Sentiment de frustration
L'impression de frustration et de trouble que nous ressentons après une telle partie est d'autant plus grande que Nantes a affiché ses limites sur des points qui naguère constituaient sa force. Il a péché par manque de hardiesse, d'imagination, de confiance, de technique collective. Et Serge Le Dizet, que nous continuons à soutenir, ne nous rassura guère lorsqu'à la question, elle lui fut posée en conférence de presse, « on n'a pas vu de football à la nantaise », il répliqua sèchement : « mais il faut arrêter avec le jeu à la nantaise ! Ce qu'on recherche, c'est le jeu efficace. » Il faut tout de même faire attention à ce qu'on dit et il nous embêterait fort que le coach des Canaris en soit arrivé à croire que le football à la nantaise n'est pas efficace. Ce n'est pas ce que pensaient José Arribas, Jean-Claude Suaudeau et Raynald Denoueix.
Ribéry, l'atout plus
Il conviendra de revenir et de s'interroger à propos de cette déclaration malencontreuse. En attendant, on ne va certes pas se mettre à critiquer à tout va après une défaite à Marseille, concédée par un écart minimum et sans avoir été nettement dominé dans le jeu. Constatation qui accessoirement signifie que Marseille n'émarge assurément pas au club des équipes meilleures que Nantes dans le jeu collectif. Au contraire. Seulement, il compte dans ses rangs un certain Franck Ribéry auquel tous les matches réussissent en ce moment, au point qu'il est devenu l'un de ces rares joueurs capables de peser à lui seul sur le sort d'une partie. C'est lui, au fond, qui a fait la différence, d'un maître shoot décoché d'une trentaine de mètres, à un peu plus d'un quart d'heure de la fin. « C'est le plus beau but de ma carrière, » assure l'ex-Brestois. On devine dès lors que certains vont raviver les cendres de cette anecdote disant que Ribéry aurait pu venir à Nantes, il y a un an et demi. On ne se sent pas volontiers le cœur à lever pareil débat, il repose sur trop d'incertitudes et quand bien même Ribéry se serait engagé à Nantes à l'époque, il y a gros à parier qu'il ne foulerait déjà plus les pelouses de la Jonelière.
Toulalan a manqué
Ce n'est pas à Metz, où on a il est vrai d'autres chats à fouetter, qu'on risque de nous contredire. Les Nantais peuvent aussi regretter que les Espoirs anglais, dotés pour la plupart de lourdes semelles de plomb, aient éliminé Toulalan sur la pelouse de White Hart Lane et raté ensuite Ribéry, ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé, sur celle de Nancy. Qu'on nous comprenne bien : ce n'est pas la blessure de Ribéry que nous avons espéré mais bien celle de Toulalan qu'il nous faut déplorer.
La présence de Jérémy, qui montait en puissance ces dernières semaines, n'aurait vraiment pas été superflue samedi, même si Milos Dimitrijevic, son suppléant dans le 4-2-3-1 mis en place par Le Dizet, n'a pas démérité. Il a même confirmé grâce à sa technique et quelques judicieux coups de patte, qu'il possède l'étoffe d'un joueur intéressant, Ribéry ne faisait en tout cas pas mieux il y a deux ans. Reste que le poste de milieu récupérateur n'est pas celui que Milos préfère. De même, la place d'arrière droit n'entre pas dans les vœux les plus chers de Jean-Jacques Pierre.
Pierre rapidement averti
Le Haïtien, qui se trouva rapidement averti, vécut des instants délicats, face à Ribéry, au début de la seconde période. Lorsqu'il reçut son carton jaune, la partie était entamée depuis seulement 12 minutes. Il ne s'était pas encore passé grand chose, excepté un shoot de Cana qui avait pivoté sur lui-même et expédié le ballon au-dessus de la barre (4è). Les débats étaient bloqués, chaque équipe guettant l'erreur éventuelle de sa rivale. Ils se durcirent au fil de divers contacts. Stéphane Lannoy aurait pu sortir son carton sur une faute de Bamogo puis surtout sur une autre de Delfim. Il choisit la troisième, elle fut donc commise par Pierre sur Koké. D'aucuns diront que c'était bien arbitré car les charges menaçaient de s'envenimer, d'autres évoqueront un habile arbitrage à la maison puisque c'est sur un Nantais que le « hasard » de la justice tomba. Toujours est-il qu'à partir de cet instant, Pierre dut tempérer ses ardeurs, ce qu'il ne fit d'ailleurs pas toujours, notamment durant les dernières minutes où on redouta qu'un carton rouge finisse par lui tomber sur le râble.
Occasions de Bamogo et Cetto
Mais n'allons pas plus vite que le match, revenons à cette première période, dépourvue de grandes envolées, on l'a dit. Nantes se créa deux occasions. La première à la suite d'une montée offensive de Signorino, lequel figura une nouvelle fois parmi les meilleurs, les plus en jambes et les plus incisifs. Les plus lucides aussi, puisqu'il termina son action par un judicieux centre en retrait à destination de Bamogo dont la reprise du gauche passa de peu à côté de la cage de Barthez (18è). L'ancien Marseillais était (trop) isolé aux avant-postes mais il s'y démenait comme un beau diable, désireux de toute évidence de se rappeler au bon souvenir du Vélodrome. A la 21è minute, il amena Dehu à commettre une faute. Le coup franc fut botté par Dimitrijevic, le ballon rebondit et renvoyé de façon un peu hasardeuse par Barthez, il ricocha sur le crâne de Mauro Cetto. Pour une simple sortie de but, laquelle amena l'Argentin à se prendre la tête entre les mains. Il avait entrevu tellement mieux !
Joli but marseillais
Nantes ne se portait donc pas si mal. Il subissait toutefois un peu trop, surtout parce qu'il ne réussissait pas à maîtriser ses ballons de dégagement. Il les reperdait trop vite et Da Rocha se montrait moins à l'aise au centre que sur son flanc droit habituel. Quant à Capoue… Alors, c'est Marseille qui ouvrit le score. De fort belle manière d'ailleurs : Oruma prit ses opposants de vitesse, il alerta Niang sur sa gauche et l'ex-Strasbourgeois lui remit instantanément le ballon d'une talonnade, dans le dos de Cetto. La défense nantaise était dans le vent et Oruma seul devant Landreau. Il marqua, malgré une tentative de retour de Signorino (28è)
On venait de voir l'action la plus convaincante du premier acte, lequel aurait d'ailleurs pu se terminer plus mal pour les Nantais si Niang était gaucher. Dans ce cas, il n'aurait pas expédié hors du cadre la reprise de volée qu'il effectua face à Landreau (42è). Le second aurait pu également débuter de plus fâcheuse manière pour les Canaris puisque Ribéry botta un coup franc (faute de Pierre sur Niang) sur la transversale (48è).
Nantes égalise
Les Marseillais, Ribéry en particulier, avaient alors accéléré et Nantes connut une passe laborieuse. Il n'en rétablit pas moins l'équilibre, à la 60è minute. Bamogo obtint un coup franc au détriment de Cana. Savinaud glissa la balle à l'ancien Phocéen dont le tir, légèrement dévié, prit Barthez à contre pied.
L'OM accusa le coup, son jeu devint approximatif, fertile en passes incertaines tandis que ses attaquants se retrouvaient souvent hors jeu. C'est durant cette période sans doute que Nantes, faute d'audace peut-être _mais le nul, ce n'était déjà pas si mal _loupa le coche. On revoit par exemple Da Rocha, isolé sur l'aile droite, chercher à centrer et, ne voyant personne, revenir sur lui-même. Et puis, n'apercevant toujours aucun secours, se résoudre finalement à centrer à l'aveuglette, pour un Marseillais. Où étaient les appuis ? Où était le jeu à la nantaise ?
Le Dizet voulait faire des changements…
Jean Fernandez fit sortir le fruste Delfim au profit de l'artiste Nasri et remplaça Koké par Mendoza. Serge Le Dizet dira qu'il pensait procéder lui aussi à des changements, d'ordre défensif probablement. Il n'en eut pas le temps. Servi par Cana, Ribéry vit un large espace libre devant lui, il s'avança et, de 30 mètres, il catapulta un obus. Le ballon frôla la main de Landreau, avancé, il rebondit sous la barre et fit trembler les filets.
C'était terminé. Et force est d'avouer que Marseille fut plus près de signer un troisième but que Nantes d'égaliser. C'est grâce à Landreau, auteur d'au moins trois arrêts époustouflants, face à Nasri notamment, que le score en resta à 2-1.
B.V. le 20 novembre 2005.