« Je tiens à vous rassurer »
Vous n'allez sûrement pas nous croire, mais nous l'aimons bien notre nouveau président. Certes nous ne l'épargnons pas, mais nous savons bien que sa marge de manœuvre est infime. Que peut-il dire de plus que les paroles qu'il nous sert à longueur de conférence de presse ? L'heure est aux départs, l'espoir est aux arrivées. Il faut ménager tout son monde et rassurer : un mot qu'il a surligné « je vous assure que j'emploie le mot rassurer au sens propre ». Autant assurer a un sens figuré, autant rassuré n'a qu'un sens, et seule une persuasion appuyée peut lui donner un sens encore plus propre que propre... .
Certes le parterre est tellement policé, tellement prompt à docilement ne pas interroger le passé, que l'analogie avec le Livre de la Jungle n'est pas tout a fait de circonstance. Pourtant, même si le regard de braise, un rien juvénile, de Rudi Roussillon n'a rien de celui du serpent Kaa, on n'entend pour l'instant qu'un : « ayez confiance » en écho des couleuvres gripondiennes qui ont failli étouffer le FC Nantes la saison dernière.
Au crédit de Rudi
Même si son discours « rassurant » manque singulièrement d'assise, de souffle et de panache, il y a des signes pourtant qui inclinent à vouloir patienter. Rudi Roussillon est proche des joueurs, dans un rapport bien plus naturel - il a fréquenté les vestiaires en tant que joueur- que celui forcé et contre nature de son prédécesseur. On le croit volontiers quand il assure qu'il travaille de concert avec Japhet N'Doram et Serge Le Dizet (espérons que ce dernier ne recrute pas pour son successeur). Il a par ailleurs des appuis non négligeables en certaines circonstances et a déjà répondu aux exigences de son staff technique, avec un effort appuyé en ce qui concerne Dennis Oliech. Et si on n'oublie surtout pas qu'il a maintenu ou n'a pas pu virer Jean-Luc Gripond, il a tout de même su conserver Jérémy Toulalan contre l'avis de certains.
La clause libératoire de Jérémy Toulalan
Puisqu'il n'y a pas eu grand chose de nouveau de révélé au cours de la conférence de presse d'hier, attachons-nous donc à ce qui apparaît aujourd'hui et que nous découvrons un brin stupéfaits. On sait que la probabilité pour que Jérémy Toulalan reste une saison de plus, est infime, or Rudi Roussillon nous apprend que le joueur bénéficie d'une clause libératoire ! Depuis quand ?
Revenons quelques mois en arrière. Jean-Michel Aulas fait le forcing pour enrôler celui qui vient d'être nommé meilleur espoir de la saison. Rudi Roussillon récupère le dossier des mains de Jean-luc Gripond. Jean-Michel Aulas, après avoir proposé 5 à 6 millions d'euros, n'est pas loin de doubler la somme. Malgré un déficit énorme et une situation de dépôt de bilan évitée de justesse, Rudi Roussillon tient bon et profite du fait que Jérémy Toulalan hésite à partir dans un club où il devra batailler pour jouer quelques matchs.
Toulalan partira
Généralement pour convaincre un joueur, outre un projet ambitieux, ce que le « re-démarrage » n'est pas, on lui propose une augmentation financière substantielle, laquelle n'aurait toutefois jamais pu s'aligner sur le salaire offert par l'OL. Or le joueur, qui n'a pas été augmenté, révèlera quelques semaines plus tard, que le club ne veut manifestement pas le garder au-delà d'un an. Le raisonnement de Toulalan est simple : pour le club, il ne sert à rien d'augmenter un joueur qu'on souhaite vendre à la fin de l'année. Logique. Jamais pourtant la clause libératoire n'a été évoquée. Elle n'existait manifestement pas lors des propositions de l'OL, à moins que le joueur n'ait pas jugé bon de l'invoquer. Peu probable. On peut par contre penser que Rudi Roussillon, pour finir de le convaincre et plutôt que de l'augmenter à perte, lui a proposé cette clause, dont le montant était estimé hier à environ 8 millions d'euros, lors de l'émission « Lundi c'est Canari ». Ce montant révélé par les journalistes nous fait éluder la possibilité d'une clause à échéance intégrée au contrat signé par le joueur à l'automne 2004.
Ne pas caler au « re-démarrage »
Dans ces conditions, nous nous posons naturellement deux questions. Comment Rudi Roussillon compte-t-il s'y prendre pour garder l'international espoir, alors que cette clause donne toute liberté à Jérémy Toulalan de partir où il veut ? Comment Rudi Roussillon peut-il nous faire croire qu'il souhaite réellement garder à nouveau son joueur, quand il sait que la clause libératoire accordée quelques mois plus tôt, le met en situation de faiblesse ? Difficile d'y souscrire. Assurément Jérémy Toulalan partira et Rudi Roussillon le sait déjà, car le FC Nantes qui « n'a pas besoin d'un investissement du propriétaire », ne pourra s'aligner sur les salaires proposés ailleurs. Dans ces conditions le « faire tout ce qui est en mon pouvoir », leitmotiv de Rudi Roussillon, a du plomb dans l'aile et met a mal cette notion de « pouvoir » à la tête d'un club sans ressource et sans perspective. Car ne l'oublions surtout pas, jamais Rudi Roussillon ne s'est engagé au-delà d'un an. Sa mission, certainement pas philanthropique ou exclusivement passionnelle, malgré un salaire minimal, ne s'est jamais inscrite dans la durée. S'il parle volontiers de « re-démarrage », il ne propose pas pour autant un plan de développement, à l'instar de clubs comme Lille ou Saint-Etienne, afin de parvenir au haut niveau progressivement.
Attention danger
Alors, Rudi Roussillon aura beau faire miroiter l'arrivée de 6 internationaux chevronnés, comme si le FC Nantes calquait son court terme sur celui de l'OM, la réalité d'aujourd'hui est que les deux meilleurs joueurs du club, Landreau (*) et Toulalan, vont partir. L'appauvrissement est de taille, car il n'est pas exagéré de penser que sans ces deux là, le FC Nantes serait déjà en Ligue 2. Il y a presque deux ans, cette fuite des cadres avait conduit le club quelques mois plus tard au miracle du maintien. Malgré cela, le président des Canaris persiste dans un jeu dangereux, celui de faire croire à une possible place européenne la saison prochaine. Peut-être a-t-il bien fait finalement d'appeler « un sorcier » à la tête du recrutement … Assurément, si Japhet N'Doram réussit cette mission, il faudra lui élever une statue…
Frédéric Porcher, le 28 mars 2006
(*) A propos de l'annonce du départ de Landreau : nous avons été très surpris par l'article paru hier matin dans Ouest France, lequel, eu égard à certains bruits de couloir, nous laisse une désagréable impression. Autant dire que cette phrase : « En homme prévoyant, le gardien de but du FC Nantes préfère patienter avant de jeter son fiel sur Jean-Luc Gripond et sur le manque d'ambitions qui a accompagné les dirigeants de la reprise à l'issue du titre en 2001. Landreau veut tout bonnement redevenir maître du jeu médiatique. » est tout simplement indigne. Sous la plume de Jean-Paul Vanneraud (Presse Océan), grand adorateur de Vahid Halilhodzic, lequel avait déjà fustigé Landreau, « un journaliste qui s'amuse à jouer les attachés de presse de Jean-Luc Gripond » selon Rodolphe Landais (FBLO), et annoncé par ailleurs la saison prochaine au service communication du club, cela nous aurait presque amusé. Là ça ressemble à un désamorçage prémédité, voire « auto-téléguidé », en forme de mauvais règlement de compte… Si l'investigation désintéressée fait aussi partie du rôle du journaliste sportif, n'est-ce pas plutôt à lui, et depuis longtemps, plutôt qu'à Mickaël Landreau, de nous renseigner sur tout ce qui a participé, en coulisse, à ce que le FC Nantes en soit arrivé à ce triste bilan ?
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