Le score n'est pas sévère
Le match aller, c'était le tout premier du championnat, avait été source d'espoirs. Nantes avait alors infligé à Lens une défaite qui pour les Artésiens fut longtemps leur seule de la saison puisqu' ils demeurèrent ensuite invaincus pendant 19 matches. On sait ce qu'il est advenu depuis. Les Canaris ont laissé leur public sur leur faim, ils sont tombés dans le ventre mou du classement, ils n'ont jamais donné l'impression de progresser réellement, ils ont même évoqué l'éventualité d'une descente. Ils terminent à une anonyme 14è place. Les Sang et Or, eux, se sont installés sur les hauteurs du classement, tout en se permettant de laisser sur la touche des joueurs comme Carrière et Gillet. Entre les deux équipes, il existe une classe d'écart, le déroulement du championnat l'a prouvé, la dernière rencontre de la saison l'a confirmé. Le score de 3-1 n'est en effet absolument pas sévère, et avec un peu plus de réussite et sans quelques brillants derniers arrêts de Mickaël Landreau, la supériorité des Nordistes se serait concrétisée par deux ou trois buts supplémentaires.
Faé tire le premier
Le comble est que Nantes est pourtant parvenu à mener à Félix-Bollaert. Il le dut à une bonne entame de match, comme il en a l'habitude ces derniers temps, et à un taux de réussite maximal. Sa première offensive, à la 20è seconde, avait permis à Oliech d'obtenir un corner. Sa première contre-attaque, à la 8è minute, s'avéra payante. Da Rocha donna un bon ballon à Emerse Faé, lequel s'offrit un déboulé sur la droite. Assou-Ekotto était à ses trousses mais l'Ivoirien résista à son retour, il se rabattit et, parvenu à 10 mètres d'Itandje, il plaça le ballon hors de portée du gardien lensois.
Cette prise d'avantage aurait pu libérer les Canaris. C'est souvent d'ailleurs ce que disent les entraîneurs. « Ah ! si nous avions ouvert le score, nous aurions pu jouer l'esprit plus libre et le match aurait été autre. »
Pas d'ambitions dans le jeu
Eh bien, il semble que le fait de posséder une avance présente pour les Nantais l'effet exactement inverse : il les gêne. Ils se mirent en tout cas à reculer, à perdre le ballon et à afficher de petites ambitions en laissant Dennis Oliech totalement isolé aux avant-postes. Le Kenyan, on l'a déjà dit, possède des qualités intéressantes mais on se demande de plus en plus si la façon dont on essaie de l'utiliser ne va pas à l'encontre des caractéristiques du jeu à la nantaise. En outre, l'expédier au charbon à Lens relevait carrément de la gageure, car les défenseurs artésiens possèdent autant de répondant que lui, sinon plus, sur le plan physique. Jamais, il ne les a pris de la vitesse. Il faut dire aussi qu'il ne fut pratiquement pas servi et qu'il ne bénéficia d'aucun appui.
Il faut vraiment arrêter avec ce type de football, l'intersaison arrive à point pour que Serge Le Dizet s'y décide une fois pour toutes. On a bien écrit Le Dizet, laissant ainsi clairement entendre que l'on est favorable au maintien du coach actuel. Mais que l'on souhaite ardemment qu'il en revienne aux idées directrices qu'il avait exposées lors de sa prise de fonction, en janvier 2005, alors qu'il se réclamait de Jean-Claude Suaudeau. Du jeu, du jeu, du jeu ! En en produisant à Lens, le FC Nantes aurait-il ainsi encaissé trois buts ? Peut-être mais au moins il aurait progressé, au moins il se serait attiré la sympathie et le respect du public, au moins ses joueurs auraient-ils pris du plaisir, au moins il aurait acquis la conviction que des jours meilleurs l'attendent.
Jussié égalise
Car, évidemment vous le savez, les Canaris n'ont pas fait la course en tête très longtemps à Félix-Bollaert. Emerse Faé avait marqué à la 8è minute, Jussié égalisa à la 19è. Le feu s'était alors déclaré devant la cage des Canaris. Jussié tira une première fois sur la barre, la défense nantaise dégagea comme elle le pouvait, c'est à dire mal et le ballon revint à Assou-Ekotto. Le défenseur lensois décocha un centre au second poteau qui loba Guillon. Embusqué derrière l'arrière gauche canari, Jussié contrôla de la poitrine et trompa Landreau d'un shoot croisé. Capoue, lui, s'était contenté d'un rôle de spectateur.
On a parlé de Guillon arrière gauche et c'est rappeler l'absence de Signorino. Il a bien manqué. Le Limousin, qui depuis plusieurs semaines fait belle impression au centre de la défense, a éprouvé en effet des difficultés à se réadapter à son ancien poste. Et comme Capoue ne se trouvait pas dans un bon soir, le jeu sur le côté gauche fut assez inexistant. La charnière centrale Cetto – Das Neves souffrit elle-aussi face aux attaquants adverses, à la fois percutants et habiles techniquement.
Nantes dans les ténèbres
Deux minutes à peine après le but de Jussié, les Lensois remirent le couvert. Sur un corner, Toulalan, de la tête, expédia dans les airs un ballon que Landreau voulut repousser des deux poings. Son renvoi fut trop faible et permit à Keita de décocher un obus. Sur la barre. Aruna se trouvait au rebond, il se montra plus prompt que Faé et poussa le ballon dans les filets. Nantes était KO, dans les ténèbres, et la vérité oblige à dire qu'il ne retrouva pratiquement jamais la lumière.
Durant les 70 minutes qui suivirent, on n'eut que deux attaques à inscrire à son crédit. Sur la première, Capoue adressa de la gauche un centre sur lequel Oliech se révéla trop court (48è). Sur la seconde, Da Rocha, servi par Capoue, tira à côté. On atteignait alors l'heure de jeu et si le score n'avait pas varié, la domination lensoise s'affirmait de plus en plus. Nantes courait après un ballon qui devenait de plus en plus insaisissable.
Les buts comme ça, Nantes autrefois les marquait
Mickaël Landreau avait repoussé un shoot de Jussié (46è) . Il fut suppléé par sa transversale sur une tentative de Thomert (71è). Il sauva ensuite son camp face à Thomert (72è), Aruna (79è) et Jussié (81è). Mais à quatre minutes, à la suite d'un superbe enchaînement d'Aruna qui enrhuma la défense, il se retrouva les fesses sur la pelouse, désarçonné par le superbe centre en retrait de l'Ivoirien. Coulibaly, monté de l'arrière, n'eut plus qu'à loger le ballon dans les filets. Les buts comme ça, Nantes, autrefois, les marquait. Aujourd'hui, il les encaisse.
La fin fut d'autant plus pénible que peu à peu un courant de joie se propageait dans les tribunes de Bollaert. Lens apprenait que Lille avait égalisé à Rennes, que Bordeaux était revenu sur Marseille et qu'il était ainsi qualifié pour la Coupe de l'UEFA. Le public chantait, les joueurs dansaient.
Les risques du recrutement
Les Nantais, eux, n'avaient plus qu'à s'éclipser vers les vestiaires. Pour Olivier Quint, entré à la 83è minute à la place d'Oliech, c'était la dernière fois. Pour Mickaël Landreau et Jéréméy Toulalan aussi, hélas, du moins sous le maillot canari. Tous deux n'ont sans doute pas réalisé leur match de l'année en Artois, mais ils ont, une fois de plus, montré combien ils seront difficiles à remplacer. D'autant que Nantes n'a pas su former leurs successeurs et qu'il va donc falloir les recruter. Avec tous les risques que pareille opération comporte. On notera à ce sujet que depuis cinquante ans, la cage nantaise est préservée par un gardien-maison. Trois géants s'y sont succédé : Daniel Eon, Jean-Paul Bertrand-Demanes et Mickaël Landreau. D'autres ont réussi, un peu moins bien, mais réussi quand même comme David Marraud, Jean-Michel Fouché et Dominique Casagrande (recruté à Muret, en CFA). Mais jamais en un demi-siècle, jamais le FC Nantes n'avait eu besoin d'aller piocher ailleurs. Et jamais un gardien venu de l'extérieur ne s'est imposé ici. Dites, il est comment Stojkovic ? Meilleur que Milani et Montanier, présentés en leur temps comme d'authentiques petites merveilles ? Et elle est où, cette fois encore, la formation à la nantaise ?
B.V. le 14 mai 2006.