« Une belle soirée » a dit Georges Eo
Nantes va mieux. Un peu mieux. Il a gagné le match qu'il importait de ne pas perdre, il a abandonné la lanterne rouge à Monaco, sa victime, il a produit plusieurs séquences intéressantes de jeu, il a montré de l'envie, de la conviction. « Ce fut une belle soirée, » a dit Georges Eo, le dernier rescapé des saisons de soleil.
Nantes a été, aussi, soutenu par plus de 30.000 spectateurs et il y a sans doute peu de villes en France où une telle affiche, le 20è contre le 19è à l'occasion de la 11è journée de championnat, attirerait une telle affluence. Comme quoi, les Canaris, même quand il se produit des scènes de désamour, comme quinze jours auparavant face à Sochaux, continuent à avoir un public qui sait se montrer aussi fidèle et enthousiaste qu'il est parfois cruel. Il se peut en outre que les spectateurs aient maintenant bien perçu que l'heure est définitivement grave, que leur club, à force de tourner le dos à ses valeurs ancestrales, se trouve bel et bien en danger de mort. Et donc que Rudi Roussillon n'est qu'un bonimenteur, un camelot de joueurs. Faire de la communication, même avec des discours creux, ne compense pas une incompétence notoire en football.
« Guy Roux visait le maintien… »
Avant le coup d'envoi, une banderole s'est dressée dans l'un des virages, il était écrit : « Guy Roux visait le maintien et obtenait la 6è place. » On ne va surtout pas prendre le parti du vieux Sioux de Bourgogne, ni s'en déclarer un zélé admirateur, il n'empêche qu'il faut bien admettre qu'il connaît le jeu, ses aléas et aussi les médias et la façon de s'en servir, autrement mieux que le petit président du grand FC Nantes. Et ceux qui le servent. Situation d'ailleurs d'autant plus paradoxale qu'outre ses attributions en football Roussillon prétend aussi oeuvrer dans la presse. Rudi est passé autrefois par Auxerre, en tant que joueur, il n'en a hélas pas perçu le meilleur : cette fausse modestie, cette feinte humilité, cette obstination surtout à bâtir pièce par pièce, brique par brique, à partir d'un véritable plan. Longtemps, ces vertus ont fait la force de son ancien club. Auxerre, du temps de Roux, n'a jamais annoncé en début de saison qu'il comptait finir sixième. Il n'a jamais non plus, et c'est autrement plus capital, acheté huit joueurs en huit mois en prétendant construire ainsi une équipe.
La situation demeure préoccupante
Le Nantes de cette saison 2006-2007 n'est assurément pas celui que le charlatan Roussillon prédisait. Il va lui falloir batailler durement pour sauver sa place en Ligue 1. Il va donc aussi, on le répète, falloir le soutenir, même quand il sera mal classé et médiocre. Il est bien que les spectateurs en aient pris conscience.
Car surtout, il convient à présent de ne pas s'emballer, de ne pas croire que tout désormais va tourner dans l'huile : Nantes s'est offert un bon bol d'air, il est doux de l'apprécier et de se dire que la descente n'est pas irrémédiable, il faut toutefois se persuader que la situation reste préoccupante, que c'est seulement l'avant-dernier du classement qui a été battu samedi soir, qu'il a joué plus d'une mi-temps à dix et qu'il a terminé avec neuf joueurs valides puisque Sylvain Monsoreau a effectué les dernières vingt minutes sur une seule jambe. Lorsqu'il fut demandé à Fred Da Rocha ce qui manque encore à Nantes pour se sentir mieux, plus en confiance, il répondit : « deux victoires d'affilée ». L'occasion est belle dès lors de souligner que dès samedi prochain les Canaris disputeront à Sedan une rencontre presque aussi importante que celle qu'ils ont remportée face à Monaco. Ils auront l'occasion de basculer dans des eaux plus calmes. Ou de replonger dans les bas-fonds.
Rentrée précieuse de Diallo
Mais n'allons pas plus vite que le championnat. Il y a une victoire à savourer, la deuxième de la saison, du plaisir à prendre, alors ne le boudons pas. Car Nantes a bien mérité son succès. Il l'a échafaudé au cours d'une première période si bien menée qu'elle aurait dû lui permettre de se placer à l'abri. Dès la 1 ère minute, en reprenant de la tête un coup franc botté par Rossi, Mauro Cetto se créa une occasion. Mamadou Diallo jouait souvent juste et sa rentrée se révélait précieuse dans la construction. Le Malien manqua pourtant de réussite (ou d'adresse et de sang froid) lorsqu'il eut l'occasion d'ouvrir le score grâce à un penalty accordé pour une faute de main de Bernardi dans la surface. Il tira si mollement que Flavio Roma, parti du bon côté, sur sa droite, détourna le ballon. C'était le deuxième penalty raté par Nantes en deux semaines.
Norbert, qui suppléait Signorino au poste d'arrière gauche, et Payet se trouvaient impliqués dans l'action qui avait débouché sur cette sanction, ce n'était pas un hasard car ils se montraient tous deux très à l'aise. Le flanc droit des Canaris tournait moins bien. Cubilier possède de toute évidence des limites et Wilhelmsson alternait une nouvelle fois des petites prouesses techniques avec des pertes de balle désolantes. Au moins avait-il le mérite de se battre pour rattraper ses erreurs, c'est ce qu'il fit à la 26è minute : s'étant fait subtiliser bêtement un ballon qu'il croyait maîtriser, il piqua un sprint de cinquante mètres pour le récupérer.
But de Rossi
A défaut d'une bonne vision de jeu, le Suédois a affiché une louable combativité, c'est déjà ça et peut-être a-t-il été piqué au vif par les critiques qui ont sifflé à ses oreilles. Si elles l'ont incité à réagir et à montrer qu'il n'est pas seulement un mercenaire, qui se moque de la couleur de son maillot comme de son premier million d'euros, elles n'auront pas été inutiles. Si elles pouvaient maintenant le conduire à s'appliquer dans ses centres, où son déficit fut impressionnant, notamment en seconde période, ce serait parfait ! Ce joueur possède des qualités, il lui appartient de les insérer dans le jeu collectif.
Saidou, lui, monte en régime depuis plusieurs semaines et il forma avec Faé (un peu moins en vue que certaines fois) un duo de récupérateurs qui fit souffrir les Monégasques. Tous deux participèrent à la construction du but nantais. On atteignait la 28è minute. Faé avait centré, le renvoi de la tête de Bolivar était hasardeux et Saidou tenta sa chance d'une trentaine de mètres. Roma ne put que repousser, Diallo se précipita et plaça le ballon hors de portée du gardien monégasque. Rossi avait suivi, il se montra plus prompt que Givet et il parvint enfin à glisser le ballon dans les filets.
Monaco à 10
Nantes tenait alors le match et il prit garde de ne pas laisser les Monégasques reprendre leurs esprits. Mieux : juste avant la pause, Rossi, lui aussi auteur d'un bon match, très actif en tout cas, ajusta un ballon de deuxième but pour Dimitri Payet dont la reprise de la tête, plongeante et spectaculaire, fila à quelques centimètres du cadre. Les Monégasques manquaient d'air, Di Vaio se laissait facilement piéger en position de hors jeu et Plasil, qui avait été averti dès la 15è minute (en fait il aurait déjà dû l'être deux minutes plus tôt), se rendit coupable d'un nouveau tacle assassin sur Rossi qui lui valut de rejoindre son vestiaire deux minutes avant les autres.
Le deuxième but ne vient pas
Bien que son équipe soit ainsi diminuée d'une unité, Banide opta pour la carte de l'offensive en faisant entrer Menez à la place de Gerard. Peu après, il remplaça Touré par Gakpé et Meriem par Pérez. Monaco réussit alors à se faire, sinon dangereux, du moins assez pressant. C'était évidemment regrettable. Ce le fut aussi de voir les Nantais gaspiller tous leurs ballons de contres. Rossi plaça une reprise de la tête trop molle en conclusion d'une attaque Wilhelmsson – Diallo (65è), Wilhelmsson centra pour personne alors que Diallo et Rossi étaient bien placés (66è), Rossi tira trop doucement lorsque Diallo, lui-même servi par une superbe relance à la main de Briant, lui transmit un précieux ballon (71è). Diallo était donc très souvent dans les bons coups, Rossi également mais le match n'était toujours pas « tué » quand Da Rocha prit le relais de Payet (73è). Wilhelmsson dribbla peu après, il glissa à Diallo qui redonna en retrait sur Rossi. C'était bien joué et le shoot de Julio était parti pour faire mouche. L'excellent Flavio Roma le repoussa (76è).
La grande peur de la 87è minute
Toute la fin de la rencontre fut ainsi à l'avantage de Nantes. Mais le deuxième but ne venait toujours pas et les gorges demeuraient nouées par l'inquiétude. Oliech, qui avait succédé à Diallo, bondissait pour reprendre de la tête un centre de Rossi (85è). Il n'y avait rien à redire, c'était joli. Sauf que Roma était encore à la parade. Et qu'Oliech ne pouvait ajuster le ballon qui lui était revenu.
Les secondes pesaient désormais des tonnes, on évaluait avec hantise les dégâts qu'aurait provoqué une égalisation monégasque, tant dans les bilans comptables que dans les têtes. C'est alors que Gakpé s'en fut en contre-attaque et, ballon au pied, résista à plusieurs Nantais. Une gangue de plomb s'abattait sur la Beaujoire au fur et à mesure qu'il avançait. Il transmit à Di Vaio sur la droite. Vincent Briant avait plongé. Le tir de l'Italien s'égara dans les décors (87è).
Le soulagement fut à la mesure de la peur : immense. Peut-être venions-nous de vivre l'un des tournants de la saison. Quelques longs instants plus tard, ce fut la fin, la joie. Le bonheur. Il reste à le faire prospérer.
B.V, le 29 octobre 2006.