Trop de désappointement, de désillusions, d'incertitudes
La fête donc a été gâchée. Mais pouvait-il en aller différemment ? Il y avait trop de tristesse ancrée au fond de nos cœurs, trop de désappointement qui perçait dans la douceur de cette belle soirée printanière, trop de désillusions accumulées depuis plusieurs saisons pour que cette soirée d'adieux ne nous laisse pas désemparés, désenchantés, désillusionnés. Et le speaker, à la fin, lesta un peu plus le poids de notre nostalgie en nous présentant les joueurs comme s'ils allaient tous rester et que le roman allait continuer à s'écrire avec les mêmes acteurs. La moitié du stade seulement l'entendait, tant la sono est défectueuse, mais il gueulait à tue-tête que nous avions devant nous le FC Nantes-Atlantique. Et nous, nous nous demandions bien ce qui va en rester.
Il en est certes que nous ne regretterons guère, en revanche nous savons bien que nous nous remettrons difficilement des départs de Landreau et de Toulalan et de l'âge qui doucement mais trop sûrement va bientôt saisir au collet quelques uns de nos derniers joueurs emblématiques. Et Micka lui-même, à force de répéter depuis trois jours les mêmes mots, les mêmes phrases, finit par ajouter à notre trouble en lâchant : « les gens ne se situent pas forcément sur une longueur d'ondes identique à la mienne, nous ne ressentons pas les choses pareillement. Je les sens plus tristes que moi. Pour eux, c'est une fin, mais moi je continue. » Comme si d'un coup, il tenait à ce que le conformisme du footballeur prenne le pas sur les sentiments.
Ramé en état de grâce
Bref, en quittant le stade, nous n'éprouvions guère l'envie de sourire, les Bordelais d'ailleurs nous avaient prouvé que pour eux, pour leur mentor Ricardo en particulier, la pelouse n'est pas un endroit où l'on s'amuse. Les Girondins, fidèles à leur rigide image, étaient venus pour fermer la boutique du spectacle et essayer de gagner, en produisant, comme à leur habitude, le minimum de jeu. Quitte à doucher un peu plus notre enthousiasme. Face à leur hermétique machine, les Nantais, qui ne possèdent pas des individualités aussi talentueuses, ont fait ce qu'ils ont pu, souvent avec application, pas toujours avec suffisamment d'audace. Ils se sont inscrits dans la continuité d'une fin de saison qui les voit présenter des copies plus qu'honnêtes. Mais comme devant Paris ou à Monaco, il leur a manqué un petit quelque chose, la chance, la réussite, la mobilité, le réalisme, pour parvenir à leurs fins. Et pour leur compliquer encore plus la vie et la soirée, ils ont dû affronter un gardien en état de grâce et composer avec un arbitre à côté du sujet.
Tête de Savinaud sur la barre
Dès la 2è minute, les Nantais purent regretter leur déveine. Sur un coup franc botté par Capoue, Savinaud, totalement démarqué, décocha un coup de tête qui laissa Ramé figé sur sa ligne. Le ballon ricocha sur la barre !
Sur leur lancée, les Nantais, comme ils l'avaient fait à Monaco s'assurèrent le contrôle du jeu. Mais comme ils ne se créèrent plus de franches occasions de but, les Girondins finirent par mettre le nez à la fenêtre, tandis que le kop de la tribune « Presse-Océan » commençait à crier « Gripond démission ! Gripond démission ! » Dans la tribune officielle, on fit mine de s'étonner de cette réaction, pourtant rappeler à Croquemort, symbole de l'incompétence, combien ceux qui aiment ce club le méprisent et le haïssent n'avait rien de superflu en une telle soirée.
Bons débuts pour Das Neves
Le jeu, lui, s'était donc équilibré, et sur une remise à demi ratée d'Alonso, Francia mystifia Guillon et se retrouva seul face à Landreau (15è). Il expédia le ballon dans les nuages. Ouf ! La suite devint moins passionnante. Les Canaris manquaient de mobilité et de spontanéité, donc de solutions, et Oliech se retrouvait souvent trop isolé aux avant-postes, situation qui l'incitait à revenir chercher le ballon en arrière. Capoue, sur la gauche, obtenait quelques coups francs, Toulalan se montrait précieux dans l'entre jeu où il alternait avec Bocundji Ca. Quant à Kevin Das Neves, il s'affichait déjà comme l'une des principales satisfactions de cette rencontre. C'était son premier match en Ligue 1, il l'a réussi et sa prestation a amené Serge Le Dizet à déclarer qu'il a prouvé « que la formation nantaise n'est pas morte » Eh bien alors, il va falloir lui faire confiance et il aurait été bon qu'on s'en soit rendu compte plus tôt, lorsqu'on est par exemple allé acheter le défenseur central Jean-Jacques Pierre pour l'essayer ensuite au poste d'arrière droit.
Tête d'Oliech, Ramé repousse
Toulalan plaça un shoot d'un peu plus de vingt mètres que Ramé dévia en corner (33è), puis à la suite d'une longue action construite, Oliech servi Da Rocha en retrait. La frappe passa de peu à coté et on atteignit la pause sur un score vierge qui était un peu flatteur pour les Bordelais. Mais ces derniers changèrent leurs batteries au repos, Ricardo décidant de remplacer Denilson et Alonso par Faubert et Chamakh. Il en résulta un changemet de rythme du côté des Girondins, grâce notamment au premier nommé. Si bien que Landreau se trouva bientôt invité à effectuer sa première intervention de la rencontre (50è) et qu'il ne fut pas mécontent de voir, juste après, une reprise de la tête de Faubert filer hors du cadre.
Aurélien Capoue s'éteignait petit à petit, il se distingua pourtant encore à deux reprises. D'abord de mauvaise manière, en ratant une passe de trois mètres pour Toulalan, erreur qui permit à Faubert d'aller semer la perturbation sur le flanc gauche de la défense nantaise (56è). Capoue se rattrapa peu après, en distillant cette fois une surprenante talonnade pour Signorino. L'ancien Messin fila le long de la touche et délivra un centre sur lequel Oliech se détendit. C'était très bien joué. Seulement la détente d'Ulrich Ramé fut tout aussi remarquable et il repoussa le ballon en corner (61è).
Penalty de Darcheville
Faé et même Guillon amorçaient des offensives, il leur manquait toutefois un poil de lucidité pour bien les terminer et le tournant du match survint lorsque l'arbitre sanctionna d'un penalty une faute, à priori peu flagrante, de Guillon sur Mavuba. Darcheville prit place face à Landreau, le public scanda « Mickaël, Mickaël », espérant un dernier exploit et c'est sur le front de l'artilleur girondin que perlèrent les gouttes d'une sueur qui était peut-être celle de l'anxiété. Le pied du Guyanais pourtant ne trembla pas : il expédia Landreau aux pâquerettes. « Je crois quand même qu'il n'était pas rassuré, assure Mickaël, d'ailleurs après, comme s'il était soulagé, il n'a pas pu s'empêcher de réexpédier le ballon au fond des filets. » « J'ai vraiment eu peur que Landreau l'arrête, » confia de son côté Ricardo.
Il restait 12 minutes aux Canaris pour échapper à la défaite. Ils tentèrent le tout pour le tout et Serge Le Dizet fit entrer, aux places de Ca et de Da Rocha Mamadou Diallo puis Keserü que l'on aurait vraiment voir plus fréquemment cette saison (mais on sait qu'il a collectionné les pépins physiques).
Keserü sur la barre
Sur son premier ballon, le jeune Roumain faillit d'ailleurs signer un exploit puisqu'il catapulta le ballon sur la transversale. Encore convient-il de signaler que la faute de Jurietti sur Diallo avait été commise à l'intérieur de la surface et qu'elle était donc passible d'un penalty.
Mais Tony Chapron n'était plus à une erreur près, tant il les collectionnait depuis plusieurs minutes, ce qui avait valu à Signorino et Ca, pas d'accord avec lui, de récolter des cartons jaunes. A 5 minutes de la fin, Oliech fut stoppé irrégulièrement par Ramé et l'arbitre n'hésita pas : penalty et carton rouge. Il en était là de ses décisions quand il s'aperçut que depuis un bon moment son assistant brandissait son drapeau pour lui signaler que le Kenyan se trouvait en position de hors-jeu. Embêté, il s'en fut aux nouvelles et revint, logiquement, sur sa double sanction. Bordeaux poursuivit donc son opération Fort Chabrol à 11.
« Pas le plus joyeux, mais le plus émouvant »
Quint, lui, vint humer le parfum de la pelouse de la Beaujoire une dernière fois, en remplaçant Capoue (86è). On crut jusqu'au bout à l'égalisation et donc à un meilleur scénario. Mais Ramé, ancien adversaire de Landreau pour la place de troisième gardien en équipe de France, était résolu à ne consentir aucun cadeau. Il renvoya une frappe de Diallo (92è). Et surtout, à la dernière seconde, il repoussa un shoot de Savinaud.
C'est donc par un soir de défaite que Mickaël Landreau nous a fait ses adieux. Il effectua quand même un tour d'honneur. « Assurément pas le plus joyeux de ma carrière, reconnut-il, mais le plus émouvant. »
B.V. le 7 mai 2006.