Le FC Nantes n'obtiendra assurément pas 28 points à la trêve. Pourquoi ? Mais parce qu'il en est incapable, parce qu'il n'a pas le niveau pour en prendre autant face à Marseille, Auxerre, Monaco ou Bordeaux. Par contre, le moins que l'on puisse dire est qu'il sait surprendre son monde et qu'il est encore capable de coups, à l'image de sa victoire face à Lyon en Coupe de la Ligue. Grâce à ses leaders, grâce aux sifflets ou encore du fait de mots savamment distillés à la pause, les Jaunes ont montré qu'ils pouvaient la jouer rebelles. Dans le vestiaire, après match, les « Président, Président, Président » résonnaient presque comme une bravade moqueuse. Ce chant de victoire, c'était le symbole du jeu, de l'envie et de l'orgueil retrouvé. Ces trois points là n'en vaudront jamais six, mais le football est parfois aussi imprévisible que non quantifiable. Il est par contre certain, et c'est inestimable, que ces points valent bien davantage dans le cœur des supporters.
Roussillon s'est tu.
Moins d'une heure plus tôt, tandis que la bronca résonnait encore dans les têtes, le vestiaire était silencieux ou presque. Seule la voix de Serge Le Dizet tentait de briser l'abattement après un recadrage bien senti. Le président était là. Il n'a rien dit. Par une outrecuidance parasitaire, il a juste avoué après coup que Le Dizet avait employé les mots qu'il aurait lui aussi choisi. On aurait préféré qu'il dise que là n'est pas son rôle et qu'il songe enfin à se contenter d'être là quand il le faut, en des lieux et à des moments choisis. Et puis qu'il laisse les techniciens s'occuper d'un Nantes qui ne sera le sien que plus tard, si tout va bien et si tout n'est pas que court terme, comme on veut nous le faire croire. S'il a un peu plus de poids que son discours attrape nigauds ne l'avait laissé entendre, cela devrait suffire. Les techniciens ont ri de ces 28 points, les joueurs aussi. Ils ont certainement moins ri quand la conséquence était l'abandon des convictions maisons sur l'autel de l'efficacité. Mais, le mercato à proximité, c'est de bonne guerre car, des joueurs au coach, il s'agit avant tout de sauver sa place.
A Nantes l'espoir n'est pas comptable.
La réponse donnée dimanche, en seconde période, fut efficace car elle fut servie par le jeu, le collectif et l'envie. Il en découla une joie trop rare qui rappelait les frissons d'un maintien miraculeux. Il y avait de la chaleur, de la communion, de l'émotion. Le contraire d'une gestion étriquée qui se perd en tactique de communication circonstancielle et dénuée de conviction : une communication de comptable. Le football qui fut parfois un art à Nantes, ne se résume pas à des chiffres qui ne nous content plus d'histoires. Lyon ou Chelsea sont les plus forts ? et alors ? à part ça ? Oui c'est vrai, ils jouent dans la cour des grands et aux décideurs pour le bien de la caste. Mais ils ont laissé leur histoire sur le bord du chemin. Qu'est-ce que Serge Chiesa ou Fleury Di Nallo peuvent en avoir à foutre de ce Lyon là. Ils n'en sont plus les pères. Qu'est ce que Henri Michel ou Coco Suaudeau en ont à foutre de Nantes quand Nantes perd et gagne mal. Ce Nantes là n'est plus le leur.
Le temps des belles victoires n'est pas si vieux, pourtant ça semble faire une éternité. En ce temps là, Nantes récitait son histoire, dans chaque course, dans chaque passe, dans chaque but. On ne nous fera pas croire que ça n'est plus possible, surtout quand les Canaris nous transporte l'espace d'une mi-temps de folie ou quand Milos Dimitrijevic peut enfin réciter son talent naissant à la manière d'un Henri Michel, car autour de lui ça bouge et c'est joueur. Nantes n'a jamais eu les meilleurs joueurs, ou alors il n'a pas su les garder, mais il a souvent eu le meilleur jeu. Et c'est bien encore sur ce « comment y arrivions-nous ensemble » qu'il faut plancher.
Déclic à la place des claques ?
Contrairement au coach, les joueurs n'ont pas de compte à rendre à leur Président. Ils sont jugés par leur entraîneur et par leur public. C'est le coach qui décide de titulariser l'un et de se passer de l'autre. La concurrence, on ose l'espérer mais on en doute, est la même pour tous et ne répond qu'à des critères sportifs. C'est le public qui manifeste son mécontentement ou sa ferveur et il ne fait généralement pas dans la dentelle. La bronca fut d'autant plus forte à la mi-temps que Nantes venait d'encaisser son second but une mini-minute plus tôt. Il perdait 2-0 face au dernier de la classe qui n'avait encore jamais gagné jusque là. Un but encaissé sur corner. C'était la première fois que Nantes se faisait prendre ainsi depuis que l'individuelle a avait été instaurée. Il résultait d'un abandon de Savinaud au premier poteau et de la fragilité de Pierre au second. Tout sauf un hasard, tant le Haïtien a semblé avoir du plomb dans les crampons au moment de s'élever par deux fois, tant Savinaud n'aura été véritablement utile qu'à remonter ses troupes au retour des vestiaires.
Les joueurs ont retourné un public qui en a marre.
Durant la première demi-heure, comme souvent, les Nantais ont essayé de marquer très tôt afin de pouvoir gérer par la suite et forcer les visiteurs à sortir. C'est à ce régime que le public de La Beaujoire est soumis depuis le début de saison. Parfois ça passe. Alors ça va. Il y a la victoire au bout. Le public rentre à la maison, d'abord content, puis il se dit « qu'est-ce qu'on s'est emmerdé encore ». Le public oublie souvent les premières bonnes minutes et ne se souvient que du reste : une équipe qui gère fébrilement sans rien tenter d'enthousiasmant. Alors, quand le scénario prévu tourne vinaigre avec deux buts strasbourgeois des plus logiques, le public se lâche et se fâche contre des joueurs qui ne se fâchent pas, qui ne se lâchent pas. A la première mauvaise passe qui suit la première occasion adverse, le spectateur siffle (27'). Qu'importe que Pierre ou Keserü soient des victimes expiatoires. Qu'importe que ça ne soit pas juste. Le public siffle les gros salaires de la peur. Le public en a marre de s'ennuyer car il veut vibrer, il veut voir des courses, des prises de risques, de l'envie, de la révolte. Il veut des images pour accrocher un sourire à la semaine qui vient. S'il y a au moins ça qu'importe que l'adversaire gagne car il y aura cru autant que les joueurs. Dimanche le public a été servi. Les joueurs ont communié, ils ont harangué leurs supporters, à l'image d'un Pascal Delhommeau cible décomplexée, en leur disant :« et alors, vous avez vu ? arrêtez de nous siffler à la moindre mauvaise passe, car on peut et on aime vous offrir ce genre de victoire ». Oui tout le monde y trouve son compte, même si ça ne fera pas 28 points à mi-parcours. Reste à savoir si les sifflets de la mi-temps ont participé à la fête de la fin…
F.P. le 29 novembre 2005