Bien sûr, dans le foot, c'est la qualité du jeu que nous apprécions le plus. Rien ne nous enchante autant que les exploits techniques et la magie individuelle des artistes que sont les grands joueurs, surtout lorsqu'ils savent l'exprimer au bénéfice de la collectivité. Nous soutiendrons toujours une équipe qui s'appliquera à faire le jeu, nous le ferons d'autant plus fort si, de surcroît, elle s'applique à inventer, à imaginer. Si elle essaie de mettre en exergue des qualités comme l'intelligence plutôt que la force, l'attaque de préférence à la défense, la construction au détriment de la démolition, la création artistique avant l'intimidation physique. Si sa tactique est progressiste et non conformiste et conçue d'abord pour permettre à ses joueurs de prendre du plaisir et, par ricochet, d'en offrir aux spectateurs.
La qualité du jeu est nécessaire
Bien sûr, nous savons, pour avoir souvent entendu José Arribas, Jean-Claude Suaudeau et Reynald Denoueix le répéter sans relâche, que cette qualité de jeu constitue le meilleur moyen et la plus sûre garantie, surtout à Nantes, pour obtenir des résultats durables. Il nous plairait d'ailleurs que Serge Le Dizet l'affirme plus souvent, en tout cas avec davantage de force et de conviction, quitte à déplaire aux observateurs à courte vue, même s'ils sont derrière un micro ou un stylo.
Bien sûr, nous sommes obligés de déplorer, à notre grand regret évidemment, le football à la nantaise n'est pas souvent à l'ordre des matches cette saison. Comme il l'était encore moins les années précédentes, comme si la prise en mains du club par Gripond avait coïncidé avec l'arrivée d'une nouvelle philosophie donnant bêtement la prédominance au rendement plutôt qu'au jeu. L'équipe d'aujourd'hui, malgré de louables éclairs, demeure plus laborieuse que géniale, elle se cherche souvent et elle ne se trouve pas toujours.
Les mêmes joueurs qui avaient terrassé Lyon
Ces convictions étant clairement annoncées et revendiquées, nous nous sentons mieux à l'aise pour affirmer que nous avons très peu apprécié les sifflets qui, samedi dernier, ont dégringolé des tribunes de la Beaujoire, celles où bizarrement les places sont les plus chères, pour aller titiller les oreilles des joueurs. C'est vrai, ces derniers ne rayonnaient pas vraiment mais ils avaient au moins le mérite de mener au score et c'était les mêmes qui quatre jours plus tôt avaient suscité l'enthousiasme en éliminant Lyon. Même si d'ailleurs, on avait déjà trouvé que durant les dernières minutes, alors que l'OL poussait et que le FCNA en était réduit à résister, le public n'avait pas su faire suffisamment corps avec son équipe. Il n'avait pas cherché à la transcender pour qu'elle parvienne à puiser au tréfonds d'elle-même les ressources qui lui auraient peut-être permis d'éviter le but de Govou.
Une défaite et les doutes, les incertitudes auraient été là
D'un match à l'autre, de Lyon au Mans, Serge Le Dizet, parce qu'il avait été satisfait, comme nous tous, de la prestation accomplie face aux Gones, n'avait procédé à aucun changement. C'est donc, on le répète, à la même équipe que, quelques jours plus tard, le public a reproché d'avoir les jambes lourdes et la tête pas très réactive. C'était trop sévère. C'était aussi oublier combien cette formation a souffert la saison passée pour sauver sa peau et combien nous avons souffert avec elle. Comme l'a dit Franck Signorino, qui pourtant ne jouait pas à Nantes à l'époque : « le public a-t-il envie de connaître une saison semblable ? » La réponse est non et dans cette perspective il était clair que le match contre Le Mans présentait une grande importance. Le perdre aurait été ouvrir la porte à tous les doutes, à toutes les incertitudes, y compris celles concernant le sort de l'entraîneur. Et donc peut-être à une deuxième partie de saison comparable à celle vécue au printemps dernier, sinon pire dans la mesure où on tremble en pensant à l'identité du coach susceptible, en cas de coup dur, d'être appelé à la succession de Le Dizet.
Le public nantais a de la chance
Le public nantais possède la chance, il ne sait pas l'apprécier assez, d'avoir une équipe qui lui offre encore du jeu. Depuis 43 ans, record en cours. On est loin actuellement des grands spectacles d'autrefois, on en convient aisément, mais les fidèles de la Beaujoire devraient se rendre compte que c'est souvent pire ailleurs. Nantes demeure, même en ces saisons de vaches maigres, l'une des formations les plus attrayantes du championnat. Et le Nantes de samedi dernier, qui jouait mal mais qui a gagné, aurait été, n'en doutez pas, applaudi à Troyes, à Sochaux, à Lille, à Strasbourg et dans beaucoup d'autres stades. Même peut-être à Marseille. On ajoutera que dans nombre d'endroits l'équipe locale est applaudie dès lors qu'elle l'emporte, même si elle joue plus mal que son adversaire. Ce qui n'était assurément pas le cas du Nantes de samedi dernier puisque Le Mans a montré encore moins que lui, autant dire rien.
Leur insuffler les forces pour les sortir de l'ornière
Les Sarthois ont attendu, presque jusqu'au bout du bout du match, que les Canaris se découvrent, afin d'essayer de les contrer. Comme a encore dit Signorino : « il faut être deux équipes pour bien jouer. »
Peut-on reprocher aux coéquipiers de Landreau de n'être pas tombé dans le piège ? D'avoir pensé uniquement à gagner et à préserver l'avantage qu'ils avaient acquis ? On ne se priverait pas de le faire s'ils étaient mieux classés et donc davantage sûrs d'eux, s'ils possédaient aussi, disons le tout net, plus de talents. Mais dans le contexte du moment, celui de samedi dernier plus précisément, on n'en avait ni l'envie ni le cœur. Le plus important nous semble au contraire d'essayer de leur insuffler les forces en mesure de les extraire de l'ornière où ils se sont fourvoyés, provisoirement on l'espère.
Siffler les joueurs actuellement n'est pas de mise
Nous continuons à croire que c'est le jeu qui sauvera Nantes. Une fois de plus. Et nous espérons que Le Dizet partage toujours très étroitement cette conviction. Nous pensons aussi que l'exigence du public nantais a contribué à maintenir la qualité qui reste souvent de mise à la Beaujoire, laquelle n'est pas, on vous l'assure, le stade le plus ennuyeux du pays. Nous sommes également persuadés que la critique permet de progresser. Mais siffler les joueurs par les temps qui courent, ce n'est assurément pas se montrer constructif. C'est de soutien, de compréhension, de patience que cette équipe a besoin. Le talent est une plante rare, il ne poussera pas dans une serre sans chaleur, sans passion, sans soutien. Les coéquipiers de Mickaël Landreau ne sont pas parfaits sur le plan du jeu, ils nous ont pourtant réchauffé suffisamment le cœur le 28 mai dernier pour ne pas mériter maintenant une douche froide.
B.V. le 4 novembre 2005