Cette fois, pas de chance
Depuis le début de la saison, Nantes avait joué plusieurs fois sur le fil du rasoir. Il s'en était sorti, grâce à la chance ou au talent de ses individualités, Bagayoko par exemple. A Boulogne, il s'est cruellement loupé. La chance n'était pas là, Bagayoko non plus. Et les clichés du genre, « c'est la réussite du champion » qu'on nous servait benoîtement depuis plusieurs semaines, sont restés dans les tiroirs. Et on ne parle pas du « seul le résultat compte » seriné à tous vents par les techniciens et les observateurs aux idées courtes.
Nantes a encaissé quatre buts et même si ce score paraît sévère il sanctionne une faillite sur tous les plans : collectivement et individuellement. On a beau chercher : on ne voit pas quel joueur a franchement échappé au naufrage. Tony Heurtebis qui a sauvé beaucoup de meubles en début de saison est un peu moins sûr depuis quelques matches, Shereni accuse lui-aussi un coup de moins bien, De Freitas n'a pas renouvelé ses dernières prestations.
Jambes lourdes, têtes creuses
Nous n'avons jamais crié au grand spectacle ni aux génies quand les Canaris gagnaient leurs matches, nous avons même obstinément déploré qu'ils ne s'appliquassent pas davantage dans la construction du jeu, ce qui leur aurait procuré de plus sûres garanties, à la fois de progression et de résultats, et donc d'avenir. Nous avons toujours effectué les plus extrêmes réserves sur le recrutement de Gravelaine, le « niaiseux » d'une chaîne télé, et de Kita, dont la façon commerciale de diriger un club est proche de celle de Gripond et de Roussillon. Nous avons cependant souligné que peu à peu un esprit de corps s'était dessiné dans les rangs de ces mercenaires, et sans doute Michel Der Zakarian n'y est-il pas pour rien.
Alors, nous n'allons pas sortir la guillotine aujourd'hui, ce serait trop facile. Nantes a encaissé un carton certes, il possède toutefois quelques circonstances atténuantes qui tiennent d'abord à l'accumulation des rencontres, même si Boulogne se trouve évidemment logé à la même enseigne. Mais la moyenne d'âge de son équipe n'est pas la même. Il se peut aussi que les Canaris se soient laissés gagner peu à peu par un sentiment de suffisance leur laissant croire qu'ils sont supérieurs aux autres, sentiment qui avait déjà semblé poindre au cours de la première période face à Ajaccio. Quand on possède autant d'avance, on a tendance à se relâcher, c'est humain.
Les jambes étaient lourdes, les têtes étaient creuses, les conditions difficiles, de la pluie et du vent, et pour couronner le tout Nantes a connu un départ difficile. Il ne s'en est pas remis. Pire : quand il a semblé en mesure de relever la tête, il a pris sur le crâne un deuxième but assommoir qui l'a expédié définitivement par le fond.
Thil a surclassé Poulard
On ajoutera que nous avons souvent déploré la faiblesse des défenseurs, Poulard et Thomas en tête, leur lenteur et leurs relances approximtives notamment. En somme, leur goût pour démolir et non pour bâtir. Jusqu'à présent, paradoxalement, ils encaissaient pourtant peu de buts. Or, au stade de la Libération, les errements se sont payés cash. Peut-être tout simplement parce que Grégory Thil est un attaquant dont la valeur est supérieure aux adversaires habituels des Canaris. Il leur a permis de toucher leurs limites, comme l'avait fait avant lui le Havrais Hoarau. Deux joueurs qui figurent sur les tablettes de plusieurs clubs de Ligue 1, à commencer par celles de Lens.
Une entame catastrophique
On a parlé d'une entame de match laborieuse, en fait elle s'avéra catastrophique. Dès la première minute, suite à un corner, Heurtebis dut effectuer un sauvetage sur une tête de Thil. Ce dernier était parti pour faire passer une soirée de cauchemar à Poulard. A peine trois minutes, le Nantais était dans son dos lorsque le ballon lui parvint. Il ne lui laissa pas le temps d'intervenir : il remit à un partenaire. Et il fonça vers le but, laissant l'ancien Brestois sur place. Le ballon lui revint : il tira avant que Pierre ait eu le temps de comprendre ce qui se tramait. Son shoot croisé trompa Heurtebis. C'était très bien joué.
Nantes accusa le coup et puis, progressivement, il esquissa une réaction. On vit un centre de Thomas pour Dossevi qui ne put contrôler (13è), une action Moullec - Dossevi et un tir de ce dernier, décoché de trop loin pour surprendre Trivino (19è).
La faillite de Heinz
En fait, Dossevi était trop isolé à la pointe de l'attaque. Derzakarian avait en effet opté pour un 4-2-3-1 qui se voulait prudent mais ce n'était pas la première fois de la saison qu'il le sortait. Goussé s'était donc retrouvé sur le banc, décision susceptible d'être discutée après son match contre Ajaccio. Toutefois, le coach nantais était en droit d'avoir pensé à lui octroyer un peu de repos. Dans ce cas, il aurait pu titulariser Keserü.
Il ne le fit pas et c'est Marek Heinz qui en profita puisqu'il se retrouva dans son rôle préféré de meneur, derrière Dossevi et entre Moullec, à droite, et Da Rocha, à gauche. Le plan échoua. D'abord parce que Heinz, la petite merveille présidentielle, a fait faillite. Il joua constamment à l'envers, revenant sans cesse en arrière. Il nous objectera sans doute qu'il manquait d'attaquants de pointe et qu'aller vers l'avant équivalait à perdre le ballon. Tout de même : il existe des limites et chaque fois qu'il voulut effectuer une passe de plus de cinq mètres ce fut un cadeau pour l'adversaire. Moullec n'était pas non plus dans son assiette, il n'a en tout cas pratiquement rien accompli de positif. Quant à Da Rocha, le flanc gauche, on le sait, n'est pas son jardin préféré.
Un coup franc assassin
La prudence cette fois n'a donc pas payé. D'autant que la technique a fait, comme souvent, cruellement défaut. Le football n'est pas qu'une affaire de duels. Nantes pourtant donnait l'impression d'être capable de revenir lorsqu'à la 23è minute Jean-Jacques Pierre commit une faute sur Kébé qui, au départ, avait profité du mauvais placement de Shereni. L'arbitre aurait presque pu se fendre d'un penalty, il se contenta d'un coup franc à la limite de le surface, sur le côté gauche. Ce fut suffisant pour provoquer le malheur des Canaris. Ramaré décocha un tir croisé qui, porté par le vent favorable, trouva le moyen de passer entre la transversale et le gant de Tony Heurtebis, plutôt mal inspiré sur ce coup là.
2-0, l'histoire se compliquait singulièrement et, à part un tir trop lointain de Heinz (35è), les Canaris ne montrèrent plus rien jusqu'à la pause. Thil, lui, bougeant sans cesse et multipliant les appels, continuait à mystifier Poulard. Olivier Thomas sauva la mise de son partenaire à la 37è minute.
KO dès la reprise
Der Zakarian a-t-il tonné dans le vestiaire à la pause ? Peut-être. Mais si cela se produit à chaque match, ça ne sert plus à grand chose. Il fit entrer Goussé à la place de Moullec, revenant ainsi vers un milieu en losange, Heinz se retrouvant derrière non plus un mais deux attaquants et Da Rocha passant en milieu droit. On n'eut pas le plaisir de s'apercevoir du bien fondé de ces réajustements. A peine cinq minutes après la reprise, alors que Maréval avait tout de même eu le temps de tester les réflexes de Trivino (49è), Nantes sombra définitivement. Yoann Poulard y mit encore du sien. Il donna directement à un adversaire, lequel s'empressa de mettre Grégory Thil sur orbite. L'avant-centre boulonnais avait démarré dans le dos de Poulard, autant dire qu'il était sûr de ne pas être rejoint. Couvert au départ par Pierre, et donc pas hors jeu, il alla se présenter seul devant Heurtebis, sorti en catastrophe. Il le feinta et son tir à ras de terre, de 25 mètres, prit le chemin des filets, enterrant les ultimes espérances nantaises.
Triplé de Thil
La suite relève de l'anecdote. Les Canaris esquissèrent quelques derniers mouvements de rebellion, au moins jusqu'à la 70è minute. A cet instant, sur un centre de De Freitas, Keserü effectua une reprise que Trivino parvint à détourner, avec beaucoup de chance, sur un montant. Le ballon rebondit vers Keserü qui plaça une tête dont Da Rocha hérita. Il tira dans les nuages.
On comprit qu'il n'y avait rien à faire, même si Nantes n'était plus dominé. Mais il commettait de nombreuses fautes et, nantis de trois buts d'avance, les Boulonnais pouvaient voir venir tranquillement. Keserü puis Diop avaient effectué leur entrée en scène, sans pouvoir modifier le scénario. La défaite se transforma en déroute à la 87è minute, lorsque Thil marqua de la tête, comme à la parade, son troisième but de la soirée. Maréval s'était fait déborder par Liri et Thil avait encore trouvé le moyen d'échapper à la vigilance de Poulard et de Pierre.
B.V., le 6 nove;bre 2007