueur de 14 ans » Il est évidemment question de l'argent qui circule : « des clubs mettent 110 000 euros sur un joueur en provenance de l'INF, sur lequel on était. Mais nous, et tant que je serai là, on ne fera jamais ça. C'est une mauvaise base de départ quand un joueur réclame un tel prix, quand les enchères commencent à ce niveau quand on a que 14 ans », il enfonce le clou : « les clubs mettent de l'argent sur des benjamins désormais ». Il évoque aussi le cas de Dimitri Payet qui, contrairement à ce que le joueur désirait, n'a pas obtenu de contrat pro pour la saison prochaine. Il a finalement accepté de signer stagiaire pro pour un an. « Il n'a pas fini sa formation, il a encore des manques ». Il n'a au final pas bénéficié des conditions d'un Karim El Mourabet ou d'un Stevent Thicot. On ne saura pas où est la différence. Pas au niveau du talent, un terme fil conducteur de la soirée : « le talent est obligatoire, seul il n'est rien et il n'est pas garant de la réussite, mais sans le talent, aucune chance d'y arriver ».
« On ne fait pas signer pro un jeune du centre pour respecter les quotas »
C'est le talent qui fit que des joueurs comme Rampillon, Amisse, Pécout, Baronchelli, Tusseau, Muller, Sahnoun, Bossis ont commencé très jeunes à jouer en équipe première. A 17 ans pour certains. Ça n'est plus tout à fait vrai aujourd'hui. C'est plus dure. Commencer à cet âge c'est l'exception. Karembeu, Pedros, Ouedec, Loko ont débuté en moyenne un peu plus tard. On parlait surtout de génération exceptionnelle, plutôt que d'individualités qui sortent du lot. N'est-ce pas ce qui manque, ce qui est rare aussi, l'éclosion de 4, 5 ou 6 joueurs en l'espace de deux ans. Des joueurs qui ont appris à évoluer ensemble quasiment les yeux fermés. On en est loin aujourd'hui. On passe pro au compte goutte. Deux seulement cette année : Das Neves et Briant. Le quota réglementaire est de trois. Laurent Guyot : « tant pis si on ne respecte pas le quota, on ne signe pas un joueur pour ça. Sochaux en a signé 7 la saison dernière. Résultat ils sont tous en CFA, avec des motivations forcément altérées et ils ont connu une saison difficile en championnat ». Japhet N'Doram félicite les deux joueurs promus et précise qu'on ait contraint d'aller chercher ailleurs les nouveaux joueurs de l'équipe première, en attendant que d'autres jeunes talents « maison » arrivent à maturité.
Le micro passe dans la salle pour quelques questions de l'assistance. On aborde la maturité précoce, la jeunesse tronquée, l'avenir du centre de formation si on ne peut pas lutter financièrement ou qu'on achète des pros confirmés ailleurs, lesquels bouchent l'horizon pour les jeunes.
Quid de l'enseignement de la fierté d'appartenir au FC Nantes ?
De notre coté, on a le sentiment qu'on forme des joueurs pour le monde professionnel mais pas forcément pour le FC Nantes. Il ne transpire pas du débat que le FC Nantes, son identité, son histoire, ses illustres aînés, sont enseignés au centre José Arribas, tandis que ce FC Nantes historique, celui qu'on aime, semble disparaître sous le poids des exigences économiques de ses actionnaires successifs. On sortira malgré tout confiant : « la formation à Nantes reste ce qui se fait de mieux en France, si l'on considère à la fois l'enseignement du foot et l'enseignement scolaire ». La preuve en a été donnée par la DTN qui a mis Nantes en tête de liste, Laurent Guyot le rappelle. Cela reste une des différences nantaises, et on peut penser que les joueurs qui choisissent Nantes pour cela, sont plus intéressants, que leurs parents sont plus responsables, que les agents, sujet trop occulté dans le film et dans le débat, sont moins avides… C'est peut-être une naïveté, mais c'est aussi pour cela qu'on aime ce club.
Au final, il restera un film, un témoignage, très réussi dont les dirigeants nantais ne manqueront pas de faire bon usage.
F.P.. le 30 mai 2006
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