Avec le manteau d'hiver
Nantes revient avec un point, il l'a arraché avec son manteau d'hiver, recroquevillé sur lui-même. Avec son cœur et ses tripes, son esprit de corps et sa solidarité. Avec un peu de chance aussi. Et même un zeste de talent, celui qu'il montra en fin de première période, quand il sut poser le ballon sur l'herbe et faire preuve de calme et de lucidité. C'est d'ailleurs durant cette période qu'il se créa sa meilleure occasion, pour ne pas dire la seule, elle fut ratée par Nicolas Savinaud à la demi-heure de jeu.
Mais on se gardera bien de faire la fine bouche : une victoire nantaise aurait vraiment ressemblé à un hold-up et le nul obtenu au terme d'une véritable bataille, « de tranchées, » préciseront certains, constitue déjà un butin des plus appréciables. Il permet en tout cas aux Canaris d'attendre d'une part avec une certaine confiance le nouveau rendez-vous qui leur est donné à Lescure, mardi soir en Coupe de la Ligue, et d'autre part de conserver une marge appréciable avec les candidats à la rélégation.
Une mauvaise série brisée
On évitera aussi de verser dans des considérations définitives, du genre « c'est comme ça qu'il faut jouer à l'extérieur. » Quand on est une équipe de fin de tableau, mais c'est un peu le cas de Nantes actuellement direz-vous, la réponse peut effectivement être positive. En revanche, lorsqu'on veut voir plus haut, progresser et entretenir des ambitions à la fois dans le jeu et les résultats, sans doute convient-il de se monter plus ambitieux. Répétons-le pourtant : on ne va pas faire les difficiles. Pour au moins deux raisons. D'abord parce que la situation de l'équipe demeure fragile, ensuite parce qu'il lui avait fallu déplorer plusieurs absences, notamment sur le plan défensif. On pourrait ajouter qu'elle se trouvait sur le terrain d'un adversaire qui roule en tête du championnat et qui, accessoirement, figure toujours parmi ses ennemis intimes. Les raisons de se montrer circonspect et calculateur étaient donc multiples, Serge Le Dizet a en outre pris soin de préciser, après coup, que le plan de jeu adopté à Bordeaux était conjoncturel et tenait aussi du désir clairement affiché de briser une série de résultats négatifs à l'extérieur.
Une prudence affichée
L'objectif a été atteint et on ne saurait que s'en réjouir. Ce dispositif spécial- Bordeaux était basé sur la prudence puisque Nantes se présenta avec quasiment une défense à cinq, Leray, Cetto et Guillon dans l'axe, Da Rocha et Capoue sur les côtés. Faé et Savinaud étaient à la récupération alors que Dimitrijevic avait hérité d'un rôle plus hybride, lequel l'amenait soit sur le flanc droit quand Da Rocha se situait vraiment en position d'arrière droit, soit dans l'axe et alors davantage en soutien des deux attaquants Bamogo et Diallo lorsqu'il fallait relancer le jeu. Milos alternait en outre de temps à autres avec Savinaud, autant dire qu'il avait intérêt à ouvrir l'oeil, à se démener et à faire preuve de sens tactique pour se tirer au mieux d'une fonction qui, à première vue, n'entre pas forcément dans son registre préféré.
Nantes afficha donc sa prudence d'entrée et les premières minutes ne lui donnèrent pas franchement l'envie d'en dévier. Elles furent en effet laborieuses avec, dès la 4è minute, un boulet de Bruno Cheyrou repoussé par Landreau. Une mauvaise passe de Faé, interceptée par Alonso, provoqua une alerte plus chaude encore puisque le petit Argentin de Bordeaux alerta Darcheville en profondeur et il fallut une sortie en catastrophe de Landreau, du pied, pour écarter le danger. Les Nantais éprouvaient alors des difficultés à desserrer l'étau, Faé, Savinaud et même Dimitrijevic perdaient trop de ballons apparemment faciles en milieu de terrain et leurs rares contres n'allaient guère au delà d'une zone située à 25-30 mètres de la cage de Ramé.
Occasion pour Darcheville
On pouvait redouter le pire. Il faillit advenir à la 15è minute, suite à une percée d'Alonso sur l'aile droite. La défense nantaise était cette fois hors de position et, sur le centre, Darcheville parvint à s'immiscer entre Landreau, Leray et Da Rocha. Sa reprise fila au ras du montant. De rage l'attaquant bordelais alla asséner un coup de pied dépité sur l'autre poteau. Quelques instants plus tard, à la suite d'un coup franc provoqué par Dimitrijevic (carton jaune quelque peu abusif en prime), Henrique et Jurietti se retrouvèrent face à la cible mais ils eurent la riche idée de se gêner plutôt que d'exploiter l'opportunité (24è) et Guillon survint en trombe pour clarifier la situation.
Les Canaris étaient alors vraiment dans leurs petits crampons. Progressivement pourtant ils reprirent des couleurs. Ils commencèrent à s'appliquer d'autant que les Girondins éprouvaient le besoin de reprendre souffle et que leur pressing se faisait moins ardent.
Puis pour Savinaud
Capoue commençait à monter sur son côté gauche et à montrer un volume de jeu qu'on lui a rarement connu. C'est lui qui à la 30è minute ajusta un centre sur la tête de Diallo dont la remise de la tête projeta le ballon dans les pieds de Savinaud, face au but. Nicolas expédia son shoot à côté de la cible. C'était la première occasion nantaise de la partie, ce fut indéniablement la plus belle. Même si, à peine deux minutes plus tard, Diallo, serré de près, vit passer devant lui, sans pouvoir le reprendre, un centre de Bamogo. Ce dernier, souvent isolé, et donc personnel, se démenait sans cesse en cherchant une faille tout de même difficile à trouver. D'autant qu'en face on ne lui faisait pas de cadeaux et qu'on ne lésinait guère sur les moyens permettant de l'arrêter.
L'un des paradoxes de cette partie reste que si Bordeaux a nettement dominé, il n'en doit pas moins l'essentiel de ses situations dangereuses à des erreurs nantaises. Une mauvaise passe ou un coup franc inutile. De quoi d'ailleurs penser qu'avec un poil supplémentaire de concentration il existait moyen de connaître moins de frayeurs.
Les sauvetages de Guillon
Ce scénario déboucha sur les deux dernières situations favorables aux Girondins avant le repos, une faute commise sur Smicer (44è) et puis surtout un ballon perdu par Faé à la 36è minute. Darcheville s'enfuit alors à toutes pompes, le trésor entre les pieds, et on se mit à trembler. Or, l'étonnant Guillon parvint non seulement à le rattraper mais de plus à lui chiper le ballon sans façon et proprement, en pleine surface de réparation. Le Guyanais en resta pantois.
Cette intervention permit à Nantes d'entamer le second acte sans avoir subi la moindre avarie. Mais de nouveau il lui fallut affronter la tempête, avec un tir de Smicer, consécutif à un renvoi imprécis de Cetto (47è) puis un nouveau sauvetage de Guillon qui se précipita pour contrer la tentative de Henrique (54è).
Peu après, Loïc, déchaîné, enraya encore un shoot d'Alonso puis Nantes réussit à remettre le nez à la fenêtre et à reprendre quelques bouffées d'air. Diallo obtint un corner sur un centre de Capoue, Bamogo fit avorter un contre en poussant son ballon trop en avant, Savinaud décocha un tir mis en corner par Ramé.
Dernières minutes héroïques
Les minutes passaient. Lentement car la situation demeurait précaire mais elles passaient. Et parallèlement, l'objectif de conquérir le point du nul se précisait. Alors Nantes ne songea plus guère qu'à défendre. Il referma sa garde. Les nerfs, eux, se tendirent. Ceux de Capoue, auteur d'un bon match d'ensemble, ne sont pas rompus à une telle pression. L'ancien Romorantinais récolta un premier carton jaune pour un coup à Mavuba (lequel répliqua par une ruade que l'arbitre aurait pu également sanctionner) puis un second pour une faute inutile sur Alonso. On atteignait alors la 88è minute, Henrique faisait soigner, sur la touche, une arcade endolorie et Nantes n'avait plus qu'une idée en tête : résister. Résister jusqu'au bout. C'est à dire pendant 6 minutes avec les arrêts de jeu. Le Dizet qui avait déjà remplacé Bamogo (victime d'une charge de cavalerie bordelaise) par Dimitri Payet offrit sa première apparition en Ligue 1 à un autre jeune, Karim El Mourabet. Ce dernier prit le relais de Dimitrijevic et fila s'installer au cœur de la défense avec pour mission de prêter son crâne pour repousser les bombardes que les Girondins expédiaient sans répit dans les 16 mètres.
On a parlé de tranchées mais il y avait aussi du Fort Alamo dans l'air. Il reste que l'arrière garde nantaise tint jusqu'au bout et que Mickaël Landreau put aller, enfin, serrer Loïc Guillon contre lui, le bonheur d'avoir échappé à la défaite peint sur leurs visages. Il arrive ainsi que la joie soit d'autant plus forte qu'elle survient, comme une délivrance, au terme d'une belle et longue souffrance.
B.V. le 18 décembre 2005.