La fusée de Shereni
On arrivait au bout du bout des quatre minutes d'arrêt de jeu, peut-être étaient-elles même achevées (mais Capoue avait reçu un carton jaune, synonyme d'un peu de temps supplémentaire), lorsque Capoue et De Freitas s'échangèrent le ballon sur l'aile droite. Nantes venait d'encaisser deux buts coup sur coup, c'est à dire de perdre deux points, du moins le croyait-on, et l'ambiance était morose chez les Canaris qui avaient vraiment matière à se mordre les doigts. L'ancien Amiénois centra. Goussé fit une tête, Heinz remit en retrait et, du gauche, des 16 mètres, Harlington Shereni décocha une fusée qui alla s'encastrer sous la barre, illuminant d'un même coup la tiède nuit libournaise, parsemée de gouttelettes de pluie, et la joie qui maintenant enflammait le camp nantais.
Quatre points d'avance
C'est un tir dont on se souviendra longtemps, même en Gironde où il laissa les joueurs locaux affalés sur le gazon, la détresse au cœur. C'est un but qui préserve Nantes d'interrogations liées à une seconde période de faible tonneau et qui, surtout, lui vaut de reprendre place dans le fauteuil de leader. Le siège, cette fois, est relativement confortable, puisque les Canaris sont assis sur un matelas de quatre points d'avance sur le quatrième. Les voilà nantis d'un joker.
Ils risquent d'en avoir besoin, peut-être dès lundi prochain à Grenoble, troisième, si leur défense, à l'image de Poulard et de Thomas, continue à donner de la bande comme elle l'a fait à Libourne. Sa lenteur, ses imprécisions, les fautes grossières qu'elle commet, ont failli lui coûter.
Poulard a eu chaud
Poulard se « distingua » d'ailleurs pratiquement d'entrée en commettant sur Dohin, parti dans le dos de Mareval, une intervention totalement illicite qui aurait pu lui valoir un retour au vestiaire immédiat. L'arbitre se contenta d'un carton jaune et Didier Tholot ne manqua pas, à l'heure des commentaires, de mettre l'accent sur cette mansuétude, arguant que si Nantes avait été réduit à dix, le scénario aurait pu s'écrire de façon différente. « Dans la même situation, un Libournais aurait été expulsé , s'exclama-t-il. Décidément, dans ce championnat, aux yeux des arbitres, il y a Nantes et les autres. » On ne suivra assurément pas l'entraîneur girondin dans ses hâtives conclusions, un Libournais aurait peut-être été préservé de la même façon par Philippe Chat, qui ne nous a pas semblé être un arbitre particulièrement courageux. On n'a pas eu non plus l'impression qu'il avantageait les Canaris, cinq d'entre eux ayant été « cartonnés», observation qui ne signifie cependant pas que ces sanctions étaient injustifiées. Michel Derzakarian se plaignit d'ailleurs lui aussi de l'arbitrage, assurant que le penalty commis par Poulard était inexistant. Cela reste toutefois à voir et il n'est pas anodin de noter que l'ex-Brestois était encore impliqué dans ce coup litigieux. C'est déjà lui qui avait provoqué le penalty face à Sedan et cette persistance à verser dans les irrégularités devient gênante.
Bagayoko ouvre la marque
Poulard ne fut donc pas expulsé et Nantes, qui avait démarré la partie avec exactement la même équipe, en 4-4-2, que le lundi précédent contre Sedan, put poursuivre au complet une première période qu'il maîtrisa plutôt bien. Il domina en tout cas franchement, les Libournais se trouvant réduits à de rares contre-attaques. Capoue, bien soutenu par Maréval, qui doit tout de même faire attention aux ballons dans son dos, paraissait même moins chien fou qu'à l'ordinaire, il occupait son flanc gauche et ne centrait pas n'importe où. Malgré tout c'est essentiellement sur des coups de pied arrêtés, preuve que les Libournais commettaient eux- aussi des fautes, que les Canaris se montrèrent les plus dangereux. Sur un coup franc de Shereni, Da Rocha, qui avait démarré en fin renard, put servir Bagayoko et Faivre dut, de la tête, sauver sur sa ligne (11è). Bagayoko se mettait en évidence, il était parfois maltraité, il avait aussi le tort d'en rajouter, alors qu'en milieu de terrain De Freitas confirmait le match qu'il avait fourni face à Sedan. Ce ne fut donc pas un hasard si leur participation fut décisive dans le premier but. De Freitas intercepta une mauvais relance de Polovanec et alerta Bagayoko en profondeur. L'attaquant nantais cingla à toute vapeur vers la cage et décocha un shoot que Perraud ne put maîtriser. Il ralentit le ballon, sans pouvoir l'empêcher de pénétrer dans ses filets, au ras du poteau.
2-0 à la pause
On atteignait la 35è minute et l'avantage des Canaris était amplement justifié. Ils auraient même pu ouvrir le score plus tôt si Dossevi, au lieu de tenter sa chance de trente mètres, avait vu Da Rocha sur le côté gauche (25è) ou si un tir de Da Rocha n'avait pas été contré (29è). Libourne tenta toutefois de réagir et Nantes eut très chaud lorsque Delchié laissa Thomas sur place et put tirer avant que Pierre n'intervienne. Sa tentative passa à côté (41è). Da Rocha s'avéra ensuite un poil trop court sur un centre de Maréval (43è) puis Bocaly commit une faute sur Capoue. Mal lui en prit. De Freitas botta le coup franc et Bagayoko prolongea de la tête, ou du dos, pour Dossevi dont la reprise à bout portant fit mouche.
Une minute plus tard, c'était la mi-temps et Nantes tenait logiquement le bon bout.
Bagayoko sort, le match échappe peu à peu à Nantes
La seconde période ne fut malheureusement pas du même cru. Les Canaris firent-ils preuve de suffisance, ce qui mit en relief leurs insuffisances dans la maîtrise du ballon ? Toujours est-il que le match leur échappa peu à peu. La sortie de Bagayoko, dès la 56è minute, ne fit qu'accentuer la tendance car elle libéra les Libournais de la principale menace qui pesait sur eux. Ils purent desserrer l'étau et commencer à monter d'autant que Shereni et surtout De Feitas évoluaient de plus en plus bas. Embusqué derrière Poulard, Deranja eut une première occasion de réduire la marque (68è). Le remplacement de Dossevi par Goussé (68è) ne fit qu'accentuer la tendance, Nantes évoluait désormais avec un seul joueur devant (Goussé) et Heinz était tout à fait transparent. Personne ne nie généralement ses qualités, techniques notamment, mais beaucoup mettent en doute la régularité du Tchèque. Eh bien, il faut croire qu'il n'était pas dans un bon soir !
Incroyable renversement de situation
L'apport de Moullec qui succéda à Da Rocha (76è), une première historique puisque Nantes jouait alors sans aucun joueur formé au club, se révéla également minime et plus les minutes passaient plus Nantes se montrait laborieux. Le match de la Coupe de la Ligue face à Monaco trottait-il déjà dans les têtes ? Tous, Der Zakarian y compris, se montrèrent d'accord pour répondre par la négative.
On se disait certes que si Libourne marquait un but la rencontre restait susceptible de changer de cours, pourtant, avouons-le, on avait presque rangé nos stylos à la 87è minute. Allons que pouvait-il encore se passer ? Bien sûr, Poulard venait de se voir infliger un petit pont mais quand même : Nantes paraissait en mesure de gérer son butin.
On ne trembla pas encore lorsque Poulard fut sanctionné par un penalty pour une intervention sur Kardum. Deranja en profita pour tromper Heurtebis mais à 2-1 et trois minutes seulement à jouer, il n'y avait apparemment pas le feu.
Eh bien si : l'incendie était là, les flammes de l'inquiétude embrasaient les rangs de la défense nantaise qui ne savait plus où donner de la lance. Et Pierre, décidément pas à son niveau de la saison dernière, concédait un coup franc aux 18 mètres. Polovanec tirait dans le mur. Ouf !
Ce n'était pas fini. Quatre minutes d'arrêts de jeu avait indiqué Philippe Chat. La première fut fatale aux Canaris : Bocaly trouva la faille d'un shoot d'une vingtaine de mètres.
Avertissement sans frais
2-2, il y avait de quoi avoir des regrets ! Mais on n'était plus sûr de rien. Ni du pire, un troisième but encaissé, ni du meilleur. C'est le bonheur qui arriva. Grâce à Harlington Shereni dont le cinquième but de la saison vaut donc cher, tant arithmétiquement que moralement.
« Je ne suis pas content , » assura Michel Derzakarian, reconnaissant que Nantes n'avait pas joué en seconde période. Il va donc falloir corriger le tir. Frédéric Da Rocha, lui, parlait d'un avertissement sans frais dont il importe de retenir les leçons, tout en savourant le plaisir d'avoir gagné. C'est un avis et un sentiment que nous partageons.
B.V., le 25 septembre 2007