Mickaël Landreau et Frédéric Da Rocha s'embrassent devant la soixantaine de supporters nantais qui ont effectué le voyage de Félix-Bollaert. Le silence s'est fait dans les autres tribunes, glacées par la déception. Vingt-cinq mille spectateurs ont peine à en croire leurs yeux, ceux de Mathieu Hoguet l'un des meilleurs joueurs de Calais laissent échapper quelques larmes. Elles contrastent avec le bonheur des Canaris, lequel est de toute évidence à la mesure des frayeurs qu'ils viennent d'endurer. Ils ont souffert mais ils ont gagné, les voici en demi-finale de la Coupe de France, prêts à prolonger leur rêve d'une fin de saison victorieuse. La vie est belle.
Un jeu très pauvre
Il n'empêche : si nous n'aimions autant ce club, nous ne pourrions nous empêcher de déplorer la cruauté du football, nous aurions même sans doute dénoncé une teinte d'indécence dans les scènes de liesse suscitées par ce succès ric-rac. Nous comprenons cette joie, nous la partageons même, mais aussi forte et intense qu'elle soit, nous n'en restons pas moins atterrés par la pauvreté du football pratiqué par des Jaunes décidément de plus en plus pâles et que nous éprouvons de plus en plus de mal à reconnaître.
C'est vrai qu'il s'agissait d'un match piège. C'est vrai que tout était réuni pour que les Calaisiens soient sacrés héros de la fête. Que l'ambiance était hostile et la pelouse en mauvais état. C'est vrai qu'il y a un an, à quelques kilomètres plus au nord-ouest, Nantes s'était fait ridiculiser par Boulogne, une autre équipe de CFA. Et que ce souvenir était encore suffisamment frais pour instiller le doute. C'est vrai aussi que la formation de Sylvain Jore possède de bons joueurs, à commencer par ce Mathieu Hoguet, ancien élève recalé du centre de formation de Lens qui nous fit penser, alors qu'il soutenait aisément la comparaison à distance avec Dennis Oliech et procurait mille tracas à Mauro Cetto, qu'il existe de bons footballeurs en France. Quand on sait les chercher et leur faire confiance.
Le pire eut été de perdre, en plus
Oui, on peut comprendre que Nantes ait été mauvais, surtout quand il nous reste la victoire, l'essentiel en Coupe, car le pire eut tout de même consisté à jouer aussi mal et à finir par perdre. Là, au moins, les apparences sont sauves et, on le répète, la qualification a creusé une source qui nous inonde d'un bonheur suffisant pour noyer, cette fois, le chagrin qui nous taraude quand le contenu d'un match de Nantes est aussi désespérément pauvre.
Il faut donc bien l'avouer sans détour : Nantes a mal joué, la plupart de ses joueurs ont évolué au-dessous de leur niveau et sur le plan offensif il est difficile d'imaginer plus calamiteux que ce qu'on a vu. Ou plutôt pas vu. Pas de construction, pas d'imagination, pas de percussion, pas de mouvements, pas de débordements par les ailes. Quoi alors ? Du courage, de la volonté, de la ténacité et pour finir, un coup d'éclat du vieux soldat Da Rocha qui n'a sans doute plus ses jambes de vingt ans mais est toujours résolu à courir tant quelles peuvent le soutenir.
Davantage d'occasions pour Calais
Les occasions de but furent très rares et on a bien peur que celles de Calais l'aient été un peu moins. Les enchaînements, les phases de jeu construites ont été proches du néant et parfois on eut la désagréable impression que Calais, mais oui, jouait mieux que Nantes. Cette extravagance ne manque d'ailleurs pas d'être soulignée dans le compte rendu de « La Voix du Nord ». « Ironie du sort pour les Nantais, ce sont les Calaisiens qui jouaient à la nantaise » écrit le journal qui, remarquez bien y va un peu fort, il ne faut tout de même pas exagérer. On veut dire que Calais n'est pas, non plus, une académie du football. Mais il joue en CFA…
Promesses pas tenues
Les Canaris avaient pourtant empoigné les débats par le bon bout, avec une défense à trois, Signorino se portant dans l'entre-jeu et une attaque où Rossi était chargé de tenir un rôle d'élément perturbateur et d'apporter du soutien à Oliech. Ce qu'il ne fit pas. Pas assez en tout cas. Quint occupait une position un peu bâtarde, disons dans la zone offensive centre-gauche, et dans un premier temps il plaça quelques coups de patte annonciatrices de promesses qui n'allaient pas être tenues. Car une fois qu'il eut accompli trois bonnes passes, l'ancien Sedanais disparut progressivement de la circulation. Sur l'un de ses coups francs, Signorino tira à côté. On était donc alors en début de rencontre, au terme du premier quart d'heure, et tout allait à peu près bien puisque Da Rocha avait eu une première occasion sur un centre de Signorino (8è) et que Cetto, de la tête, avait mis Schille à contribution (10è). Landreau, lui, n'avait absolument rien vu venir.
Des relances catastrophiques
Or, soudain, l'affaire se gâta. Presque sans s'en apercevoir, les Nantais perdirent la maîtrise du match face à des Calaisiens qui s'enhardirent et se mirent à presser plus haut. Les Jaunes vécurent une dizaine de minutes difficiles, concédant corners et coups francs et ne parvenant pas à se dégager de manière propre. La plupart de leurs relances frôlaient la catastrophe, même Toulalan commettait des erreurs techniques et Oliech se trouvait de plus en plus isolé en pointe. A charge pour lui de tenter d'exploiter les obus qui lui étaient expédiés, y compris par Landreau. Le Kenyan a beau être doté d'une impressionnante pointe de vitesse, sa mission se révélait du genre impossible.
Sur le fil du rasoir
L'occasion de but la plus nette de la première période fut finalement à inscrire au crédit de Savinaud. On devrait plutôt écrire au débit puisque c'est bel et bien contre son camp que Nicolas faillit marquer, à la 32è minute. Venant de se faire surprendre par une montée de Rollet, l'arrière gauche de Calais, il voulut contrer son centre. Le ballon ricocha en direction de la cage nantaise et Landreau n'eut que le temps de le claquer en corner. Lequel donna lieu à un joli tohu-bohu dans la surface des Canaris car Mickaël avait raté sa réception. Un choc crânien entre Rossi et Hoguet qui valut un carton jaune au premier et un bandage à chacun d'eux (34è) puis une échappée d'Oliech qui tira dans les bras de Schille furent les deux autres mini-événements notables avant la pause.
Les Nantais entamèrent le deuxième acte en obtenant deux corners. Ce n'était qu'un feu de paille. La suite s'avéra de plus en plus incertaine, au fur et à mesure que le temps passait et les Canaris marchaient véritablement sur le fil du rasoir. Quelle chance qu'ils ne se soient pas coupés ! Cetto stoppa Hoguet d'un tacle glissé (50è). Guillon revint in-extremis sur le même Hoguet et parvint à lui subtiliser le ballon (66è). Il rattrapa ensuite une erreur de Cetto que Hoguet, toujours lui, venait de mystifier (71è).
La réponse de Da Rocha
L'entrée en jeu de Glombard à la place de Rossi, au bord du carton rouge, fit du bien. Les mauvaises passes entre des joueurs trop peu mobiles n'en continuèrent pas moins de se multiplier et Nantes jouait vraiment petits crampons. Le poids d'une lourde surprise pour les uns, le parfum d'un formidable exploit pour les autres, flottaient dans l'air de Bollaert. « Et y sont où ? Et y sont où les canaris ? » interrogeait le public sur l'air des lampions. On ne savait pas trop. Heureusement, Da Rocha, lui, était encore là et il eut le mérite de fournir une réponse cinglante. Cetto venait d'effectuer un retourné capté par Schille quand Frédéric reprit de volée un centre de la droite d'Oliech. Schille réagit avec une fraction de seconde de retard et le ballon, enfin, se ficha dans ses filets (88è).
A l'autre bout du terrain, Landreau explosa de joie, comme un gosse, montrant à ceux qui ont le front d'en douter combien il a aimé, et combien il aime encore le FC Nantes. Il n'était toutefois pas au bout des émotions. Car les deux minutes qui restaient, plus les trois minutes d'arrêts de jeu, furent longues, très longues. Lorsque sur un shoot de Boutoille, le ballon fila sur une main de Cetto, dans la surface, tout le stade retint son souffle. Landreau, peu après, se jeta sur un ballon chaud et sous la menace des crampons calaisiens. Et puis ce fut la délivrance, la joie. Enfin.
B.V., le 13 avril 2005