Keserü : « j'étais horriblement gêné »
« Claudiu Keserü, Claudiu Keserü », chantait le kop. On en était à la 83è minute et le jeune Roumain quittait la pelouse pour laisser sa place à N'Diaye. Il avait marqué un but.
Tout allait bien ?
Eh non, puisque, vous ne le savez que trop, Claudiu ne porte plus les couleurs de Nantes. C'est Libourne qui menait 2-1 et lorsqu'il avait expédié le ballon dans les filets, dès la 19è minute, Keserü s'était abstenu de toute démonstration de joie. « Je me sentais vraiment mal , dira-t-il. Je savais que ce but était important pour Libourne, que je n'avais fait que mon métier. Mais j'étais horriblement gêné d'avoir marqué contre des gens que j'aime. Ce public a été si gentil avec moi, il m'a tellement soutenu que j'étais désolé de lui causer de la peine . »
Keserü est un homme de cœur et il en oublierait presque que s'il joue actuellement en Gironde, c'est à son corps défendant.
Très, très laborieux
Bon, cette fois encore l'histoire s'est (à peu près) bien terminée. Nantes a au moins évité le camouflet, rétablissant l'équilibre à quelques minutes de la fin. Mais ce fut laborieux. Très laborieux. Dur. Très dur.
Le match a été médiocre, pauvre en jeu, et seuls le suspense et un dénouement qu'on n'osait plus espérer l'ont sauvé de l'ennui. Le paradoxe de l'histoire est que Nantes a tout de même conforté sa position, portant à 11 points son avance sur le quatrième, Bastia. La Ligue 1 n'est pas encore là mais elle s'est encore un peu plus rapprochée, même qu'on imagine mal, à présent, comment elle pourrait se dérober sous les crampons des Canaris.
Cela dit, ce n'est pas la qualité de jeu qui est susceptible de mettre Nantes à l'abri d'un retour de manivelle. Du moins sur ce qu'on a vu au cours de ce match face à Libourne, équipe de surcroît extrêmement accrocheuse, truqueuse même, et déterminée à casser le jeu plutôt qu'à chercher à l'emballer. C'est bien simple : il ne s'était pratiquement rien passé, on n'avait en tout cas noté aucune occasion de but, lorsque Claudiu Keserü déflora la marque. On atteignait donc la 19è minute et sur son aile gauche Moura prit largement le meilleur sur Kevin Das Neves. Son centre fut dévié dans la cage, de la tête, par l'ancien pensionnaire de la volière des Canaris.
Joli but nantais de De Freitas
Libourne dès lors n'avait plus qu'un objectif : protéger sa bonne fortune et Nantes comprit très vite qu'il serait malaisé de faire sauter le verrou girondin. Car aux lacunes dans la construction, s'ajoutaient aussi des hésitations dans la défense, à tel point d'ailleurs qu'excepté De Freitas, qui évoluait un ton au-dessus des autres, personne n'échappait vraiment à la morosité ambiante.
C'est pourtant grâce à un très beau but que Nantes rétablit l'équilibre. L'action fut amorcée par De Freitas et enjolivée par une feinte de corps d'Aurélien Capoue qui laissa filer le ballon sur Rémi Maréval. Le latéral nantais monta et effectua un centre que De Freitas reprit adroitement et efficacement.
Nantes s'était remis dans la partie mais il ne se montra pas plus à l'aise pour autant. Il y avait du sable dans les rouages du 4-4-2 mis en place par Der Zakarian, avec Goussé et Dordjevic en attaque, Moullec et Capoue sur les côtés, De Freitas et Shereni à la récupération (et même un peu plus pour le premier nommé). Les Canaris ont-ils pris les Libournais de haut et se sont-ils inconsciemment déconcentrés après avoir négocié au mieux trois rendez-vous (Brest, Bastia, Sedan) où la pression était maximale ? Ont-ils payé les efforts consentis quatre jours plus tôt dans les Ardennes ?
Libourne reprend l'avantage dans une défense statique
En tout cas, ils n'étaient pas dans leur assiette, ils jouaient à l'envers, et juste avant la pause un ballon perdu par Poulard faillit bel et bien permettre à Moura de replacer son équipe en tête (43è). Une faute de Poulard (qui n'a pas confirmé sa sortie positive à Sedan), sur Keserü, fut, elle aussi, à deux doigts de provoquer des dégâts. Sur le coup franc, le Roumano-nantais de Libourne expédia un obus sur le montant opposé (45è+1). N'Dy Assembé était battu.
Pour Libourne, ce n'était que partie remise. A la 52è minute, suite à un corner, une situation assez confuse se produisit devant le but nantais. Moura tira une première fois. N'Dy Assembé repoussa. Moura reprit et marqua. Le gardien nantais ne s'était pas montré impérial, mais ses défenseurs avaient surtout brillé par leur immobilisme.
Bombardement
La responsabilité de Das Neves était également engagée et Der Zakarian le fit sortir à peine trois minutes plus tard au profit de Babovic. Ce dernier s'installa sur le flanc droit, Moullec reculant au poste d 'arrière droit. Peu après, il adressa d'ailleurs un centre que Djordjevic ne put reprendre (57è). Shereni qui collectionnait les mauvais choix fut bientôt remplacé par Faty (60è) alors que Goussé, blessé, céda son poste à Bagayoko (65è). A partir de là, la domination nantaise s'intensifia mais elle consistait pour l'essentiel à expédier de grands ballons aériens en avant et elle se révéla totalement improductive. Il manquait du mouvement, de la variété, de la construction, de la précision. Il manquait surtout des occasions de but.
Djordjevic égalise
Les Libournais subissaient l'assaut en multipliant les actes d'anti-jeu; notamment les simulations. Ils furent, dans un sens, punis par où ils péchaient. L'un d'eux, pratiquement le meilleur puisqu'il s'agissait de Moura, gisait sur la pelouse, près de la ligne médiane, à la 88è minute. Etait-il blessé, réellement ou pas, c'était difficile à discerner puisque ses copains avaient précédemment, à plusieurs reprises, abusé l'arbitre. Cette fois, Jérôme Auroux décida donc de laisser jouer. Et les Nantais décidèrent de jouer. Capoue décocha un centre que Djordjevic transforma subtilement en but. Son cinquième d'affilée en quatre matches !
Car l'arbitre, sans hésiter, désigna le rond central. Les Libournais auraient-ils encaissé ce but si Moura avait continué ? En fait, c'est surtout l'arrêt du jeu qu'ils auraient voulu obtenir afin de pouvoir se regrouper. Ils protestèrent donc. En vain, bien sûr, et, vraiment, sur ce coup, on donnera entièrement raison aux Canaris. Tholot fit d'ailleurs sourire lorsqu'ensuite il parla d'éthique.
Fin de match agitée
Le score était donc de 2-2 mais on n'en resta pas là. Pionnier, le gardien libournais s'évertua en effet à conserver le ballon afin de retarder l'engagement. Sa conduite, on peut écrire anti-sportive, énerva Bagayoko qui essaya de lui arracher le ballon des mains. Le goal libournais résista d'une façon abusive. Il n'en fallait pas davantage pour mettre le feu aux poudres. L'arbitre intervint et sortit son carton jaune. Il nous semble que la logique aurait voulu qu'il en décernât un à chacun, Pionnier d'un côté et Bagayoko de l'autre. En tout cas qu'il opte pour la même sanction puisque les deux hommes étaient également coupables.
Le problème est que le gardien libournais avait déjà écopé d'un avertissement pour anti jeu et qu'il aurait donc dû, avec un second carton jaune, débarrasser la pelouse. Alors, Auroux se dégonfla : il sévit bien à l'encontre de Bagayoko mais il épargna Pionnier. Avec raison, l'attaquant nantais considéra qu'il y avait de l'injustice dans l'air. Avec tort, il dépassa les bornes pour le faire savoir à l'arbitre puisqu'il l'insulta. Carton rouge, décréta Auroux qui le 29 octobre dernier avait déjà expulsé Capoue à Niort, en fin de rencontre.
A dix et durant les sept dernières minutes, donc cinq de temps additionnel, Nantes continua à pousser. En vain. D'ailleurs, il est permis d'estimer qu'il ne méritait pas mieux que ce partage des points.
Puisque le match a été tristounet on ne résiste pas à l'envie de vous raconter une histoire cocasse qui se déroula ensuite, dans les coulisses. Alors qu'un spectateur discutait avec Didier Tholot et ne partageait visiblement pas son avis, l'entraîneur libournais crut trancher le débat à son avantage en lançant : « mais qu'est-ce que vous y connaissez ? Vous n'avez jamais joué au foot vous ! »
La répartie aurait été simplement plate si le spectateur en question n'avait été Bernard Blanchet. Meilleur buteur de l'histoire du FC Nantes !
B.V., le 2 mars 2008
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