Ils ne donnaient vraiment pas l'impression de s'amuser
Il était un peu plus de vingt heures vingt et nous nous demandions si la programmation n'avait pas commis une erreur : quand donc le match allait-il enfin commencer ? Bien sûr, vingt-deux hommes couraient sur la pelouse, en ordre assez dispersé, mais franchement ils ne donnaient pas l'impression de s'amuser beaucoup. Ils ne jouaient pas. Leurs exercices laborieux n'avaient rien de palpitant. Etait-ce l'échauffement ?
Soudain pourtant, le maillot rose porté par Buengo s'échappa sur la droite et adressa un centre sur lequel Pierre, Thomas et Heurtebis s'avancèrent avec plus ou moins de conviction. Le second nommé parvint à détourner le ballon dans ses filets. Le speaker, la voix à demi-éteinte, annonça : « but pour Amiens... »

Première action de Nantes à la 26è minute
Il fallait donc se rendre à l'évidence : la partie était bel et bien entamée et c'était donc du football, ou du moins ce qu'ils appellent ainsi, que les acteurs interprétaient sur la pelouse, devant moins de 19.000 spectateurs. Il fallut toutefois attendre encore cinq bonnes minutes pour assister à la première action nantaise digne d'être notée. Elle émana de Capoue qui centra de la gauche pour Dossevi. Ce dernier effectua une passe en retrait pour De Freitas dont le shoot s'envola dans les décors. Encore cinq minutes filèrent, décidément ! Et Dossevi, lancé en profondeur, et alors qu'il n'était gêné par aucun adversaire, « ajusta » une reprise de la tête très largement à côté.

Heinz encore inefficace
Ce n'était pas le soir de l'ex-Valenciennois. Ce n'était pas non plus celui de Capoue dont les déboulés en ligne droite traduisaient certes une louable volonté mais manquaient terriblement de lucidité à leur conclusion. Mais que dire de Marek Heinz ? Le Tchèque était encore plus absent qu'à l'ordinaire, plus mal inspiré. Qu'on nous comprenne bien : si on insiste autant sur son cas, de match en match, c'est parce que nous pensons qu'il possède un réel potentiel. Le problème est qu'à chaque fois nous restons un peu plus perplexe : pourquoi ne le montre-t-il pas. Pourquoi ne l'exprime-t-il pas au service de la collectivité ? Lui a-t-on appris un jour ce qu'est le football ? En est-il resté aux exercices et à l'âge du défunt concours du Jeune Footballeur où l'essentiel consistait à effectuer le plus de jonglages possibles ? Sa nonchalance est d'autant plus irritante qu'elle se confond avec un complexe de supériorité. Lequel n'a pourtant pas lieu d'être, sauf évidemment s'il se base sur sa fiche de paie. Au fond, sa seule excuse, retenons-la tout de même, est que plusieurs fois il se retrouva avec le ballon entre les pieds et aucune possibilité de passe sous les yeux. Personne n'était démarqué, personne ne bougeait, personne ne sollicitait une passe... Et que penser du positionnement des Nantais sur les rares coups de pied arrêtés dont bénéficiaient les Picards ? Ils campaient à onze devant leur but, se privant ainsi de toute possibilité de contre à peu près échafaudé.

Andriatsima rentre
On a parlé des centres de Capoue, mais ceux de Thomas ne valaient pas mieux, on pense notamment à celui qu'il adressa, juste avant la pause, à ras de terre, au milieu de trois Amiénois dont la surprise fut d'ailleurs telle qu'ils faillirent commettre une bévue. Laquelle aurait été sans grande importance puisqu'aucun Canari ne rôdait à proximité.
La pause arriva ainsi sur le score de 1-0 pour Amiens et il paraît que les Nantais eurent droit à une « explication de texte » dans le vestiaire. C'est une recette qui a de plus en plus cours apparemment dans la Maison Jaune, on peut s'en étonner, vu l'âge moyen de l'effectif. Il est permis aussi de douter de son efficacité au fur et à mesure qu'elle devient répétitive.

Le 4-4-2 mis en place depuis le coup d'envoi, avec Shereni et De Freitas à la récupération, Da Rocha et Capoue sur les côtés, Dossevi en pointe et Heinz dans le rôle du footballeur qui jette de la poudre de perlimpimpin présentait beaucoup de ratés. Alors, Der Zakarian abandonna un pan de son manteau de prudence et, sans attendre, il sortit Dossevi, blessé aux adducteurs, au bénéfice d'Andriatsima. Cette modification n'empêcha pas Amiens de se créer, dès la reprise, une mini- occasion par Kadir dont un tir frôla la transversale.

Sekour aussi, à la place de Heinz
Mais les Picards venaient là de manger leur pain blanc. Ils concédèrent un corner. De Freitas passa à Da Rocha qui lui remit instantanément le ballon. Il put alors s'avancer, en s'ouvrant l'angle. Et il adressa un centre dont Yoann Poulard, de la tête, coupa opportunément la trajectoire, plaçant le ballon hors de portée de Chabbert.
1-1, à la 51è minute, les affaires nantaises s'arrangeaient. Pas celles de Heinz qui, ayant reçu un ballon sur le visage, jouait les pleureuses et restait dans son camp alors que ses coéquipiers étaient à l'avant. Baptiste Gentili se leva et lui demanda, visiblement, de penser davantage aux intérêts collectifs. Le Tchèque obéit à sa manière, c'est à dire à trois kilomètres/heure. C'en était trop : Der Zakarian décidait de le remplacer. Heinz n'en continua pas moins à jouer les originaux, snobant le panneau brandi par l'arbitre où était inscrit le nombre 27, le numéro de son maillot. Lorsqu'enfin il s'exécuta c'était toujours à une allure de tortue. Nantes n'avait pourtant pas encore de temps à perdre.

Et il réalise le doublé
Youssef Sékour succéda au Tchèque (53è minute). Et sept minutes seulement après son entrée, il décocha, de 25 mètres, un tir en coin qui surprit Chabbert. Le comble est qu'il ne s'arrêta pas là. Lorsque Nantes hérita d'un penalty, pour une faute de main sur un coup franc botté par De Freitas (77è), Sekour s'avança pour jouer les justiciers. Sans coup férir, il catapulta un obus juste sous la transversale. Ce jeune homme possède, visiblement du culot, du talent aussi, il lui faudra peut-être éviter d'en « faire trop ». En attendant les Canaris menaient 3-1 et le match était plié. Le ticket CFA Sekour-Andriatsima, imposé par les circonstances, s'était avéré gagnant.

Ce succès, conjugué aux autres résultats, permet aux Nantais de se requinquer. Le quatrième au classement est à 9 points. Est-ce une raison pour oublier l'ennui de la première période ? Pour ne pas noter que les buts ont été obtenus de façon assez chanceuse ? Comme souvent, Nantes a vaincu. Mais qui a-t-il convaincu ? Même pas Batelli, l'entraîneur d'Amiens qui s'est exclamé : « nous nous sommes battus tout seuls, nous leur avons donné les buts. » Ah oui ! Mais qui, au fait, a marqué le but des Picards ?

B.V., le 8 décembre 2007