Saint-Etienne ne s'est pas fait siffler
Et c'est pourquoi nous n'avons guère goûté les sifflets qui retentirent lorsque le match s'acheva. Bien sûr, le spectacle avait été mièvre, il faisait froid et on n'avait vu aucun but. Mais on voudrait bien que les censeurs de la Beaujoire, beaucoup plus nombreux que dans les autres stades, on l'a déjà dit, sachent quelquefois faire preuve d'un minimum de patience et laisser à leur jeune équipe le temps de se bâtir une confiance, à défaut d'une histoire. On nous dit que le Saint-Etienne – Lyon qui s'est enclenché juste après ce Nantes – Monaco a été tout aussi soporifique et cadenassé et cependant le public de Geoffroy-Guichard n'a guère bronché. A Lille, la veille, le derby du Nord avait été lui-aussi d'une extrême platitude, on n'a pas entendu les Flamands manifester pour autant.
Capoue n'est pas Kapo
Il faut être exigeant, c'est vrai, il n'est pas interdit toutefois, au contraire, de montrer un minimum de compréhension. Quand en guise de remplaçant, les Monégasques sortent Kapo du banc et que les Nantais répondent en lançant Capoue, il importe d'admettre que les armes ne sont pas les mêmes. L'ex-Auxerrois a certes perdu beaucoup de temps (mais pas d'argent) depuis son départ de Bourgogne, il n'en reste pas moins qu'il tire encore dans une catégorie supérieure à celle de l'ancien Romorantinais. En outre, nous voudrions bien que les siffleurs gardent toujours présents, dans un coin de leur mémoire, les périlleuses minutes vécues il y a tout juste une demi-saison. Pour notre part, nous ne les oublierons pas.
Prenons garde à ne pas les noyer
Et même, lorsqu'un match tourne mal, il nous suffit d'y repenser pour que s'éloigne l'envie de traiter comme des moins que rien des joueurs qui, un soir de mai, avaient su ramener le club de l'enfer qui lui était promis. Nous avons vu trop de larmes, au retour de Sochaux, pour ne pas savoir que pareille frayeur ne s'efface pas d'un revers de manches. Il faut reconstruire, il faut du temps, il faut de l'indulgence. Cette équipe possède des limites, elle détient aussi des qualités mais ce n'est pas en mettant en avant ses défauts qu'on l'aidera à montrer le mieux ses plus belles facettes. On peut même penser que la fragilité morale s'inclut parmi ses handicaps et qu'en la critiquant à tout va on contribue à appuyer sur sa tête et à l'enfoncer sous l'eau. Prenons garde à ne pas la noyer.
Frayeur d'entrée
Il peut paraître paradoxal que ce soit ici, où l'on défend le plus et le mieux les vertus du football à la nantaise, que l'on se montre les plus enclins à ne pas tirer à boulets rouges sur les joueurs, quand ils ne présentent pas une copie emballante. Mais c'est sans doute parce que notre exigence nous amène à les respecter et que le jeu nantais reste tout de même basé sur un esprit de construction et non sur la démolition à tout va. C'est aussi, avouons-le, parce que nous nous sommes trouvés sans cesse en état de crainte au cours de cette heure et demie que les Canaris ont passé face à Monaco. Non pas que ce dernier ait été vraiment impressionnant, ni surtout conquérant. Il n'en a pas moins donné la constante impression que s'il parvenait à marquer une fois, il saurait ensuite dresser un barrage suffisamment hermétique pour que Nantes ne se remette pas d'aplomb.
Autant dire que l'on trembla dès le départ puisque les Monégasques, désireux peut-être de rééditer le même coup qu'Auxerre huit jours plus tôt, entrèrent dans la partie de façon très décidée. Ce qui conduisit Leray à effectuer à Delhommeau une passe en retrait si hasardeuse qu'elle se transforma en mise sur orbite de la fusée Adebayor. Le Togolais s'enfuit sur le côté gauche et au moment où il parvenait seul devant Landreau il eut la « bonne » idée d'adresser un centre en retrait directement sur Guillon. Il avait dû le confondre avec Maurice-Belay, ouf !
Est-ce nécessaire de siffler Keserü ?
Un coup franc de Meriem, détourné en corner par une tête arrière de Delhommeau (13è), un shoot à ras-de-terre de Bernardi qui frôla le cadre (24è) prouvèrent que Nantes ne tenait surtout pas les rênes de la rencontre. Il n'avait en tout cas, en contre-partie, rien présenté de nature à causer des tracas à Warmuz. Nantes était tout simplement prudent. Très prudent, même. Da Rocha et Savinaud se montraient davantage accaparés à porter assistance à Emerse Faé dans le travail de récupération qu'à construire et surtout qu'à écarter le jeu. L'occupation « géographique » du terrain était ainsi imparfaite, d'autant que les Monégasques se méfiaient des éventuelles montées de Signorino et que Leray était suffisamment requis par son boulot de défenseur pour songer vraiment aux contre-attaques. En fait, les deux camps se neutralisaient plus ou moins laborieusement en milieu de terrain et Bamogo, même s'il se battait, héritait rarement de ballons exploitables. Keserü était « absent », était-ce toutefois une raison suffisante pour l'abreuver de sifflets quand il rata un corner à la 30è minute ? Bien sûr qu'il aurait dû lever le ballon mais il faut savoir si on le considère comme un futur grand attaquant et donc si on le soutient, quitte à lui pardonner quelques bévues, ou si on ne croit pas en lui… On a parfois l'impression que la politique floue des dirigeants se répercute dans les tribunes et que plus personne ne sait trop où le club veut aller…
Landreau stoppe un penalty
Entre un Nantes qui ne se livrait que sur la pointe des crampons et un Monaco qui guettait l'ouverture, sans trop chercher à la provoquer (mais pourquoi s'en plaindre ?), les débats ne s'élevaient évidemment pas. Le danger continuait pourtant à rôder, par intermittences peut-être, mais à rôder tout de même. Signorino dut ainsi revenir à toutes pompes pour stopper un raid d'Adebayor à la 33è minute. Au départ les Nantais avaient perdu le ballon bêtement en négociant mal un coup franc dans le camp monégasque. Puis, surtout, Guillon commit un penalty sur Bernardi, cinq minutes avant la pause. C'est à dire, curieuse coïncidence, sensiblement au même moment que Signorino, deux semaines plus tôt contre Strasbourg. Heureusement, Adebayor se montra moins adroit que Pagis et Mickaël Landreau qui, en grand professionnel, étudie le style de tous ses adversaires, repoussa la tentative du Togolais. « Il m'avait marqué un pénalty, avec Metz, il y a deux ans et demi, » rappela-t-il plus tard.
Entrée bénéfique de Diallo
Les Jaunes revenaient de loin et on ne fut guère fâché de voir arriver la pause tant Monaco, sur sa lancée, semblait alors en mesure de matérialiser sa supériorité. Le repos fit d'ailleurs du bien aux Nantais qui se montrèrent plus à leur avantage en seconde période. L'entrée en jeu de Diallo contribua sans doute à cette amélioration, de même que la montée en régime de Dimitrijevic qui commença à distiller de bons ballons et surtout à ne plus les perdre. Ce joueur, décidément, possède du talent, il exploserait encore plus si Nantes jouait à la nantaise. Avec Diallo, ils ficelèrent l'une des plus belles actions de la soirée avant que Capoue ne prenne le relais d'un Savinaud assez décevant.
Et sortie prématurée du même Diallo
Excepté un coup franc concédé par Guillon contre Meriem, aux abords de la surface (73è), Monaco se fit nettement moins dangereux alors que Warmuz hérita à son tour de travaux délicats. Il dut repousser un tir de Diallo (75è) et soupira d'aise en voyant Modesto écarter le péril dans la foulée. Mais plus les minutes passaient et plus les deux équipes semblaient se satisfaire du nul qui s'annonçait, même si Bamogo continuait à se démener et maugréait parce qu'après s'être enfui sur l'aile gauche il n'avait trouvé personne pour reprendre son centre (86è). Serge Le Dizet décidait de défendre ce point plutôt que de prendre des risques et c'est pourquoi, durant les arrêts de jeu, il fit entrer Ca. Il reste que demander à Diallo de sortir à cet instant n'était pas forcément faire preuve d'une grande psychologie.
B.V. le 12 décembre 2005.