La réserve à moitié pro
Leray, Pierre, Thicot : 3 défenseurs pros à coté de Donzelot exilé coté gauche, la défense nantaise paraît solide. Au milieu Olivier Quint est promu capitaine et meneur de jeu dans l'axe. Devant, seul, Keserü retrouve la réserve, Sammaritano est à gauche et Chemin à droite, avec pour mission d'alimenter le buteur roumain. Le cadre est inhabituel. On préserve la pelouse fatiguée de Saupin et on migre à La Beaujoire. Excellente initiative du club nantais, qui a le bon goût d'inviter ses abonnés et porteurs de billets en tribune Présidentielle. Certains, fautes de moyens ou de relations, n'ont jamais goûté à ce plaisir. FCNantais.com en profitera même pour squatter une place en tribune de presse. Là où il n'est habituellement qu'à moitié.
Des supporters silencieux en Présidentielles
L'ambiance est donc spéciale. Il fait frisquet. On regarde le match d'une tribune inaccessible dans un stade quasiment vide et qui sonne creux, d'autant que les supporters, sans doute intimidés, hésitent à donner de la voix comme à Saupin. A croire que c'est la tribune qui embourgeoise le supporter… Oui La Beaujoire est froide quand les derniers souffles de Saupin sont encore chaud. Les supporters ne retrouveront un peu de gouaille qu'en fin de rencontre, à mesure que les esprits s'échaufferont sur le terrain, quand Albi comprendra que le nul lui file entre les pattes, avec cette désagréable impression que l'arbitre n'y est pas pour rien.
Keserü se refait une santé.
Avant cela, les Nantais ont donné une jolie réplique pendant les 45 premières minutes. Une domination quasi sans partage, de beaux mouvements, un peu de passe à 10, mais aussi beaucoup trop de jeu latéral et finalement peu d'occasions. Ça joue quand même bien, ça n'est pas désagréable à regarder, il y a du sérieux et de l'engagement. Les pros ne sont pas là que pour agrémenter un week-end d'écartés de la L1. On est à La Beaujoire. Tout le monde est content. On l'est d'autant plus que Keserü a rappelé à tout son monde qu'au foot il faut aussi penser à marquer des buts. Un une-deux ultra-rapide, de par la puissance et la précision de l'enchaînement, avec le « grand » Sammaritano et le Roumain ajuste le gardien (33'). Albi demande déjà une position de hors-jeu. Ça se passe coté tribunes fermées, le but semble valable. Il n'y a pas de ralenti sur grand écran. Il n'y a pas de grand écran et le tableau d'affichage n'a de toute façon pas été allumé pour l'occasion. Alors Albi se rebiffe dans le jeu. Un débordement, un centre en retrait parfait, une reprise instantanée de Mbongo, déjà, et N'Dy Assembe détourne superbement, un ballon pas loin d'accrocher sa lucarne. Sammaritano nous fera le coup du slalom et du tir sans angle détourné par le gardien, avant que les équipes ne rejoignent leurs vestiaires chauffés.
Mbongo égalise en profitant d'une erreur de N'Dy Assembe
La seconde mi-temps débute sur une nouvelle domination nantaise avec deux essais détournés de Quint puis Sammaritano. Mais peu à peu, Albi se décomplexe. Déjà sérieux, appliqué et concentré, il devient entreprenant. Un but de retard à la pause c'était logique, mais la logique il faut la bousculer. Il y a 5 pros en face, qu'importe. Les Tarnais doivent obtenir un bon résultat pour entretenir l'illusion d'une montée en National et tenter de grappiller quelques points à l'intouchable Yzeure et à Rodez son dauphin, venu ici même, à la Beaujoire, accrocher un nul de levée de rideau. Alors, sur un contre coté droit, le décalage est trouvé. Mais le centre dans la profondeur est mal ajusté. Jean-Jacques Pierre, imposant, protège le ballon sous la menace de Nicot. Il le protège si bien qu'il le laisse filer, avec métier, pour N'Dy Assembe. Le jeune gardien est sans doute étonné de tant d'assurance, il plonge à retardement pour s'emparer du cuir, mais celui-ci lui échappe. Mbongo a suivi, il lui chipe et prolonge sa course dans le but déserté (63'). Une fois de plus, sans être vraiment inquiété, Nantes se met dans de sales draps. Ce but va même couper les jambes des Canaris. Albi se dit alors qu'il y a peut-être mieux à prendre que les deux points du nul.
Monsieur Rouinsard n'exclue pas Pierre !
Dans la foulée de l'égalisation, Albi est même tout près d'y parvenir. Une passe dans la profondeur, dans le dos de la défense. Pierre est à la lutte avec Nicot. Il ne parvient pas à le reprendre, il est dernier défenseur, N'Dy Assembe s'apprête à sortir, la ligne de la surface de réparation approche. Pierre tacle, il ne touche pas le ballon mais descend son adversaire. L'arbitre siffle. Pierre sent le vent de l'expulsion lui caresser l'échine. Il enlève déjà ses gants. Au lieu de se refaire la fraise en CFA, il voit venir la suspension qui différera encore son retour parmi l'élite. Monsieur Rouinsard le convoque et, à la surprise générale, ne sort que le jaune. Les Albigeois voient rouge. On pressent les commentaires : comment peut-on confier le sifflet à un arbitre né à Nantes. Ça n'est pas assez déjà de jouer contre une équipe à demi-pro ? Sans doute pas et Monsieur Rouinsard n'a pas pris la responsabilité d'expulser Pierre. Cette loi sévère mais juste, cette double peine parfois quand elle est dans la surface ou quand elle touche un pro sous-classé en réserve, semble peu à peu disparaître du guide du parfait arbitre impartiale. Ce qui rime parfois avec aveugle, on le concède. Alors, à la fin de la rencontre, il regardera la vidéo prise par le préposé caméra–amateur d'Albi. Il en conviendra du bout des lèvres avec excuse pas convaincante à la clé : il s'est sans doute trompé, mais... Pourtant sa naissance nantaise n'a rien à voir là dedans : il n'avait pas hésité à expulser Mahoumadou Ba, la saison dernière face à Châtellerault (0-0), dans des circonstances analogues et pour une faute en position de dernier défenseur bien moins flagrante.
Pierre donne la victoire à Nantes
Albi semble s'en remettre et continue d'attaquer. Nicot échappe à Thicot mais butte sur N'Dy (67'). Les Nantais ont perdu leur football. L'envie d'Albi fait désormais la différence. Pourtant, comme si le sort avait décidé de s'acharner sur eux, Jean-Jacques Pierre reprend victorieusement du pied, au second poteau, un coup franc fuyant de Quint (78'). Les pros font la différence et l'erreur d'arbitrage prend toute son ampleur. Albi est défait, mais tentera de revenir jusqu'à la dernière seconde. N'Dy sauve devant Martinez, avant que le gardien adverse reprenne de la tête un centre ami. Sans plus de réussite. Albi a perdu mais n'aurait pas du. Jean-Jacques Pierre peut remercier la clémence de l'arbitre. Car sans ce but, son bilan personnel aurait été très mitigé…
Notes sur les joueurs :
Coté performances individuelles, on aura noté la bonne prestation collective de la première période. Olivier Quint a été précieux au milieu, même si on le sent à cours de rythme quand les courses s'enchaînent. Il s'est illustré positivement en début de chaque période, avant de disparaître peu à peu. Il donne le second but et est sorti sous les applaudissements des supporters. Toujours chez les pros, David Leray s'est montré concerné et concentré, ce qui ne fut pas toujours le cas par le passé. Un match positif mais sans trop d'initiatives offensives. Steven Thicot a confirmé qu'il avait encore beaucoup à apprendre. S'il est intéressant dans ses interventions et anticipations, il n'est pas toujours à l'aise dans les duels lancés et a une certaine tendance à se faire contrer dans ses dégagements. Jean-Jacques Pierre a alterné le très bon : interventions sûres, jeu de tête impressionnant, son but, avec des approximations qui confirment qu'il n'est pas actuellement meilleur que Guillon ou Delhommeau : relances hasardeuses, vitesse de course perfectibles, défaut de concentration. Enfin Claudiu Keserü, pas toujours très soutenu, s'est bien sorti d'affaire, avec une nouvelle assurance. Il marque un beau but et a bien pesé sur la défense. Il n'a pas non plus lésiné sur les appels, notamment en soutien, un domaine où il est en progrès. Sinon, N'Dy Assembe est malheureux sur le but, alors qu'il a été impeccable par ailleurs. Donzelot a plutôt bien sécurisé son coté gauche. Un poste de reconversion pour la bonne cause, pour ce droitier autrefois offensif. Das Neves a lui aussi déserté son poste d'arrière central pour jouer demi-défensif. il s'en est plutôt très bien tiré, avec une grosse présence et une belle activité. Il est toutefois trop juste techniquement dans certaines phases de jeu et il a tendance à porter trop le ballon, car il ne semble pas voir le jeu assez vite, ce qui est sans doute normal du fait de son inexpérience à ce poste. Devant lui, Diop, posté plus bas qu'à l'accoutumée, en relai de Quint, a été plutôt en vue, même s'il manque encore trop de passes et s'il a tendance à perdre facilement son sang froid. Sur son coté droit, Mathieu Chemin n'a pas fait grand chose de bon, tandis que Sammaritano, a récité sa partition, de dribbles et provocations avec un certain bonheur, même s'il doit encore être plus régulier et efficace dans son jeu.
Frédéric Porcher, le 6 février 2006