Il reste quelques instants à jouer. Jérémy Toulalan s'est penché en avant, les mains sur les genoux et, tandis que ses coéquipiers relancent le jeu, il s'accorde quelques secondes de répit. Il les a bien méritées : Toulalan a été énorme, oui HENAURME, tout au long de la rencontre. Il a récupéré un nombre invraisemblable de ballons. Il a relancé inlassablement et souvent judicieusement, puisque l'une de ses ouvertures a amené le premier but de Diallo. Il a bouché les espaces, il a créé des décalages. Il a feinté, il a esquivé, il a dribblé. Tout à l'heure, ils étaient trois Lorrains accrochés à ses basques et, ballon collé aux pieds, un déhanchement par-ci, un changement de direction par- là, il les a tous semés, dans un espace grand comme un mouchoir de poche. Nantes mène 3-1, il maîtrise la situation. Toulalan ignore que Dimitry Payet va enfoncer plus profondément encore le clou qui scotche les espoirs messins sur la croix de Lorraine, mais il sait que plus rien de fâcheux ne peut arriver. Que Nantes a gagné, que Nantes est sauvé d'une possible relégation, que Nantes peut envisager, à moyen terme, de basculer enfin dans la première moitié du classement. Alors, un sourire éclaire joliment son visage fatigué et il se redresse pour repartir à la conquête des quelques derniers ballons qui pourraient traîner.

Toulalan, Landreau, Diallo, Guillon, Cetto

Jérémy Toulalan a confirmé sur la pelouse grasse de Saint-Symphorien qu'il est, avec Mickaël Landreau le coleader de l'équipe nantaise. Tous deux ont été impeccables. Le premier par son activité et sa science du jeu, le second en réalisant des arrêts déterminants en fin de première période, alors que les Canaris étaient ballottée dans les remous provoqués par des Messins poussés par la rage et la lueur d'un ultime espoir.

Plusieurs autres Nantais ont su toutefois hisser leur niveau de jeu. On pense notamment à Loïc Guillon, auteur d'un but, son premier en pro, et d'une passe décisive, et à Mamadou Diallo qui a signé un doublé et qui, mine de rien, en est à six ballons expédiés dans les filets depuis le début de la saison (plus un contre Lyon en Coupe de la Ligue). Quant à Signorino qui tenait à se faire remarquer en Lorraine, il a atteint son objectif, c'est clair.

Un match spectaculaire

Tout n'a pas été parfait, pas autant que pourrait le laisser supposer le score. Mais justement le score est là et il est tout de même édifiant. Certes il y a eu du déchet dans le jeu, dans les relances, y compris parfois celles de Toulalan. Certes des situations offensives ont été mal négociées et des occasions gaspillées. Certes la chance a parfois accordé un petit coup de pouce. Certes en face ce n'était que Metz. Certes, certes. Il n'empêche : une victoire par 4-1, alors qu'au coup d'envoi on n'aurait pas forcément craché sur un nul, constitue dans le contexte actuel à la fois une bouffée d'oxygène et une source de joie. D'autant qu'elle est arrivée comme la récompense d'un match spectaculaire et de bonne qualité.

Rossi-Signorino : ça marche

En fait, Nantes a eu la chic idée d'empoigner la partie par le bon bout, en se montrant sérieux défensivement mais en sachant aussi poser le jeu, afin de faire courir les Messins et de tenir le ballon le plus loin possible du territoire de Landreau. Serge Le Dizet avait concocté un schéma en 4-2-3-1, avec Ca et Toulalan à la récupération, et Mamadou Diallo en pointe. Julio Rossi avait été titularisé pour la première fois, sur le flanc offensif gauche où il démontra, à défaut d'une grande condition physique, une habileté et une intelligence qui lui permirent d'accorder parfaitement son jeu à celui de Franck Signorino. Lequel multiplia les montées et se fit applaudir à plusieurs reprises par son ancien public. Dimitrijevic était chargé de diriger les offensives, tout en bénéficiant d'une assez large liberté, alors que Da Rocha, décidément en net regain de forme, constituait à droite le pendant de Rossi.

Ce dernier flaire bien les coups, on l'a dit, et son instinct de renard lui permit d'adresser une passe en or, plein centre, à Dimitrijevic, à la 13è minute. Signorino avait alors foncé sur l'aile gauche, faisant diversion, et c'était plutôt bien joué. Milos se retrouva seul face à Wimbée, il tenta immédiatement sa chance, du gauche. Il la rata.

Le premier but de Guillon

C'était la première grosse occasion de la soirée et si Dimitrijevic sembla éprouver quelque peine à digérer son échec, elle conforta ses coéquipiers dans le sentiment que leur football était orienté dans le bon sens. Toulalan et Ca récupéraient déjà de nombreux ballons, souvent assez hauts, et Da Rocha expédia de 25 mètres un boulet qui réchauffa les gants de Wimbée. Les Nantais obtenaient aussi des corners et des coups francs. Une faute de Medjani sur Diallo, à la 23è minute, (avec un carton jaune en prime) permit ainsi à Dimitrijevic de catapulter une ballon que Beria repoussa sur Loïc Guillon. Le Limousin ne fit ni une ni deux : il décocha, du gauche et de volée, un obus qui alla se ficher dans la lucarne de Wimbée. On vous laisse imaginer la joie d'un garçon qui possède un esprit-club exemplaire mais a parfois été brûlé à la forge des critiques et a passé une bonne partie du dernier automne sur le banc.

Maginfiques arrêts de Landreau

Juste après, Diallo eut un ballon de KO au bout des crampons, il s'échappa sur la droite mais il ne parvint pas à servir Dimitrijevic en retrait. On ne pensait évidemment pas à cet instant que Mamadou se rattraperait largement par la suite, sur le moment en tout cas on regretta amèrement qu'il ait gâché pareille aubaine. Car presque aussitôt, à la 27è minute, Metz égalisa, par Proment. Ce dernier profita d'un mauvais dégagement de Signorino pour mystifier Landreau, d'un tir à rasant de 18 mètres.

Ce but changea complètement la physionomie de la partie. Dopés, les Messins se lancèrent en effet résolument à l'offensive et Nantes commença à subir. Sa défense plia, elle se mit aussi à commettre plusieurs fautes. Si elle ne rompit pas, ce fut grâce à Landreau. Mickaël détourna du bout des gants un boulet de Huszti (31è). Il repoussa une nouvelle tentative du Hongrois (40è). Il poussa un ouf de soulagement lorsque sa transversale frémit sous l'impact d'un shoot de Ouadah, légèrement et heureusement détourné de la tête par Guillon.

Diallo joue les pompiers

L'incendie couvait d'autant plus que Medjani et Ouadah s'efforçaient de muscler et d'envenimer les débats. Mamadou Diallo enfila alors l'uniforme du pompier et il se chargea d'éteindre le feu. Sur un long service en profondeur de Toulalan, il résista à Medjani qui tentait de le rejoindre et, parvenu devant Wimbée, légèrement décalé sur la gauche, il lui glissa le ballon entre les jambes (42è).

La pause était en vue, Nantes l'atteignit sur ce précieux score de 2-1 et sur les dernières minutes que l'on venait de voir on pouvait estimer qu'il s'en sortait bien. D'autant que Landreau, juste après le but de Diallo, avait réalisé un arrêt exceptionnel sur un shoot à bout portant de Youla.

Le gardien nantais se distingua encore en début de seconde période sur des tirs de Oaudah (46è, il faillit être pris à contre pied) et de Youla (61è, il se détendit et détourna en corner). Si bien que les Messins se mirent à douter de plus en plus fort et que Nantes recommença progressivement à poser sa patte sur le match (même si Savinaud et Toulalan furent avertis coup sur coup). Diallo hérita d'une nouvelle occasion sur une passe judicieuse de Dimtrijevic. Il n'obtint qu'un corner (63è). Mais Milos alla botter ce dernier, la défense messine cafouilla, Beria renvoya sur Guillon. Ce dernier vit Diallo en retrait, il lui transmit immédiatement le trésor et le Malien décocha un shoot qui fit mouche.

Premier but de Payet

Pour les Messins, ce fut le coup d'assommoir et tout devint facile pour les Nantais qui firent apprécier une maîtrise inhabituelle. Cette fois, ils étaient en confiance. Serge Le Dizet n'en resserra pas moins les boulons de sa défense en faisant entrer Delhommeau à la place de Rossi. Nantes passa alors en 5-2-1-2, Da Rocha rejoignant Diallo en attaque ((65è). Dimitrijevic eut deux ballons de quatrième but, il ne put éviter l'intervention de Wimbée sur le premier (67è), il plaça le second quelques centimètres à côté (72è). Dimitri Payet se montra plus adroit. Ayant remplacé Diallo à la 88è minute, il se précipita, trois minutes plus tard, pour reprendre un centre de Signorino. D'une pichenette, tout en finesse, le jeune Réunionnais, qui n'avait même pas été convié cet été lorsque fut prise la photo officielle du groupe, plaça le ballon hors de portée de Wimbée.

B.V. le 22 janvier 2006.