Laborieux, certes, mais très, très précieux.
Sur le centre de Bamogo, prolongé par Da Rocha, Aurélien Capoue a jeté son pied gauche et propulsé le ballon dans la cage de Trévisan. Il s'est alors précipité vers Bamogo et ensemble ils ont esquissé un pas de danse que Capoue avait visiblement répété. Comme s'il s'attendait à marquer son deuxième but en deux matches. Cette scène de joie risque fort de constituer l'image forte qui demeurera de cette rencontre à Ajaccio. C'est elle qui restera probablement ancrée dans la mémoire collective et que l'on évoquera dans quelques années, lorsque sera venu le temps d'évoquer cette laborieuse saison 2005-2006.
La quasi-assurance de ne pas descendre
Laborieuse, elle l'est encore, n'en doutons pas, même si ce succès en Corse permet de donner un autre sens à la vie en championnat tandis que le tirage au sort de la Coupe de France laisse penser qu'il existe un futur dans cette compétition. On ne va certes pas s'emballer. On sait bien en effet que le championnat prendra une tournure différente seulement si la rencontre face à Nice, samedi soir, ne se solde pas par une gamelle. Et on prendra garde de ne pas vendre à l'avance la peau de Bois-Guillaume. Il n'est qu'à se souvenir du naufrage de l'an passé à Boulogne pour se convaincre qu'il s'agirait d'une grande imprudence.
En attendant, peut-être des jours meilleurs donc, les trois points ramenés d'Ajaccio se présentent comme un véritable trésor et la quasi-assurance de ne pas descendre en mai prochain. Nantes aujourd'hui compte 26 points et comme on peut penser, en considérant l'allure d'escargot adoptée par les trois derniers, que 36 ou 37 suffiront pour assurer le maintien, il est quand même plausible de supposer que les Canaris parviendront à ce total. Sauf catastrophe évidemment.
Compte-tenu du contexte, c'est bien
Les augures qui promettaient un mois de janvier infernal pour les Canaris en sont donc pour leurs frais. La défaite injuste contre Rennes n'est certes pas effacée, elle demeurera sur les tablettes, mais ses méfaits arithmétiques sont déjà gommés et on ose croire qu'il en est de même dans les têtes. En tout cas, Nantes n'a pas donné l'impression à Ajaccio d'être une formation qui doute et ses mérites sont d'autant plus grands qu'elle était privée de Toulalan et Signorino, lesquels comptent ordinairement parmi les plus combatifs. Les Canaris n'ont assurément pas effectué une grande démonstration de football mais ils ont pris les débats par le bon bout, en fonction de leurs moyens, et du contexte. Sauf à être le Barça, et Nantes hélas en est loin, il eut sans doute été suicidaire de vouloir se lancer dans un jeu tout en dentelles et en entrechats sur un stade dont chaque pouce de pelouse empestait le piège tellement les Corses se montraient déterminés à utiliser tous les moyens pour enrayer la spirale de défaites qui les accable. Habib Bamogo se retrouva ainsi la tête sur le gazon plus souvent qu'à son tour et Laurent Duhamel aurait été bien inspiré en réfrénant davantage les ardeurs guerrières d'André Luiz.
Ils ont fait front
On retiendra cependant qu'à chaque fois que Nantes posa le jeu et fit courir le ballon, les Ajacciens se retrouvèrent la tête sous l'eau. Le reste du temps, en seconde période surtout, les Canaris s'évertuèrent essentiellement à faire front, avec détermination, et à renvoyer les ballons, sans trop de précision. Mais comme ils avaient su précédemment creuser l'écart, on ne leur en demandait pas à priori davantage, l'essentiel consistait alors à conserver le butin et à ne pas craquer. On notera aussi que même lorsque la pression corse se fit intense, Mickaël Landreau ne fut en définitive que très rarement inquiété. Preuve que ses défenseurs contrôlaient la situation, sans doute pas de façon très académique, n'est-ce pas Mauro Cetto, mais ils bouchaient tous les espaces et faisaient courageusement barrage face aux tireurs. Si bien que les tirs cadrés des Ajacciens frôlèrent le zéro absolu.
Capoue marque encore
Les Nantais entamèrent pourtant la partie sur la pointe des crampons, hésitant à se découvrir et prêts à faire le dos rond face à un éventuel orage. Mais d'orage, il n'y en eut point. Les Corses ne sont visiblement pas en mesure d'en déclencher actuellement et lorsqu'ils bénéficièrent d'un coup franc bien placé, à la 6è minute, André Luiz ne trouva rien de mieux à faire que d'expédier un obus directement sur Chafni. Lequel, sur ce coup-là, renforçait en quelque sorte le mur canari… Les Corses procédaient de façon aveugle et leur manque de lucidité incita les Nantais à chercher la lumière. Leur première véritable offensive s'avéra la bonne. Suite à un mauvais dégagement des Corses, Fred Da Rocha alerta Bamogo sur la droite. Ce denier déborda et centra pour Da Rocha qui avait poursuivi son action. Le vieux soldat ne put reprendre mais il prolongea le ballon vers Capoue qui saisit l'aubaine à plein pied gauche. On jouait la 13è minute et c'était son deuxième but de la saison. Il ressemblait d'ailleurs un peu à son premier obtenu du pied droit, moins d'un quart d'heure auparavant, en temps de jeu, face à Valenciennes. Il fêta l'événement de joyeuse manière, on l'a dit.
Trop de gaspillage dans les relances
Mais Nantes ne se mit pas à danser pour autant. Une reprise de la tête de Lucas aurait même pu tout remettre en cause. Elle passa à côté (18è). Quelques instants plus tard, Capoue le buteur se transforma en passeur et il fit preuve en l'occurrence de beaucoup de lucidité en ne choisissant pas de servir au centre Bamogo ou Diallo, en position de hors-jeu. Il alerta Loïc Guillon sur la gauche et le Limousin ne rata pas l'occasion de célébrer de belle façon son 24è anniversaire. Il décocha un centre impeccable et légèrement en retrait pour Diallo. Lequel reprit victorieusement, du bout du pied, au premier poteau (24').
Nantes menait 2-0. C'était presque inespéré et à partir de là on eut droit à un autre match. Bien groupés en milieu de terrain, solides en défense bien que gaspillant beaucoup trop de ballons de relance, les Canaris se mirent en situation d'attente. Or, ils ne virent pas grand chose venir, excepté un tir de Rodrigo que Landreau détourna d'une main ferme (35è). Delhommeau et surtout Cetto, lequel livrait un duel acharné à Lucas, étaient les plus sollicités, parce que les Ajacciens s'obstinaient à expédier de grands ballons aériens dans le paquet mais ils ne cédaient rien.
Longue seconde période
Les Nantais faisaient également barrage à chaque fois qu'un Corse essayait de décocher un shoot. A l'opposé, Bamogo, dans un rôle hybride l'amenant un peu partout sur le terrain, continuait à procurer des soucis aux Corses, au grand dam d'André Luiz qui n'hésitait pas à lui chatouiller les chevilles, et même plus haut.
Les Nantais résistèrent donc jusqu'à la pause. Et ils eurent la bonne idée d'entamer la seconde période sur de bonnes bases, si bien que lorsqu'on atteignit l'heure de jeu le découragement se propagea peu à peu dans les rangs de l'équipe ajaccienne. Ses longs coups de pied demeuraient vains, de même que les fautes d'intimidation de Laurenti et de Rodrigo. Landreau n'était toujours pas mitraillé et le succès des Nantais prit des contours que chaque minute précisait un peu plus. Ces minutes s'égrenèrent tout de même terriblement lentement car la défense canari, si elle renvoyait tout, manquait de sérénité. Elle renvoyait trop de munitions directement à l'adversaire. Le milieu de terrain manquait également de maîtrise et Da Rocha, qui avait beaucoup couru, ne parvenait plus à garder le ballon ou à en faire bon usage.
Solidarité, vaillance, générosité : ce n'est pas rien
C'était laborieux. Mais le résultat était au bout de tous ses efforts, il récompensait l'esprit de corps, la vaillance, la solidarité, la générosité et, même, le réalisme d'une équipe qui a su se battre, jusqu'au bout, sur tous les ballons. Sur un terrain miné comme l'est souvent celui d'Ajaccio, il ne s'agit pas de minces vertus et il serait sans doute malvenu de faire les difficiles. Il n'est pas interdit, au contraire, de mettre à la raison un adversaire inférieur. Surtout quand une semaine plus tôt on n'a pas su concrétiser sa supériorité face à Rennes. Nantes n'avait d'ailleurs plus gagné à l'extérieur depuis le match aller face aux joueurs de Boloni. C'était le 6 août. Et il a rendu aux Ajacciens la monnaie de la mauvaise pièce qu'ils leur avaient jouée à la Beaujoire, une semaine plus tard.
Alors, Aurélien Capoue a eu raison : ce succès valait bien quelques pas de danse.
B.V. le 12 janvier 2006.