Paroles et parole
« Il y a beaucoup de choses à revoir. Quand on pense à l'avenir, ça fait peur. Ce serait malhonnête de vous dire le contraire. Pourquoi peur ? Quand je vois l'engagement, le dispositif tactique, je m'interroge. (Presse Océan, 11 mars) » Voilà pour la petite tape sèche et amicale délivrée par Kita derrière la nuque de Der Zakarian à la fin de la rencontre d'hier soir. Une manière pour lui, sans doute, de donner le change aux sifflets de son « public en or » (titre de l'édito du jour de « Jaunes de cœur »). Lundi matin le président du FCNA répondant aux questions des supporters sur le site officiel du club assurait pourtant, et on imaginait le trémolo dans la voix, « Si nous montons, Michel Der Zakarian restera entraîneur. C'est une question de parole entre lui et moi. »
Il est comme ça le président. Il peut dire un jour, quand Nantes perd, à propos de Der Zakarian et Gentile : « être polis, travailleurs et respectueux, est-ce suffisant pour réussir ? », à la suite de sa précédente diatribe : « Quand on n'a pas les moyens d'innover, on n'innove pas et on reste simple ! », et puis déclarer, tranquille, un mois plus tard quand Nantes retrouve le sourire, c'est-à-dire avant Libourne / Nantes (Jaunes de Cœur n°46) : « Tous ensemble, Michel, Baptiste, Claude, Christian, Pascal nous sommes restés soudés quand le bateau tanguait ». Non vraiment, à la lumière d'arcanes qui nous révèlent d'autres dissensions, c'est beau, c'est grand.
Opportunisme
« J'aime les mots de Cocteau » déclare-t-il encore, sans rire, après avoir cité sans le savoir une phrase de Pierre Reverdy (reprise il est vrai par Cocteau) toujours dans ses fabuleux éditos de Jaunes de Cœur (1). C'est pourtant du coté de Dutronc qu'on semble devoir trouver la substantifique moelle de ses paroles à volte face. Car hier soir l'opportunisme était communicatif aussi sur le terrain : une occasion franche, en forme de corner franc, transformée en but par Shereni qui rejoint avec 6 unités le total prématuré de Bagayoko.
On pourrait en rester là du résumé de ce match tant les deux formations ont offert un spectacle piteux et sans saveur. Ne dit-on pas qu'il faut deux bonnes équipes pour faire un bon match ? Hier soir c'était zéro pointé. On doit pourtant reconnaître certaines qualités aux Canaris, contrairement à ce qu'ils avaient montré durant 80 minutes 10 jours plus tôt face à Libourne. Le pressing est presque constant, les espaces sont rares, les schémas de départ sont respectés et il est bien difficile pour l'adversaire de rentrer dans la surface et trouver la profondeur. Pour l'utilisation du ballon, c'est évidemment une autre histoire. Sans Da Rocha et sans De Freitas, les rares dépositaires d'un jeu timide, on ne peut pas non plus demander la lune.
Moullec au milieu et Goussé à droite
En l'absence de ces deux joueurs et contrairement aux bons conseils de son président, Michel Der Zakarian avait du encore innover face au cinquième du championnat. Si le retour de Thomas n'était pas censé bouleverser un ordonnancement éprouvé au niveau des lignes arrières, la nouveauté vint surtout du positionnement dans le couloir droit de Goussé, tandis que Moullec jouait finalement davantage au milieu, plus haut que Shereni, lui-même plus offensif que Faty. A gauche Babovic devait alimenter son compatriote Djordjevic souvent esseulé à la pointe de l'attaque. On notait enfin le retour de Heurtebis dans la cage en remplacement de N'Dy Assembe. Sur le banc Vainqueur attendait sa première entrée en jeu de la saison à coté de Guillon, Briant et Capoue, tandis que Dossevi mourait lui aussi d'envie de retrouver la pelouse de La Beaujoire après plus deux mois de disette.
Avec une telle organisation, qu'on suppose calquée sur les dangers représentés par l'adversaire, il n'était pas vraiment question de jouer à la « baballe » au milieu. Ça s'employait davantage à presser haut pour récupérer le cuir rapidement et progresser soit sur les cotés, surtout le gauche, soit dans la profondeur. Ça privilégiait les centres et c'était censé obtenir des coups de pieds arrêtés, point faible analysé des Grenoblois. Le plan a donc bien fonctionné. On n'a évidemment pas parlé de jeu, car la victoire était la plus importante et un match nul pas déshonorant mathématiquement. Le jeu est devenu une cerise sur le gâteau et Nantes s'y risquera peut-être, comme s'il pouvait l'improviser, quand les 3 parts ne seront plus disputables par des adversaires qui doivent déjà songer à un dessert moins savoureux au soir de cette fin de 27ème journée.
Le jeu pourrait pourtant sauver Der Zakarian
Ce jeu, avec le titre de champion en prime, tel devra être le plus tôt possible le challenge de Der Zakarian s'il ne veut pas voir son président rompre sa parole, la larme à l'œil, au prétexte qu'un « public en or » ça mérite d'être récompensé autrement que par un ersatz.
En mode mineur, Grenoble développa hier soir davantage de mouvements que les Jaunes. On y retrouva d'ailleurs avec plaisir Milos Dimitrijevic dans un rôle incongru de milieu droit. Les Isérois ne purent pourtant que frapper de loin. Par deux fois Dja Djedjé puis Feghouli ajustèrent leur tir (8ème et 34ème). Le second missile se rapprocha de la cible au point qu'il tutoya le haut de la transversale de Tony Heurtebis. Plus tard, au second poteau et dans un angle fermé, Akrour obligea Heurtebis à dispenser sa seule parade de la soirée. Ce fut tout pour ce premier acte ponctué tout de même, on le rappelle, par le but de Shereni (24ème).
Des changements, pas de changement.
Après le repos, ce fut pire encore. Capoue avait remplacé un Djordjevic pas vraiment à la fête. Il s'était positionné exceptionnellement à droite avant de retrouver son couloir gauche lorsque Babovic, encore bien brouillon, rejoignit le vestiaire pour laisser sa place à Vainqueur (77'), tandis que Goussé avait déjà cédé la sienne à Dossevi (69'). Malgré ces changements d'organisation Nantes se montrait de plus en plus attentiste et il ne fut pas loin d'être puni. En effet, en toute fin de rencontre, Paillot bien servi en retrait par Dja Djédjé crut offrir l'égalisation à ses couleurs. Mais une fois encore le ballon passa au-dessus de la transversale.
Le public siffle, gronde puis s'en va.
Monsieur Thual choisit alors de libérer les acteurs autant que les spectateurs. Ceux-ci avaient sifflé la pâle prestation des Jaunes. Ils avaient aussi méchamment pris en grippe l'infortuné Capoue. Au coup de sifflet final ils applaudirent tout de même. Nantes se rapprochait de la Ligue 1 et la piteuse prestation du moment rejoignait rapidement les innombrables précédentes dans l'oubli d'une soirée venteuse et pluvieuse. Sur le chemin de retour du supporter, Aragon répondait aux « preuves d'amour » de Reverdy-Cocteau par « il n'y a pas d'amour heureux ». De là à dire qu'il y a du divorce dans l'air c'est une autre histoire…
F.P., le 11 mars 2008
(1) Dans le Jaune de Cœur n°46 distribué avant Nantes / Grenoble, Kita déclare lyrique : « Il n'y a pas d'amour heureux, il n'y a que des preuves d‘amour… J'aime les mots de Jean Cocteau comme j'apprécie la constance des engagements. »