« Le football est parfois cruel », a lâché Serge Le Dizet. Il peut même être pire, une vraie vacherie en fait, quand il laisse, comme samedi soir à Troyes, le goût des cendres de l'injustice au fond de la bouche.

Nantes méritait mieux qu'un nul au stade de l'Aube. Il aurait pu, avec un minimum de réussite, ou d'adresse, ou de persévérance dans les bonnes intentions, s'octroyer un ou deux buts d'avance. Mais les minutes ont passé, les ratés se sont accumulés et lorsque les arrêts de jeu ont débuté les Canaris semblaient s'être résignés à ne prendre qu'un point. Bamago a effectué un raid qu'il a choisi de mener seul, le nez dans le guidon, et il n'a obtenu qu'une sortie de but. On se répétait que Nantes avait gâché une belle opportunité de se projeter dans le haut du tableau quand, sur l'offensive que les Troyens avaient embrayé, forcément la dernière, Jaziri enrhuma la défense nantaise sur le côté gauche. Son centre atterrit sur la tête de Sébastien Grax. Il restait 10 secondes. La reprise de l'ancien Monégasque était, pour les Aubois, seulement leur deuxième tir cadré de la soirée. Mais ce fut le but.

De quoi être écœuré
Les Nantais eurent à peine le temps de réengager qu'Olivier Thual sifflait le signal du retour aux vestiaires. Ils restèrent longtemps sur la pelouse, les bras ballants, le visage défait, échangeant leurs maillots avec des gestes d'automate. Le ciel venait de leur tomber sur le crane, ils étaient écœurés.

Il y avait de quoi. Car si leur revers a été immérité sur la forme, il l'a été davantage encore sur le fond. Non, dix fois, cent fois non, Nantes n'aurait pas dû perdre cette rencontre. Un peu partout, on lit, on entend que Troyes est une équipe qui joue bien. Sans doute entre-t-il une part de complaisance dans ces jugements (Troyes est un promu, son entraîneur est sympa), sinon il faut assurer que Nantes joue super bien. Ou alors qu'il a su faire totalement déjouer son adversaire. En tout cas, et malgré le résultat, la partie qu'il a livrée au stade de l'Aube a été très supérieure à celles fournie face Ajaccio, Nice et Metz.

Une supériorité manifeste
On a même eu l'impression que les deux équipes ne tiraient pas dans la même catégorie tant les Canaris ont dominé les débats, tant ils furent les maîtres du jeu et du ballon. Sauf en fin de partie… Jean-Marc Furlan reconnut d'ailleurs sans peine l'évidence. « Notre problème, admit-il, c'est qu'à chaque fois que Nantes s'empara du ballon, il mit longtemps, très longtemps à nous le redonner. Et jouer sans ballon, c'est quand même difficile… Techniquement, nous avons été dominés. »

Le trio Toulalan-Faé-Dimitrijevic tint un rôle de premier plan dans la supériorité affichée par Nantes. Son jeu court, en déviations et en permutations contraria les desseins des Troyens, obligeant ces derniers à courir le plus souvent dans le vide. « C'est vrai qu'ils nous ont baladés, confie Grax, nous avons eu toutefois le mérite de résister, nous avons plié, nous n'avons pas rompu. Ils ont eu des occasions, ils ne les ont pas mises.» Il en revient, et tous les commentaires y aboutissent forcément, à l'inefficacité des attaquants nantais.

Raté, raté, encore raté.
Serge Le Dizet, qui insiste souvent sur l'importance des débuts de partie, pouvait se sentir satisfait au terme du premier quart d'heure. Le FC Nantes affichait de prometteuses intentions, il posait peu à peu sa patte sur le match et il s'installait dans le camp adverse avec l'assurance d'une équipe bien classée. Les Troyens n'en revenaient visiblement pas et il fallut attendre la 16è minute pour qu'ils tentent enfin une attaque, par Grax. Encore convient-il de préciser qu'elle avait été consécutive à une mauvaise passe de Da Rocha. L'avant-centre aubois expédia le ballon largement au-dessus de la cage et Nantes reprit sa domination, en se créant même quelques occasions. Dimitrijevic donna l'occasion à Le Crom d'intervenir (19è) puis Diallo loupa de quelques crampons la reprise d'un centre de M'Hadhbi (20è). Certains mouvements étaient plutôt bien ficelés, on pense par exemple à cette action où Dimitrijevic fit mine de repiquer au centre mais lança Signorino sur la gauche. Le centre de l'ancien Messin fut malheureusement manqué par Da Rocha (36è). Dommage. Dommage aussi que Faé n'ait pas vu M'Hadhbi démarqué sur la gauche (18è). Dommage encore que le même M'Hadhbi ait ignoré Signorino qui était à son tour parti sur l'aile gauche (28è). Si on ajoute une tête de Da Rocha captée par Le Crom (33è) et surtout, avant la pause, une reprise ratée de Dimitrijevic sur un centre de Faé qui parvient finalement à Da Rocha dont le plat du pied est repoussé devant sa ligne par Boucansaud, alors que Le Crom est battu, on admettra aisément que Nantes aurait dû atteindre cette dernière avec un autre butin qu'un score vierge.

« Nous avons laissé filer le train »
Mais c'est essentiellement durant le quart d'heure qui suivit la reprise qu'il rata le coche. « Nous avons laissé filer le train, » dira Serge Le Dizet. Da Rocha, Cetto, Savinaud se retrouvèrent tour à tour en situation favorable. Mais aucun ne conclut.

Ces loupés amenèrent peu à peu les Canaris à se poser des questions. A devenir plus prudents et à ne plus aller au bout, ni de leurs idées ni de leurs actions. Ils devinrent moins entreprenants, moins sûrs d'eux et jouèrent de plus en plus bas, surtout après la sortie de Dimitrijevic. La partie s'équilibra.

« Le hold-up » parfait
Et puis, alors que chacun semblait se satisfaire du partage des points, elle bascula de la manière que l'on sait. C'est trop bête, trop dur, trop injuste. Mais l'absence d'un véritable buteur expose toujours une équipe à ce genre d'avatar, même quand elle domine, même quand elle joue bien, ce qui fut souvent le cas de Nantes samedi, pendant près d'une heure et quart.

Le quotidien aubois « Est Eclair » a résumé l'histoire par un titre choc qui, dimanche matin, barrait sa une, sur six colonnes. Il était écrit : « Le hold-up parfait ».

 

B.V. le 11 septembre 2005.