Du jeu, mais pas de punch et pas de points
Nantes a plutôt bien joué à Lille. On doute même que beaucoup d'équipes soient capables d'afficher un tel allant et de prendre autant d'initiatives sur terrain adverse. Nantes a fait preuve de dynamisme, de volonté, de solidarité et même de talent.
Tout cela est bien. Très bien même.
Seulement Nantes a encore été battu. Parce que Nantes ne marque pas. Parce qu'il commet, sur les coup de pied arrêtés, des fautes d'étourderie qui confinent à la naïveté. Comment peut-on ainsi encaisser deux buts sur corner à huit jours d'intervalle, l'un étant marqué par Savinaud contre son camp et l'autre par un adversaire, Jean II Makoun dont la taille atteint à peine 1,75 mètre ?
Va-t-on s'affoler ?
Alors Nantes s'enlise au classement et même Serge Le Dizet se surprend à déclarer que le résultat compte plus que la manière. S'il le pense vraiment, c'est embêtant. C'est la manière, il le sait très bien, qui amène le résultat. Surtout à Nantes. Et cette manière, on le répète, a été très satisfaisante à Villeneuve d'Asq. Surtout pendant le premier acte.
Mais il faut dire que dans l'entourage du club, on semble fort enclin à s'affoler. Nantes, on ne le sait que trop, est un club qui s'est tristement banalisé sous le règne nauséabond de la Socpresse. Alors, un entraîneur a désormais aussi vite fait de valser ici qu'ailleurs. Surtout quand un « connaisseur » comme Gripond rôde encore dans les coulisses.
La rumeur Lacombe
Il se murmure que Guy Lacombe, toujours à l'affût des événements qui se trament dans la maison jaune (« il visait déjà la succession de Denoueix en décembre 2001 !), aurait fait parvenir sa carte de visite à Rudi Roussillon. Lequel va sans doute se trouver assez rapidement invité à montrer s'il est un président banal, de petite veine, sans envergure ou s'il voit plus loin que le bout de sa lorgnette. C'est à dire qu'une défaite à Lille et qu'un classement provisoirement délicat. Et s'il préfère réserver le gros chèque qu'il lui faudrait libeller pour licencier Le Dizet et engager Lacombe à un autre usage. Pour acquérir les services d'un véritable buteur par exemple. Ce serait plus intelligent. « C'est en gardant cette façon de jouer et cet état d'esprit qu'on y arrivera » estime Mickaël Landreau.
Changement tactique
Si Nantes en est là, presque sous la menace d'une nouvelle révolution et en tout cas au pied du mur avant d'en découdre à La Beaujoire avec Le Mans et Nancy, ce n'est pas, on le répète, parce qu'il a démérité à Lille. C'est néanmoins parce qu'il manque de réalisme. Pour la circonstance, Serge Le Dizet avait modifié ses plans habituels et essayer de former un bloc plus compact en ne laissant en pointe qu'un seul attaquant, Diallo. Bamogo, Da Rocha et Capoue étaient pour leur part revenus en grâce, le dernier effectuant sa réapparition alors qu'on ne l'avait plus vu depuis le trop mémorable match de Coupe de France, à Boulogne. C'était en mars ! Ils étaient chargés d'animer les attaques, de soutenir Diallo et éventuellement d'ouvrir des brèches pour Faé qui évoluait derrière eux et courut beaucoup en première période car il lui fallait aussi s'activer à la récupération aux côtés de Toulalan, lequel évoluait près de la ligne des quatre défenseurs, dont Jean-Jacques Pierre dans une inattendue position d'arrière droit.
Tafforeau sauve Lille
Le stratagème d'ensemble fonctionna plutôt bien en première période. D'autant plus que les Lillois parurent surpris par la détermination, la hardiesse et l'esprit de conquête des Nantais. Sans doute s'attendaient-ils à affronter une équipe timide, recroquevillée sur elle-même et attentiste, comme le Nantes d'il y a un an qui n'avait pas pesé lourd sur la pelouse du Stadium Nord. Dès la 1 ère minute, Tafforeau sauva un ballon chaud puis Silva intervint avec à propos face à Faé et sur un coup franc de Capoue (9è). Diallo, lui, fut victime d'une faute dans la surface, sans que le faible Patrick Lhermite y trouvât à redire.
Nantes se créait donc des situations favorables. Mais d'une certaine manière le match bascula sur deux corners. Bamogo obtint le premier à la 16è minute. Da Rocha le botta et Mauro Cetto décocha une reprise de la tête qui aurait pu tout changer. Aurait pu seulement puisque, Tafforeau, replié sur sa ligne, repoussa le danger.
Encore un corner fatal
Sept minutes plus tard, Lille obtint à son tour un corner, concédé par Guillon. Dernis le shoota et le ballon arriva pile sur la tête du petit Makoun. Les grands défenseurs nantais avaient sauté à contre temps, ou pas assez haut. Landreau n'avait pas bougé. Il ne put que constater la casse, en même temps que Faé, embusqué en vain au second poteau.
C'était dur pour les uns, heureux pour les autres, même les Lillois en convinrent. « On a ouvert le score contre le cours du jeu, » reconnaît Claude Puel. Il reste que les Nantais accusèrent le coup, on le comprend. Mais même si Lille qui avait déjà commencé à sortir de sa coquille (coup franc d'Acimovic qui avait transpercé les gants de Landreau et rebondit sur le poteau), parvint à rééquilibrer plus ou moins les débats, Da Rocha, auteur d'un bon retour, et Diallo (36è) restèrent dangereux. Juste avant la pause, Diallo offrit même une balle d'égalisation à Capoue.
Manque de justesse aussi
Il y eut d'autres opportunités en seconde période. Notamment un centre de Capoue pour…personne (55è) mais plus le temps passait et plus la situation se compliquait pour les Canaris, dont la fraîcheur s'émoussait, celle de Capoue et de Bamogo (encore trop individualiste) pour commencer. Pour prendre en défaut la forteresse lilloise, il aurait fallu plus de justesse dans la dernière passe, plus d'imagination, plus de punch surtout. Parvenus à 20-25 mètres de Silva, les offensives nantaises avaient tendance à se transformer en coups de fleurets mouchetés et les nombreux coups francs obtenus, car Lille ne donnait pas dans la fioriture, étaient trop systématiquement balancés dans le paquet. La rentrée de Dimitrijevic aux dépens de Faé ne fut guère bénéfique.
Rage de Signorino
Pas plus que celle de Glombard à la place de Bamogo. Lancé par Da Rocha, Luigi croisa trop son tir. Le temps filait et on sentait que les efforts des Nantais resteraient tristement vains, leurs espoirs se diluaient lentement sous la pluie et face à la robustesse de l'adversaire. C'est alors que Matt Moussilou leur infligea une ultime leçon de réalisme. A la 71è minute, il avait déjà faussé compagnie à la défense nantaise mais il avait perdu son face à face avec Landreau. A la 90è minute, il prit sa revanche. Il évita Guillon et, arrivé face à Pierre, il décocha de 20 mètres, un tir lobé qui mystifia Mickaël Landreau, avancé.
2-0 ! Quelques secondes plus tard, le très laxiste Patrrick Lhermite donnait son dernier coup de sifflet. De rage, Franck Signorino donnait un grand coup de pied dans le ballon, comme s'il le maudissait d'avoir autant trahi ceux qui, tout de même, avaient produit le plus de jeu.
B.V. le 23 octobre 2005.