Le Havre était le meilleur, c'est aussi simple que ça
Le brouillard était tombé du ciel, rendant plus obscurs encore les vains efforts des Nantais pour rétablir une situation devenue opaque depuis le shoot victorieux, à la 57è minute, de Jean-Michel Lesage. Et plus le temps filait, comme le sable qui s'échappe entre les mains, davantage on le presse moins il en reste, plus la clarté se faisait sur la pelouse : Le Havre était bien le meilleur.
On ignore encore si la vérité de ce lundi soir sera celle du championnat mais aujourd'hui la contestation n'est pas possible : actuellement le vieil HAC est le patron, il a gagné à la Beaujoire, en toute logique, et même avec un certain brio, il a repris la tête du championnat et il compte un match en retard.
On ignore tout autant, peut-être même encore plus, si Nantes va parvenir à ses fins, retrouver la 1ère division. Sa marge de sécurité demeure de 7 longueurs par rapport aux quatrièmes, Bastia et Clermont, mais tous deux comptent un match de plus à jouer et les Corses n'ont pas forcément renoncé au point qui leur a été retiré sur le tapis vert. La position des Canaris demeure forte mais leurs droits à l'erreur diminuent et les prochains matches, à Brest et face justement à Bastia, sont devenus des tournants qu'il importera de négocier sans subir trop de dommages. Sinon le souffle de la pression sera là, bise glacée sur la nuque des Canaris.
Une défense qui relance n'importe comment
Alors, il est temps de souhaiter que Le Havre soit vraiment plus fort que les autres. Et donc que Nantes ne rencontrera pas au cours des prochaines semaines beaucoup d'adversaires susceptibles de le faire autant déjouer et de mettre pareillement le doigt sur ses lacunes, là où ça fait mal, où la défense craque à force de ne pas savoir relancer, où les attaquants balbutient car ils ne sont pas bien servis, où le milieu de terrain ne sert à rien car la construction est tenue pour notion secondaire.
On a écrit « déjouer » mais il n'est pas sûr que ce soit le terme qui convienne le mieux. Car en fait Nantes est retombé dans son jeu primaire de début de saison, il était redevenu le FC Boum-Boum, balançant les ballons loin en avant comme une équipe de seconde série. Il se peut que le retour de Mamadou Bagayoko ne soit pas étranger à ce jeu primaire.
Questions autour de Bagayoko
Il paraît si facile d'essayer de le lancer loin en profondeur, il le demande d'ailleurs. Quand il fait la différence seul, et c'est arrivé en début de saison, on a même parlé ensuite de « Bagayoko-dépendance », sa réussite fait oublier, du moins au tableau d'affichage, la pauvreté du jeu. Mais lorsque le Malien a affaire à aussi adroit que lui, ou à des adversaires bien organisés, il reste muet et le football autour de lui devient pathétique.
Nantes joue donc mieux sans Bagayoko, on l'avait d'ailleurs vu huit jours plus tôt, en fin de rencontre, à Clermont-Ferrand, et c'est un constat dont il va bien falloir tirer des enseignements, lesquels ne signifient pas forcément, rassurons Mamadou, qu'on veuille absolument se passer de lui. Mais il faut réfléchir à la question et arrêter de lui balancer systématiquement des obus dès lors qu'il se montre impuissant à les utiliser. Une tactique primaire peut marcher, grâce aux valeurs individuelles, contre des « petites » équipes, ses chances d'aboutir se réduisent considérablement quand le niveau monte.
La notion de groupe est-elle en danger ?
On ajoutera que l'injection de nouveaux joueurs peut évidemment constituer un plus, elle est aussi susceptible d'affaiblir la cohésion d'une équipe. L'esprit de corps des Nantais a souvent été vanté cet automne, il contribuait à asseoir leurs forces, il ne faudrait pas que cet atout se dilue au fur et à mesure que le collectif change. Marek Heinz est passé dans le match lundi soir sans que personne ne s'en aperçoive, il n'y est d'ailleurs pas véritablement entré et Babovic dont les débuts face à Châteauroux avaient été prometteurs semble éprouver quelque peine à confirmer.
Voilà donc des interrogations supplémentaires, elles s'ajoutent à celles posées par une défense qui en dépit de son efficacité apparente, puisqu'elle prend peu de buts, n'en finit pas d'afficher ses faiblesses. Guillaume Moullec est ce qu'il est, il avait raté son match à Clermont, mais que dire d'Olivier Thomas ? Son match a viré au cauchemar, il a multiplié les fautes et les à peu près. De plus, juste après avoir écopé d'un carton jaune (17è), il trouva le moyen d'aller contester une décision de l'arbitre assistant d'une manière si insistante que son renvoi au vestiaire, sous la forme d'un second carton, n'aurait pas été anormal. Il va bien falloir qu'un jour Michel Der Zakarian se rappelle que Das Neves est désormais opérationnel et susceptible d'occuper le flanc droit de la défense.
Babovic ne confirme pas
Thomas n'était pas dans son assiette, il n'était, malheureusement, pas le seul. Jean-Jacques Pierre se montra également d'une incroyable imprécision sur le plan de ses relances, il alla même parfois jusqu'à redonner carrément le ballon à un adversaire. Shereni fit à peine moins mal. Il avait été titularisé en défense centrale, Michel Der Zakarian ayant conçu un milieu en losange, De Freitas en pointe défensive, Babovic en pointe offensive, Da Rocha et Capoue sur les côtés, mais pas suffisamment près de la ligne de touche pour écarter véritablement le jeu, cette observation valant surtout pour l'ancien Romorantinais.
Bagayoko et Goussé se tenaient en pointe et force est de reconnaître qu'ils furent rarement bien servis. Das Freitas se montrait très actif, il éclairait le jeu, mais il était trop esseulé et si Da Rocha essayait de construire, Capoue se limitait à percuter. Babovic, lui, ne parvenait pas à peser sur les événements, peut-être parce que les ballons passaient trop largement au-dessus de sa tête, peut-être aussi que parce que le niveau du championnat de Serbie n'équivaut pas forcément à celui de la Ligue 2. On ne va certes pas le condamner, c'était seulement son troisième match, il n'a pas été mis dans de bonnes conditions et nous avions été plutôt séduits par sa bonne prestation contre Châteauroux (lequel n'est pas Le Havre). Il va tout de même falloir réfléchir, là encore.
Heurtebis intervient, Revault n'a rien à faire
Les Normands jouaient tout simplement mieux et ils ne tardèrent pas à se montrer les plus dangereux. Dès la 1ère minute, profitant d'une mauvaise relance de Pierre, déjà ! Hoarau alerta Heurtebis d'un shoot à ras-de-terre. Peu après (8è), c'est Lesage qui mit le gardien nantais à contribution. Le match était équilibré, un peu fermé, et Thomas se « distinguait » par des interventions litigieuses. Il en résultait des coups francs que les Normands n'exploitaient pas. Il n'empêche que ce sont bel et bien eux qui s'affirmaient les plus entreprenants, notamment par Ait Ben Idir qui à la 21è minute s'enfonça dans la défense centrale comme une lame de couteau brûlante dans le beurre. Heurtebis sauva les meubles en détournant en corner. On nota encore des tentatives de Lesage (25è, de peu à côté, 30è, suite à un coup franc) et alors que la pause approchait force était de constater que Revault n'avait pas eu la moindre intervention à effectuer. La première véritable frappe des Nantais avait été l'œuvre de De Freitas, à la 37è minute. Elle avait été contrée par...Babovic. Da Rocha avait à son tour tenté sa chance, en vain, à la 44è minute, permettant ainsi aux Canaris de terminer sur une note un peu moins accablante.
L'occasion de Goussé
Cette impression d'un mieux sensible se confirma après la pause. Le brouillard était tombé sur La Beaujoire mais les Nantais semblaient enfin avoir trouvé leurs lanternes. Ils en étaient revenus à un 4-4-2, Da Rocha prêtant main-forte à De Freitas à la récupération, tandis que Babovic était passé sur le flanc droit. Ils auraient même pu ouvrir le score sur une action Capoue-Bagayoko que le Malien termina, de la gauche, par un centre sur lequel Goussé tenta de mettre le pied (47è). Il lui manqua quelques centimètres. Si Nantes ne monte pas à la fin de la saison, c'est sans doute une image qui longtemps hantera ses nuits.
Goussé ne put encore reprendre, mais il n'y était pour rien, un nouveau centre aérien de Capoue (49è) puis De Freitas botta un coup franc dans le mur (51è) et Babovic expédia le ballon au-dessus (51è).
Dans le brouillard
Nantes allait donc mieux. Mais c'est à cet instant qu'il se fit crucifier. Au départ, par la faute de Thomas, et ce fut sans doute justice qu'il paya ainsi au prix fort la facture de ses multiples irrégularités. Il commit un coup franc, inutile, à la hauteur de la ligne médiane, le long de la touche. Il fallut appeler les soigneurs. Et lorsque la partie reprit, les Havrais jouèrent le coup à toute vitesse, par surprise, mettant Lesage sur orbite. Ce dernier s'avança tranquillement et, lorsqu'il fut à 35 mètres, il décocha un tir que Tony Heurtebis ne put qu'effleurer.
On en était à la 57è minute, le match était plié. La suite fut un festival de ballons en profondeur qui ne troublèrent pratiquement jamais les défenseurs havrais. Heinz remplaça Babovic(64è), sans rien apporter. Sans même paraître concerné. Djordjevic succéda à Goussé qui n'était pourtant pas le plus mauvais (69è), sans paraître posséder davantage de qualités que Keserü. Thomas qui venait de se faire mystifier deux fois, débarrassa la pelouse au profit de Moullec (77è). Sous les sifflets, il sembla s'en plaindre, mais quoi : on n'allait tout de même pas l'applaudir ?
Le public d'ailleurs semblait résigné. Et le brouillard était toujours là, sur la pelouse et encore plus dans les têtes.
B.V., le 29 janvier 2008