C'est du kop de la tribune Loire que vint la lumière
Le ciel s'était éclairci, lavé des nuages qui roulaient leurs masses grises depuis plusieurs jours. Même, un rayon de soleil s'était faufilé au-dessus du toit de la Beaujoire et éclairait quelques gradins de la tribune opposée. Mais c'est du Kop Loire que vint la lumière. Il était 20h25 et un immense tifo s'éleva au-dessus des têtes, orné par les portraits de José Arribas, Coco Suaudeau et Raynald Denoueix. Nos trois emblèmes.
C'était beau. « Comme eux, vous portez nos couleurs », proclamait une banderole, apparue sur la gauche. « Comme eux soyez à la hauteur », implorait une autre, éclose sur la droite. C'est alors que dans le buisson des supporters, sous le visage des trois techniciens qui ont fait le FC Nantes, éclorent tour à tour onze autres panneaux, onze autres belles images, comme autant de roses dans un jardin d'histoire. Il y avait là Bertrand-Demanes, Rio, Bossis, Fabbri, Michel, Burruchaga, Amisse, N'Doram, Gondet, Blanchet, Halilhodzic. Ils étaient figés dans la jeunesse de leurs meilleures années, celles de leur gloire, tels que nos mémoires les ont fichés dans nos souvenirs ou dans les livres qui nous répercutent leurs exploits.
La leçon vaut pour tout le monde
Ils nous contemplaient et c'était magnifique. Et nous sentions la chair de poule hérisser notre peau et nous nous disions que les joueurs actuels, qui venaient d'apparaître sur la pelouse, pouvaient mieux se rendre compte de l'endroit où ils ont mis leurs crampons. Quelque part, la scène avait d'ailleurs un petit aspect cruel pour eux dont ni le talent, ni l'imagination, ni la technique, ni même la fidélité, ne sauraient être comparés à ceux de leurs illustres prédécesseurs.
La plupart des joueurs mis en avant ont non seulement porté haut les couleurs du FC Nantes, mais ils y ont été formés et ils ont incarné une certaine philosophie du jeu et de la victoire. Autant dire que la leçon vaut aussi pour les dirigeants actuels du club et pour les assassins qui les ont précédés, le fantoche Gravelaine faisant évidemment parti du lot. Réussir à bâtir un équipe de Ligue 2 en alignant au départ seulement deux joueurs issus du « formidable » centre de formation de la Jonelière, franchement il faut le faire. Bravo messieurs vous avez battu un record. Celui de l'ineptie en l'occurrence.
Il existe pire que Der Zakarian
Oui, la leçon vaut pour tout le monde et ces tifos nous rappellent aussi, au passage, que dans le football actuel, avec tous ces joueurs mercenaires qui changent si souvent de crémerie qu'ils en oublient la couleur du maillot qu'ils portent, avec également ces dirigeants qui achètent des clubs comme une entreprise quelconque, une usine d'avions, un pool de journaux ou un laboratoire pharmaceutique, avec enfin ces techniciens d'autant plus privés d'idées qu'on ne leur donne pas le temps de construire, eh bien dans ce football-business-là, ce sont de plus en plus souvent les supporters qui s'érigent comme les plus amoureux de leur club. Ceux qui en connaissent le mieux les valeurs.
Dans ce contexte, on doute fort, et c'est d'ailleurs heureux, que les théories défendues et mises en pratiques par Michel Der Zakarian suscitent l'adhésion populaire. Or, le coach nantais ne semble pas non plus bénéficier d'une cote favorable auprès de son président. Sa position reste donc fragile, quelqu'un pourrait-il lui expliquer et le convaincre que c'est en jouant au ballon qu'il construira quelque chose de durable ? Cela dit, si Kita le vire pour nommer quelqu'un de pire à sa place, ça avancera à quoi ? Car il existe pire, et souvent plus cher, que Der Zakarian dans le marigot des entraîneurs français (et européens), n'en doutons pas. A ce sujet l'une des bonnes nouvelles du week-end reste d'ailleurs l'arrivée de Jean-Pierre Papin à Lens. En voilà un au moins qui n'amènera pas son jeu primaire et l'ennui du côté de Nantes. Si Kita change de technicien, pitié qu'il ne nous livre pas l'un de ces illettrés qui débitent des idioties en boucles à la télé et qui se pavanent ensuite en croyant qu'ils viennent d'inventer la poudre. Pourvu qu'il ne pense pas au gros Roux !
Merci Shereni, mais aussi Heurtebis
Mais le licenciement de Michel Der Zakarian ne s'inscrit pas, du moins on le pense, dans l'actualité immédiate. Nantes a en effet gagné 3-0. Pourtant, si le score est éloquent, il est clair que sur le plan de la manière il y eut encore beaucoup à redire. Le FC Nantes ne possède toujours pas de fond de jeu. Il paraît difficile de s'en étonner tant l'assemblage qu'il forme est hétéroclite, tant aussi son entraîneur rechigne à parler de manière, de style. Nantes en revanche a connu un maximum de réussite. Autant s'en réjouir. Et souhaiter que cela dure.
Les Canaris tiennent également en Tony Heurtebis un gardien qui est en forme. Au Havre, ses arrêts n'avaient pas été suffisants pour empêcher la défaite. Contre Brest sa belle intervention, dès la 3è minute, plongeon sur sa gauche sur une reprise de la tête de De Carvalho, permit de préserver les chances de ses coéquipiers.
S'il avait encaissé un but à cet instant Nantes eut été dans de sales draps. Or, une minute plus tard, il se vautrait dans le lit du bonheur. Moullec ajusta un coup franc de la gauche et Harlington Shereni prit, de la tête, l'avantage sur les défenseurs brestois. Le ballon rebondit sur la pelouse et fila dans la cage d'Elana.
Heinz manque de condition
Les Canaris ne pouvaient évidemment mieux débuter : ils venaient d'échapper au cauchemar et de plonger dans le bonheur. Alors ils essayèrent de poursuivre sur leur lancée à partir d'un système en 4-2-3-1 qui avait amené Da Rocha à prêter main forte à Shereni dans un rôle de milieu défensif tandis que Moullec occupait le couloir droit et Capoue le côté gauche. Marek Heinz avait été titularisé en tant que soutien de Dossevi, lequel se tenait seul en pointe. Le Tchèque a, dit-on, du talent, il lui faudra en apporter la confirmation et visiblement il n'est pas au mieux de sa condition. C'est embêtant. A la 17è minute, il effectua une subtile ouverture pour Capoue, à gauche. Aurélien élimina adroitement son adversaire direct, hélas son centre s'égara dans le néant.
La suite fut plus délicate. Elle aurait même peut-être mal tournée si l'arbitre n'avait pas refusé un but aux Brestois. On en était à la 22è minute et Collet avait mystifié Thomas, lequel n'a pas passé une soirée des plus confortables. Son centre fut repris et propulsé au fond des filets par De Carvalho. Le point fut refusé, le juge assistant estimant que Collet avait laissé sortir le ballon avant de centrer. Franchement, même au vu des ralentis-télé, ça se discute.
Dossevi frappe deux fois
Au fil du match, Nantes allait de moins en moins bien, à l'image de Moullec qui jouait de plus en plus bas. Côté gauche, Capoue, souffrant d'une cuisse, avait passé le relais à Maréval et le 4-2-3-1 initial ressemblait de plus en plus à un 4-4-1-1. Nantes ne parvenait pas à maîtriser le ballon, le jeu lui échappait doucement et on commençait à redouter le pire, à l'approche de la mi-temps.
C'est alors qu'Heurtebis dégagea un ballon que Maréval expédia de la tête en avant, vers le but. La maladresse des défenseurs brestois, de Casertelli surtout, conjuguée à la sortie hasardeuse d'Elana, transformèrent cette remise en passe décisive. Thomas Dossevi parvint en effet à reprendre et à marquer son premier but sous ses nouvelles couleurs (40è).
C'était assez chanceux, dépourvu de véritable construction, mais ce fut décisif. Les Brestois n'étaient pas remis de ce coup du sort que Dossevi frappa en effet une seconde fois, profitant d'une ouverture de Maréval dans le dos de défenseurs mal alignés. L'ancien Valenciennois fit preuve d'adresse et de sang-froid et plaça le ballon hors de portée d'Elana (42è).
Bon pour la confiance mais du pain sur la planche
Nantes menait ainsi 3-0, le match avait basculé et la seconde période n'apporta pas vraiment du nouveau. Maréval expédia dans les tribunes un ballon de quatrième but (54è), Elana repoussa un shoot de Shreni consécutif à une remise de la tête de Maréval (79è), De Carvalho fut à deux doigts de réduire la marque (81è). La charnière Pierre – Poulard grinçait un peu, Heinz s'éteignait de plus en plus, si bien qu'il fut remplacé par Goussé (60è), De Freitas entra à la place de Thomas, victime d'une béquille (63è) ce qui amena Moullec à terminer au poste d'arrière droit et Keserü à stopper son échauffement, pour être définitivement cloué sur le banc.
Nantes a pris trois points, il est de nouveau leader et Dossevi a marqué deux buts. De là à dire qu'il a convaincu il existe une marge. Reste qu'évidemment, il vaut tout de même mieux avoir pris les trois points, surtout dans ces conditions. C'est au moins bon pour la confiance et l'avenir immédiat du staff technique. Allons, en cherchant bien, vous trouverez bien un philosophe idiot pour vous asséner benoîtement et bêtement que le propre des grandes équipes c'est de savoir gagner même quand elles jouent mal.
B.V., le 26 août 2007.